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Les métiers de la santé à l’horizon 2040

L’OPCO Santé et Actalians ont publié une étude dressant un certain nombre de projections pour les métiers de la santé. Tour d’horizon des grandes tendances, et des métiers appelés à se développer dans le secteur.

Publié le  09/01/2023

En 2020, Corinne Grenier et Florent Giordano, chercheurs en sciences de gestion au sein du centre d’expertise « Santé et Innovation » de KEDGE Business School lançaient une étude* intitulée « Prospective des métiers de la santé à l’horizon 2040 ». Son objectif : identifier les transformations majeures du secteur de la santé, notamment à travers l’évolution des métiers et des compétences nécessaires. 

À l’origine du développement de nouveaux métiers de la santé et de la transformation de ceux existants, deux grands phénomènes se dégagent. 
Il y a d’une part un ensemble d’évolutions technologiques, avec le développement du digital, de l’intelligence artificielle ou encore des big data. D’autre part, une autre dynamique relève d’évolutions démographiques comme le vieillissement de la population et l’accroissement des maladies chroniques. Ainsi, en 2040, plus de 25 % de la population aura plus de 65 ans, et cela aura nécessairement des répercussions sur les comportements et besoins exprimés par les usagers. 


 

Un secteur qui connaît des mutations structurelles

Cinq axes structurent le « devenir prospectif » du secteur de la santé : les évolutions technologiques, la question de l’écologie et de la raréfaction des ressources, l’organisation et la régulation du système de santé, l’organisation et le management des professionnels de santé et enfin, la sociologie et les comportements des patients et usagers.

En effet, l’évolution des attentes des patients est étroitement liée à l’évolution de la société, et son vieillissement entraînera nécessairement l’augmentation des besoins de compétences gérontologiques, dans les années et décennies à venir. 

Une autre évolution notable est celle de la fin d’une « hyper-fragmentation des métiers », qui a longtemps structuré les compétences dans le champ de la santé. De plus en plus, les professionnels devront avoir une vision globale du parcours du patient, nécessitant des compétences de coordination, et mettre l’accent sur la prévention. Corinne Grenier souligne ainsi que « même lorsqu’une infirmière a une certaine expertise, son métier doit forcément prendre en compte ce qu’il y a avant et après son intervention, dans le parcours de soins, un environnement plus ou moins large, dans lequel le patient navigue. » Ainsi, souligne-t-elle, « il ne s’agit plus seulement de former des hyper-spécialistes », mais aussi, davantage qu’auparavant, de compléter le cœur de métier par des compétences de coopération et de coordination. 

 

Engagement et savoir-faire

Outre cette nécessité d’avoir un regard transversal sur l’ensemble de l’organisation dans laquelle ils interviennent, les professionnels devront bien sûr, demain comme aujourd’hui, être confortés dans leur autonomie professionnelle. À ce titre, rappelons que cette autonomie est synonyme d’expertise et correspond à la capacité de faire des choix face à des situations différentes, sans se limiter à une stricte application des procédures. Sur le schéma ci-dessous issu de l’étude, cette notion correspond à un deuxième axe intitulé « orienté procédures/orienté processus ».

Pour Corinne Grenier, il s’agit là de la « capacité de tout professionnel à avoir un regard critique sur ce qu’il doit faire. C’est la part de réflexion éthique dans le métier, individuelle et collective. D’autre part, les situations devenant de plus en plus chroniques et donc complexes, il faut s’interroger sur la situation spécifique de chaque patient. »

En termes d’organisation du système de soins, les auteurs constatent que l’on assiste de plus en plus au développement d’une « logique en réseau entre établissements et professionnels de première ligne », pour limiter le recours aux établissements et favoriser le développement de l’ambulatoire et du domicile. Cette évolution des structures de santé va entraîner un besoin croissant d’expertises en logistique et mutualisation des fonctions support.

 

Des métiers liés à la gestion des plateformes d’intermédiation numérique

Le développement de plateformes numériques, notamment orientées patient, pourrait susciter la création de nouveaux métiers, comme celui de responsable de plateforme d’intermédiation numérique, gérant, entre autres, une équipe d’e-conseillers patient. En complément des technologies de réponse automatisée, le e-conseiller patient vérifierait leur efficacité, tout en s’assurant du suivi du dossier patient auprès de différents professionnels, dans une logique de coordination du parcours. Il aurait un rôle particulièrement crucial sur les aspects juridiques et éthiques liés à la circulation des informations.

Une seconde mission de ce métier a trait à la gestion de l’« expérience patient ». Un dernier métier cité est celui d’e-brancardier. Grâce aux technologies de l’IA, celui-ci pourrait piloter les matériels roulants ou même des exosquelettes grâce à une console de pilotage, qui lui permettrait d’être en relation avec le patient et les professionnels de santé. 

 

Les métiers en lien avec l’utilisation des big data et de l’IA

L’IA, outre les automatisations qu’elle permet, est d’ores et déjà un instrument de détection, et va voir son utilisation s’étendre, notamment en matière de médecine prédictive. Aussi, le bon usage de ces technologies suscite un besoin croissant de compétences d’accompagnement des patients dans leur parcours de soins, de santé et de vie. Celles-ci se traduiraient dans des métiers tels que le référent du dialogue éthique, l’attaché en données cliniques, ou encore l’assistant sanitaire (ou médico-social) d’aide à la décision.

Ces deux derniers métiers sont spécifiquement liés au traitement des données patients dans un contexte de soins et de prise en charge médicale et sociale.
Le rapport évoque également les métiers induits par l’utilisation de la robotique chirurgicale, avec notamment l’apparition possible de l’IBODE (infirmier de bloc opératoire diplômé d’État) en robotique chirurgicale, du fait de l’usage croissant d’outils numériques.
 

« Plus il y a de technologie et plus il faut mettre de la présence humaine »


Les métiers du « relationnel » dans les établissements de santé

Dans un contexte d’évolutions technologiques, l’étude rappelle que la relation doit rester au cœur du soin, et l’importance d’éviter les inégalités liées à une fracture numérique. Cette dimension passerait par de nouveaux métiers comme celui de référent de parcours en établissement. Faire le lien avec les équipes, remonter les informations, assistance et dialogue avec le patient seraient au cœur de sa mission.

Enfin, l’étude évoque des métiers induits par le suivi des patients et usagers à domicile (responsable de parcours intégré et projet de vie à domicile, assistant de vie à domicile, technicien d’équipement à la vie sociale et médicale...), et des métiers de la prévention en santé et au bien-être, à travers par exemple un métier de « coach prévention et adhésion du patient ». 

* Étude à l’initiative de l’Observatoire de l’hospitalisation privée d’Actalians (Organisme Paritaire Collecteur Agréé des Professions Libérales, des établissements de l’Hospitalisation privée et de l’Enseignement privé) et de l’Observatoire de l’OPCO Santé.


 

2 questions à Corinne Grenier, coordinatrice du rapport

 

Vous décrivez de nombreux facteurs d’évolution des métiers de la santé. Comment pensez-vous que les métiers s’adapteront à ces évolutions ?

Corinne Grenier : Il y a des évolutions technologiques comme le « big data », mais également des innovations paradigmatiques : le pouvoir d’agir, les savoirs expérientiels ou l’autonomie. Car, souvent, quand on s’engage jeune dans un métier, on se dit qu’on va évoluer ensuite vers un autre métier. Dans le système de santé, ce n’est pas si simple de passer d’un métier à un autre. Il faut fluidifier ça pour rendre ce secteur attractif, en termes de parcours professionnel. Ainsi, on pourrait rendre obligatoire le fait de renouveler ses compétences tous les trois ans, grâce à la formation.

Y a-t-il encore des préjugés sur les conséquences des nouvelles technologies, qui les opposeraient à la notion du soin, par exemple ?

C. G. : Plus il y a de technologie, et plus il faut réinventer des systèmes d’accompagnement, renforcer la proximité et la relation directe. Cela peut passer par des coordinateurs de parcours, des gestionnaires de cas. Mais cela peut aussi prendre la forme de médiations entre « pairs », comme les malades qui accompagnent des malades, des personnes handicapées qui accompagnent des personnes handicapées, etc. Cette notion de pair-aidance impliquerait de ne pas former seulement les professionnels, mais aussi les patients. Il y a de nombreuses innovations humaines et relationnelles dans le champ de la santé, qui sont mal connues. Plus les métiers sont investis par la technologie, et plus il y a besoin de personnes au plus près des patients, plus il y a de technologie et plus il faut mettre de la présence humaine.


Pour aller plus loin : lire l’étude complète

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