Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?
Loos-en-Gohelle, le 6 décembre 2021. Arrivée sur le plateau (les terrils jumaux sont reliés par un plateau).
Vue panoramique à droite un une partie d'un des terrils jumaux.
AIMÉE THIRION POUR « LE MONDE »

A Loos-en-Gohelle, le maire et les citoyens mobilisés pour la transition énergétique

Par  (Loos-en-Gohelle, envoyée spéciale)
Publié le 12 décembre 2021 à 08h00, modifié le 29 juillet 2022 à 10h35

Temps de Lecture 4 min.

C’est un pied de nez à l’Histoire, avec un grand H. Loos-en-Gohelle, l’ancienne cité minière au passé charbonneux, est devenue ville durable et désirable, modèle envié et cité aux quatre coins du monde. Ses terrils, autrefois sombres symboles de l’impact de l’extraction charbonnière sur le territoire, sont devenus totems de la résilience.

A l’occasion de la COP21 en 2015, le président d’alors, François Hollande, a choisi d’accueillir sur cette montagne noire du Pas-de-Calais une délégation de la conférence mondiale sur le climat. Son successeur, Emmanuel Macron, a escaladé l’un des massifs de déchets fin 2018, comme bien d’autres ministres ou élus en campagne, avant et après lui. Aujourd’hui encore, bon nombre d’habitants sont fiers de rappeler que, depuis 2012, le bassin minier fait partie des biens inscrits sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco, à côté des pyramides d’Egypte ou de la Grande Muraille de Chine.

Dans ce village de 7 000 habitants, voilà près de quarante ans que les Caron, maires de père en fils, ont choisi d’inscrire les Loossois « dans des processus d’implication et de responsabilisation », tout en construisant « un travail de récit très puissant ». « En 1986, avec l’arrêt brutal des puits de la mine, on est restés sur le flanc, se souvient Jean-François Caron, le maire actuel, encarté chez Les Verts depuis vingt-cinq ans. Mon père a empêché la destruction systématique du patrimoine en décidant de préserver les terrils. »

Marcel Caron, élu socialiste de 1977 à 2001, fut, en effet, l’un des rares de la région à avoir conservé cette trace de l’histoire des mines. Il propose à ses administrés de partir à la rencontre de leur passé en conservant les terrils les plus hauts d’Europe, culminant à 186 mètres, pour les transformer, par exemple, en théâtre de verdure. C’est le début de la reconquête, version transition énergétique. Son credo : « Se transformer sans oublier ses racines. »

Jean-François Caron, maire de Loos-en-Gohelle à la mairie, le 6 décembre 2021. Il est à l’origine du projet de panneaux photovoltaïques sur le toit de l’Eglise Saint-Vaaste.

Jean-François, le fils, a pris la suite il y a vingt ans. « Les deux enjeux, ce sont la conduite de changement et l’imaginaire, raconte avec passion cet ancien kinésithérapeute de 64 ans. La conduite de changement est plus facile quand on est proche des gens, car cela requiert de l’engagement. » L’implication des habitants passe ici par le principe du « fifty-fifty ». Mis en place il y a quinze ans, il repose sur une politique d’habitants-acteurs qui favorise les initiatives citoyennes. C’est ainsi qu’en 2018 est né le projet « plan solaire Loos-en-Gohelle », baptisé par les Loossois « Mine de soleil ».

Des citoyens actionnaires

A la suite d’une réunion publique, des Loossois créent une société sous la forme d’une SAS pour équiper les toitures de la ville de panneaux solaires. « On s’est retrouvés à sept ou huit impliqués pour travailler au développement du plan en toute transparence et en toute concertation », explique Jean-Luc Mathé. Ce jeune retraité loossois, « pas politiquement écolo, même si on l’est un peu tous », ajoute avec enthousiasme : « On a 115 citoyens actionnaires, huit toitures municipales équipées et plein de projets, notamment pour proposer Mine de soleil aux communes voisines. » L’objectif n’est pas de gagner de l’argent, prévient-il, mais bien de construire ensemble. « Forcément, c’est plus long d’associer tout le monde dans les projets plutôt que de laisser la mairie décider toute seule. Mais faire participer les citoyens contribue à ce que tout soit plus respecté, analyse Jean-Luc Mathé. A Loos, la participation citoyenne existe depuis des décennies, c’est presque génétique ! »

Qu’il s’agisse de sécurité aux abords des écoles, de tri des déchets ou même d’aménagement des routes, tout est discuté en amont en mettant en valeur le rôle de l’habitant, le droit à l’initiative et la pertinence de l’expertise d’usage des citoyens. Ainsi, pour rénover les chemins ruraux, la Ville compte chaque année sur les agriculteurs, leurs machines et leurs bennes. « La mairie participe à l’achat des matériaux et nousn on fait les travaux, explique Marc Logez, 66 ans, agriculteur loossois. Tout le monde est gagnant : plutôt que d’avoir des chemins défoncés, on entretient avec des déchets de béton recyclé. » Moitié-moitié. « On sait qu’on est une ville un peu atypique, confie cet exploitant en culture raisonnée qui réduit chaque année ses doses de pesticides. On est un peu jalousés par les villageois des alentours. Ici, on peut discuter et on n’est pas dans l’écologie punitive. »

« Ce qui nous fait changer, c’est le désir »

A Loos-en-Gohelle, la transition est à chaque coin de rue. La gérante de la supérette du centre-ville a fait voter ses clients pour savoir ce qu’ils voulaient comme aliments dans le nouveau rayon réservé au vrac. « Monsieur le maire est dans tous ces trucs d’écolos. Et nous, on suit le mouvement », dit Virginie Guerlus, la responsable du 8 à Huit, fière de présenter sa nouveauté, des paniers de deux kilos de fruits et légumes antigaspillage à 3 euros.

Virginie Guerlus, responsable du 8 à Huit, dans son magasin à Loos-en-Gohelle, le 6 décembre 2021.
La devanture du magasin 8 à huit de Loos-en-Gohelle, le 6 décembre 2021.

Il y a plus de trois décennies, la cité minière était une ville meurtrie, archétype du développement économique d’hier. Mais au fil des années, elle est devenue une référence européenne en matière de révolution énergétique, au même titre que Stockholm, Bologne, Malmö, Dunkerque ou Fribourg. « Dans la vie, ce qui nous fait changer, c’est la peur et le désir », estime Jean-François Caron. Il a choisi le désir.

Pour créer « de l’intelligence collective », le maire a fait le pari d’amener ses concitoyens à chercher ensemble des solutions à leurs problèmes. Depuis, édiles et touristes viennent de partout en Europe pour voir la façade sud du toit de l’église Saint-Vaast couverte de panneaux photovoltaïques totalisant une production équivalant à la consommation annuelle de 69 ménages (177 700 kWh par an). Il y a aussi les maisons à haute performance énergétique, les logements sociaux écoconstruits, les 50 000 litres d’eau récupérés annuellement pour alimenter des sanitaires, le nettoyage du matériel ou l’entretien des espaces verts, ou encore la ceinture verte de 15 kilomètres, aménagée sur des parcelles marquant les limites de l’urbanisation, et son surprenant « corridor biologique » – « nécessaire au déplacement de la faune » – enjambant l’autoroute A21.

Lors de sa visite à Loos-en-Gohelle, Emmanuel Macron a écouté l’intarissable Jean-François Caron expliquer comment la crise pouvait être un formidable moteur de transition. Dans un an, en cours de mandat, le maire passera la main pour se consacrer à la Fabrique des transitions, une alliance d’acteurs nationaux qui ont envie de partager leurs expériences pour aller vers des sociétés durables, loin des actions partisanes. L’objectif de cette Fabrique, lancée officiellement il y a deux ans, est de mutualiser à grande échelle les différentes expériences de transition. « On travaille la question de la méthode pour accompagner les territoires, au-delà des couleurs politiques », explique Jean-François Caron. Beauvais, Strasbourg, Lomme, Rodez, Annecy, le Puy-de-Dôme… Onze territoires sont d’ores et déjà accompagnés par la Fabrique et ses partenaires.

L’un des terrils du 11/19. Il fait parti des cinq grands sites miniers inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco. Loos-en-Gohelle, le 6 décembre 2021.
Cet article a été réalisé dans le cadre de la conférence Le Monde Cities « Qu’est-ce qu’une ville à taille humaine? » organisée par Le Monde avec le soutien d’Enedis, de Toyota et de l’Institut Veolia

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.