Accueil

Economie Économie francaise
Réforme de l'assurance-chômage : les syndicats contre-attaquent devant le Conseil d'État
Les syndicats dont la CGT, la FSU Solidaires, FO manifestent ce mardi 5 octobre.
AFP

Réforme de l'assurance-chômage : les syndicats contre-attaquent devant le Conseil d'État

Bras de fer

Par

Publié le

Les avocats de quatre centrales syndicales s'apprêtent à interpeller le Conseil d'État en fin de semaine pour obtenir la suspension de la réforme contestée de l'assurance-chômage. Le décret, publié ce 1er octobre, pourrait affecter les revenus de centaines de milliers de travailleurs précaires.

Les syndicats dont la CGT, la FSU Solidaires, FO qui manifestent ce mardi 5 octobre pour la défense du pouvoir d’achat des salariés, ne lâchent pas l’affaire. Leurs avocats déposeront au plus tard ce vendredi des mémoires concertés, en référé devant le Conseil d’État, afin que cette juridiction suspende le décret de la réforme de l’assurance chômage publié le 1er octobre par le gouvernement. L’enjeu est de taille : dès le 1er novembre, les allocations de centaines de milliers de précaires « permittents » – qui travaillent par intermittence – pourraient être essorées par un nouveau mode de calcul basé sur un salaire journalier de référence incluant leurs périodes de désœuvrement.

Les syndicats ont bon espoir d’obtenir gain de cause avant la date fatidique depuis que le Conseil d’État avait entendu leurs revendications en juin dernier. Cette haute juridiction avait en effet estimé que la réforme de l’assurance-chômage voulue par l’exécutif ne pouvait entrer en vigueur sans une meilleure visibilité sur la conjoncture économique. C’est le moins qu'elle pouvait faire, quand on se propose de réduire par exemple de 880 à 620 euros les allocations de plus d’un million de précaires.

« En publiant un décret le 1er octobre, en tous points semblable à celui suspendu par le Conseil d’État en juin 2021, le gouvernement choisit de passer en force, estime maître Antoine Lyon-Caen, avocat de la CGT de la FSU et de Solidaires. Car si le gouvernement avait eu des éléments imparables démontrant une franche embellie économique profitant à tous, il aurait pu s’adresser en référé au Conseil d’État, en lui demandant de revenir sur sa décision de juin. »

Fortes disparités

Emmanuel Macron annoncé de façon unilatérale le 12 juillet dernier que sa réforme de l’assurance-chômage s’appliquerait dès le 1er octobre. Dans son mémoire, Antoine Lyon-Caen rappellera donc qu’en août dernier, le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie B – qui alternent contrats de quelques jours et périodes d’emploi – continuait d'augmenter. Or, il s'agit de ceux qui seront les plus touchés par le décret contesté. De leur côté, les employeurs qui abusent des contrats précaires ne seront ponctionnés qu’après 2022.

« Sur le fond, penser que les précaires choisissent des contrats de travail d’un jour voire moins, est une vue de l’esprit, poursuit le juriste. La motivation première du gouvernement est d’économiser substantiellement sur l’assurance-chômage. » Avocat de l’Unsa, Cédric Uzan-Sarano martèle également que le gouvernement ne peut lever toutes les incertitudes quant à l'évolution de la conjoncture dans les mois à venir. « La fin du "quoi qu’il en coûte" va percuter les finances de milliers d’entreprises », justifie-t-il.

Ce n’est pas tout. Saisi par les syndicats, le Conseil d’État devrait également statuer, courant novembre, sur le fond de la réforme de l'assurance-chômage. « Or le nouveau mode de calcul des indemnités de chômage retenu par le gouvernement induit encore de fortes disparités d’indemnisations entre des permittents qui travaillent un même nombre de jours dans un mois, selon qu’ils commencent leurs missions le 1er ou le 15 », rappelle maître Uzan-Sarano.

Secteurs en tension

Plutôt que de passer en force pour démontrer qu’il a su mener à terme une réforme sociale majeure avant la prochaine présidentielle, l’exécutif aurait peut-être été mieux inspiré d’engager une discussion avec les syndicats sur les dysfonctionnements majeurs du marché du travail en France. Selon une étude de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) publiée le 1er octobre, comme le décret de l’assurance chômage contesté, six métiers sur dix pâtissaient déjà en 2019 de fortes tensions de recrutement, contre seulement un sur quatre en 2015, en dépit du niveau de chômage existant.

Or, dans un tiers des cas, ces tensions surviennent d’abord parce que la main-d’œuvre formée manque dans de nombreux métiers pointus : les techniciens dans la mécanique, l’électricité, le bâtiment (plombiers, charpentiers), les ingénieurs dans la quasi-totalité des métiers de l’industrie, l’informatique. Ensuite, 27 autres métiers peinent à recruter parce qu’ils proposent des salaires trop chiches, assortis de conditions d’emplois usantes. On citera également des offres d’emploi proposées au SMIC aux aides à domicile, aux conducteurs routiers, aux ouvriers de l’agro-industrie, aux serveurs de bars et de restaurants. Pour la plupart, il s'agit de « deuxièmes lignes » plébiscités pendant la pandémie.

Enfin, des emplois ne trouvent pas preneurs parce que les intéressés ne résident pas là où les besoins surgissent. Cette disparité géographique explique notamment la galère des familles qui tentent de dénicher une assistante maternelle près de chez elles. Comment prétendre alors encore que la diminution brutale des indemnités chômage des précaires réglera ces difficultés ?

A LIRE AUSSI : La carotte pour l'embauche de chômeurs longue durée… et le bâton de l'assurance-chômage

Votre abonnement nous engage

En vous abonnant, vous soutenez le projet de la rédaction de Marianne : un journalisme libre, ni partisan, ni pactisant, toujours engagé ; un journalisme à la fois critique et force de proposition.

Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne