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Santé

Maladies, canicules, famines… le changement climatique promet un désastre sanitaire

Le rapport 2021 de l’éminente revue « The Lancet » sur la santé et le changement climatique est alarmant : la crise climatique se dégrade, fragilisant toujours plus la santé des populations.

C’est le rapport de référence concernant les conséquences de la crise climatique sur la santé. Et les conclusions de son cru 2021 ne sont guère réjouissantes. L’augmentation des températures fragilise toujours plus de personnes âgées et de nourrissons, elle facilite la transmission de maladies infectieuses, tandis que les sécheresses propagent l’insécurité alimentaire, en particulier chez les femmes des pays en voie de développement.

Le Lancet Countdown, littéralement « compte à rebours » du Lancet, est donc publié ce 20 octobre par la revue scientifique du même nom, la plus reconnue pour les questions de santé. Ce rapport est établi chaque année depuis la conclusion de l’Accord de Paris fin 2015, afin de suivre les effets du changement climatique sur la santé. Il est le résultat d’un consensus scientifique établi par les chercheurs de trente-huit institutions universitaires et agences de l’Organisation des Nations unies (ONU). Il examine quarante-quatre indicateurs, allant de l’exposition aux fortes chaleurs et aux événements climatiques extrêmes, à l’évaluation des politiques publiques de santé face à la crise climatique. En résumé, la majorité de ces indicateurs se dégradent, année après année. Le rapport 2021 est ainsi intitulé « Alerte rouge pour la santé de demain ».

Canicules, sécheresses, maladies infectieuses…

L’une des plus fortes menaces pour la santé identifiées par le rapport est l’exposition des populations fragiles aux canicules. Celle-ci explose : en 2020, les plus de 65 ans y ont, dans le monde, été exposés 3,1 milliards de jours en plus que la moyenne des années 1986-2005. Les enfants de moins de 1 an ont, eux, cumulé 626 millions de jours en plus. Les auteurs ont aussi calculé que 345 000 décès parmi les personnes âgées pouvaient être attribués aux vagues de chaleur, soit 80 % de plus que la moyenne 2000-2005. Les pays les plus développés sont les plus concernés, car leur population est vieillissante.

Mais « la chaleur affecte de manière disproportionnée les personnes […] disposant de peu de ressources, qui ont peu accès à la climatisation et aux soins de santé », souligne le rapport. Par ailleurs, la chaleur empêche de travailler, en particulier en agriculture. Et là, ce sont les femmes vivant en zone rurale dans les pays peu développés qui sont les plus touchées.

Exposition aux vagues de chaleur de 1980 à 2020. © Lancet/Rapport 2021

L’exposition aux événements climatiques extrêmes est elle aussi mesurée. Par exemple, « près de 60 % des pays ont connu une augmentation du nombre de jours pendant lesquels la population a été exposée à un danger d’incendie très élevé entre les périodes 2017-2020 et 2001-2004 ». Les mégafeux en Australie ont provoqué des centaines de morts et envoyé des milliers de personnes à l’hôpital, rappelle le rapport.

Nombre de décès liés aux vagues de chaleur. © Lancet/Rapport 2021

Les sécheresses, elles, augmentent l’insécurité alimentaire et sont d’une ampleur inédite. Jusqu’à 19 % de la surface terrestre aurait été concernée en 2020, contre un maximum de 13 % entre 1950 et 1999. Le potentiel de rendement du maïs diminue de 6 %, celui du blé d’hiver de 3 % et celui du riz de 1,8 %, en comparaison avec la moyenne des années 1981-2010.

Les chercheurs confirment également le retour des maladies infectieuses « sensibles au climat ». La dengue, le virus Zika et le chikungunya se répandent dans les pays développés en même temps que les moustiques qui les transportent. Dans les pays en voie de développement, c’est le paludisme qui profite d’une augmentation de 39 % du nombre de mois où les conditions sont favorables à la contagion. Ainsi, « le changement climatique pourrait rendre les efforts d’éradication du paludisme de plus en plus difficiles dans des zones déjà défavorisées ».

« Le changement climatique est une menace pour la santé bien plus importante »

Dans ce contexte, et alors que le Covid-19 a bousculé les systèmes de santé partout dans le monde, les auteurs ont regardé si les États se préparaient à l’augmentation des problèmes de santé due au changement climatique. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a demandé à 91 pays, en 2021, s’ils avaient des stratégies nationales anticipant l’effet de la crise climatique sur la santé. Seuls 47 d’entre eux, soit à peine plus de la moitié, ont répondu positivement. Parmi les fonds destinés à l’adaptation au changement climatique, seulement 0,3 % sont dirigés vers les systèmes de santé. On repère un indicateur positif dans ce chapitre : les espaces verts augmentent dans les villes des pays développés. Mince réconfort.

Le rapport n’hésite donc pas à faire la leçon : « Bien que l’économie mondiale et les systèmes de santé soient en train de récupérer d’une crise sanitaire mondiale, le changement climatique est une menace pour la santé bien plus importante pour les décennies à venir. »

Les solutions pour limiter le changement climatique tout en améliorant la santé sont ensuite explorées. Reporterre les a souvent répétées : moins de voitures thermiques améliore la qualité de l’air, manger moins de viande est bon pour la santé et le climat. Le tout permettrait d’enfin respecter les engagements climatiques de l’Accord de Paris, dont on est encore bien loin [1]. Les pays les moins développés, eux, ont moins de problèmes de pollution de l’air dû aux voitures, mais s’abîment les poumons à cause de l’usage du feu de bois ou de kérosène (!) pour cuisiner chez eux. Mais là encore, on tarde, et ces retards d’investissement dans les énergies « propres » coûtent « des millions de vies chaque année, à cause de la pollution de l’air hors et dans les maisons ».

« Une détérioration de tous les paramètres de santé »

Bref, il est plus que temps d’agir. « Les inégalités mondiales augmentent et l’évolution de la situation se traduit par une détérioration de tous les paramètres de santé. Il est particulièrement urgent de renforcer les services de santé des pays à revenu faible et intermédiaire », insiste l’éditorial du Lancet qui accompagne le rapport.

Les plans de relance post-Covid présentent une belle occasion. Qui, là encore, pourrait être manquée. « On estime que moins de 1 dollar sur 5 dépensé pour la relance Covid réduira les émissions de gaz à effet de serre et que l’effet global sera probablement négatif », s’inquiète Marina Romanello, autrice principale du rapport. Or, « une relance fondée sur les combustibles fossiles […] risquerait de […] rendre impossible le respect du seuil de réchauffement maximal de 1,5 °C prévu par l’Accord de Paris. Cette situation a des répercussions sur la santé humaine et touche plus durement les personnes vivant dans les pays à faible revenu, dont les populations ont apporté la plus faible contribution relative au changement climatique », note le communiqué de presse du Lancet.

L’espoir réside désormais dans la COP26, la conférence de l’ONU sur le changement climatique, qui se tiendra début novembre en Écosse.

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