4 mars 2021
Engins de chantier pour la construction d'une route
Pixabay
Les Journées Techniques Route visent à partager les dernières connaissances et les pratiques dans le domaine de la route. Des projets et démarches portant sur l'économie circulaire, les évolutions réglementaires, les Zones à Faible Emission, l'impact de la sécheresse, l'innovation pour l'entretien des routes ou la signalisation ont notamment été présentés par des spécialistes du Cerema lors de la dernière édition, qui s'est déroulée les 10 et 11 février 2021.

logo des JTRLes Journées Techniques Route sont le rendez-vous des acteurs publics et privés (collectivités territoriales, maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre, entreprises de travaux, fournisseurs de produits et de service, bureaux d’étude, centres de recherche, écoles) spécialistes de la construction, de l'entretien, de la sécurité et de l'exploitation de la route.

Elles sont organisées par l'Université Gustave Eiffel, avec le soutien de l'IDRRIM (Institut des Routes, des Rues et des Infrastructures pour la Mobilité) et le Cerema.

Pascal Berteaud, directeur général du Cerema, est intervenu lors de l'ouverture et a rappelé le positionnement du Cerema dans le domaine des infrastructures, depuis la recherche jusqu'à l'accompagnement opérationnel des territoires. Il a également abordé les principales transformations que l'établissement opère depuis ce début d'année : une expertise recentrée sur 6 domaines d'activités avec 5 secteurs définis pour les infrastructures, une nouvelle identité graphique, un nouveau positionnement affirmé sur l'adaptation au changement climatique.

La dimension environnementale de cette édition 2021 a été soulignée avec une approche des infrastructures sous l'angle de la résilience et du climat, de l'économie circulaire et de la qualité de l'air.

 

Les zones à faible émission, outil réglementaire pour réduire les Gaz à effet de serre

panneau de ZFECompte tenu des enjeux sanitaires (2ème cause de mortalité en France d'après le rapport de Santé Publique France de 2016) et juridiques en termes de qualité de l'air sur le territoire national, le dispositif des Zones à Faibles Emissions mobilité (ZFEm) a été introduit dans la loi d'Orientation des Mobilités de décembre 2019.

La ZFEm est un dispositif à destination des collectivités pour améliorer la qualité de l'air et protéger la santé de leur population en limitant la circulation des véhicules les plus polluants en zone dense et de façon permanente. L'objectif est de réduire la pollution atmosphérique en agissant sur les dioxydes d'azote et les particules fines.

Il existe aujourd'hui 4 ZFEm mises en place sur le territoire national, 7 autres métropoles déploieront ce dispositif d'ici fin 2021. L'enjeu aujourd'hui pour les collectivités est de trouver le meilleur compromis entre l'efficacité de la ZFEm (qui fait appel à la question de santé publique) et son acceptabilité sociale. En effet, les alternatives à la voiture particulière ne couvrent pas l'ensemble du territoire et le renouvellement des flottes accéléré par la mise en place d'un tel dispositif nécessiterait, pour les classes sociales les plus défavorisées, une aide significative.

La progressivité dans la mise en place de la mesure et l'intégration de la ZFEm dans une politique de mobilité et d'aménagement constituent des facteurs clé pour trouver la juste mesure entre les enjeux d'efficacité et d'acceptabilité sociale.

L'étude pour la mise en place d'une ZFEm nécessite par ailleurs la réalisation d'un diagnostic croisé mobilité-qualité de l'air approfondi, avec une attention particulière sur la caractérisation du parc roulant local, puis une évaluation de l'impact de scénarios à la fois en termes de trafic et de déplacements et à la fois en termes de qualité de l'air (évaluation des émissions, des concentrations et enfin de l'exposition des personnes exposées à des valeurs supérieurs aux valeurs réglementaires).
 

Guide méthodologique sur le volet air-santé des études d'impact routières

Couverture du guideEn France, l'exposition chronique aux particules fines d'origine anthropique engendre 48.000 décès prématurés par an selon les estimations.

Le volet "air et santé " des études d'opportunité a pour objectif, dès les études d'opportunité, d'identifier les enjeux forts du territoire en termes de qualité de l'air et de populations potentiellement exposées. 

L'objectif est de comparer des variantes du tracé pour réduire l'impact de la pollution sur l'air et les habitants, afin d'aider les décideurs à orienter leurs choix parmi d'autres enjeux notamment environnementaux, techniques, économiques et de sécurité routière.

Le Cerema a publié un guide méthodologique sur le volet "air et santé" des études d'opportunité et des études préalables, en amont du projet.

Il précise les objectifs de ces études en relation avec les enjeux "qualité de l'air" et "santé", ainsi que les données utiles et les outils disponibles pour réaliser ce volet, même quand il faut réaliser les mesures faute de disposer de données suffisantes, car le volet "air et santé" comprend une analyse de l'état actuel du site et de son environnement, afin d'identifier les zones à enjeux.

 

Valorisation de matériaux alternatifs en techniques routières

Le projet mené avec la Communauté de Communes du Grand Autunois-Morvan (CCGAM), qui souhaitait étudier les possibilités de valorisation des matériaux alternatifs disponibles dans la région, a été présenté. Cette démarche a été menée dans le contexte de nouvelles obligations réglementaires, avec l'objectif de mettre en avant les opportunités au niveau du territoire.

L'objectif en développant la production et le réemploi de matériaux alternatifs est de réduire la consommation de matières premières  non renouvelables, et également d'impliquer des acteurs locaux dans ces nouvelles filières. La CGAM désirait ainsi acculturer les acteurs locaux en leur fournissant les connaissances et les outils nécessaires.

Le Cerema a été sollicité pour une mission en trois volets:

  • Le recensement et la caractérisation des gisements de matériaux alternatifs pour des usages de travaux publics, dans un rayon de 50 km autour d'Autun,
  • La formation des acteurs locaux à l'utilisation de matériaux alternatifs en travaux publics ,
  • L'aide à la modification des cahiers des charges de la CCGAM pour intégrer les dispositions techniques et favoriser la prescription.

Economie circulaire dans la construction : le label 2EC

logo du labelL'objectif du Label national 2EC, piloté par le Cerema, est de promouvoir l'économie circulaire en labellisant des projets d'aménagement et de construction.

Il concerne aussi bien les modalités de valorisation de matériaux alternatifs (alternatifs aux ressources non renouvelables) que les actions de prévention et de gestion des déchets de conception du projet.

Ce label est le fruit des réflexions menées dans un groupe de travail réunissant des acteurs du BTP : la DRIEE, la FNTP, le Département de Seine-Maritime, Syntec Ingénierie, le Grand Lyon, l’UNEV, FEDEREC, le cabinet Enckell avocats, le SEDDRE et la Société du Grand Paris.

Le site web dédié, sur lequel les acteurs trouveront toutes les informations pour déposer leur candidature, a été lancé en février 2021 :

 

Innovations récentes des equipements de signalisation

vue du système flowell (passage piéton lumineux)
Vue du passage piéton lumineux Flowell - Colas

Des entreprises françaises ont présenté récemment des dispositifs innovants destinées à un large usage, posés directement sur les chaussées. Pour bien connaitre et évaluer ces innovations, il y a lieu de les expérimenter in situ.

C’est l’objet des autorisations d’expérimentation délivrées par les ministères de l’intérieur et de la transition écologique, sur demande des gestionnaires de voirie. En contrepartie de ces autorisations, qui libèrent juridiquement les gestionnaires, l’État demande, et c’est la pièce maitresse d’un dossier d’expérimentation, une véritable évaluation.

Celle-ci doit appréhender 3 aspects principaux du dispositif testé : efficience, reproductibilité, au minimum maintien de la sécurité routière. 3 dispositifs sont en cours d’expérimentation sur le territoire national :

  • Guid’N Grip® porté par Eiffage : conjugaison d’enrobés à haute adhérence et de plots lumineux ;
  • Flowell® développé par Colas : LEDs encapsulées dans un substrat multicouche, posé sur la chaussée ou encastré qui peuvent prendre diverses formes, dont celles des marquages routiers réglementaires ;
  • LuminoKrom® créé par OliKrom : peinture routière photoluminescente qui restitue la nuit, la lumière qu’elle a emmagasinée.

Les autorisations d’expérimentation sont délivrées par les 2 ministères au gestionnaire de la voirie concernée, sous forme d’arrêtés individuels ou globaux pour un dispositif ciblé, après instruction avec l’aide du Cerema. À noter que cela ne dispense pas l’autorité locale de la prise d’un arrêté.

Récapitulons : une autorisation d’expérimentation est donnée généralement pour 2 ou 3 ans, avec donc l’obligation de fournir une évaluation.

  • Si celle-ci est concluante et positive, il peut être envisagé une intégration dans la réglementation ;
  • Si celle-ci est concluante mais que les résultats sont insuffisants, ou que de nouveaux aspects se sont fait jour, il peut être envisagé une prolongation de l’expérimentation ;
  • Enfin, si les résultats ne sont pas concluants, l’expérimentation est stoppée et le dispositif expérimental, doit être déposé.

 

 

Retour d'expérience du projet GERESE (GEstion de REseau Secondaire) avec 9 départements

vue 3D du revetement d'une chaussée
Vue en 3D des fissures de la route, scannée avec l'outil Aigle 3D - Cerema

Le projet GERESE (GEstion du REseau Secondaire) répond à un besoin constaté sur le terrain de mieux gérer la voirie du réseau secondaire départemental. Ce projet, conçu par les équipes du Cerema, comporte deux volets principaux :

  • Définir une méthode de suivi adaptée au réseau secondaire, afin d'aider les gestionnaires à diagnostiquer leur réseau dans une approche intégrée, et à programmer des travaux plus efficaces, plus rapides et pour un moindre coût.
  • Concevoir un démonstrateur permettant de mettre en œuvre la démarche.

Le projet initié en 2018 et qui devrait se terminer à la fin du premier semestre 2021 est mené sous la forme d'une action de partenariat et d'innovation à laquelle participent 9 départements. 

Après avoir défini les besoins précis de chacun des départements, une analyse internationale des pratiques de gestion des infrastructures a été réalisée. Puis en s'appuyant sur les pratiques existantes et afin de répondre aux besoins, des méthodologies innovantes d'évaluation et de gestion du réseau ont été élaborées. 

Ces méthodologies innovantes permettent ainsi la prise en compte des différentes problématiques que rencontrent les gestionnaires sur ce type réseau à savoir :

  • la gestion des risques naturels,
  • l'amélioration de la sécurité routière,
  • la préservation du patrimoine routier et de l'environnement,
  • l'optimisation de l'entretien et de l'exploitation au regard de moyens en diminution
  • l'accompagnement de l'émergence d'une mobilité durable.

Cette méthodologie a ensuite été testée sur une centaine de kilomètre de chacun des départements partenaires. Les analyses de résultats sont en cours et conduiront au final à la production d'une méthodologique innovante de gestion intégrée du réseau secondaire et à la mise en place d'un outillage associé. 

 

Normalisation des mélanges bitumineux à l'émulsion

La nouvelle norme européenne EN 13108-31 parue en 2020 spécifie les exigences relatives aux mélanges bitumineux à l'émulsion utilisés pour la construction des infrastructures de transport. Elle remplace les normes françaises NF P 98-121 (Graves émulsion) et NF P 98-139 (Bétons bitumineux à l'émulsion).

Cette norme fixe un cadre commun européen d'exigences pour ces produits; chaque Etat membre déclinant ensuite les spécifications qu'il retient en fonction des caractéristiques de son réseau routier et des ressources dont il dispose.

La commission de normalisation Enrobés rédige actuellement un fascicule de documentation qui permettra de décliner les propriétés retenues en France pour ces mélanges.

Le Cerema est fortement investi dans ces travaux de normalisation. Il dispose également d'une expertise robuste sur le sujet, notamment grâce à son pôle de référence Techniques à l'émulsion à l'agence de Saint Brieuc.

 

Révision du guide Technique de réalisation des remblais et des couches de forme (GTR)

Engins de chantier sur une route en phase de terrassement
Arnaud Bouissou - TERRA

Le Guide technique de réalisation des remblais et des couches de forme (GTR) a été mis en révision suite à la publication des normes européennes sur les terrassements NF EN 16907-1 à 6, dont la -2 qui introduit une nouvelle classification.

A ce propos, un fascicule de documentation : FD P11-304, qui présente le contenu de chaque norme vient d’être publié. Cette révision est également l’occasion d’une mise à jour avec les avancées de ces 20 dernières années publiés sous forme de notes d'information ou de rapport de recherche (PF2qs, Guide drainage, rapport TerDouest, guides acceptabilité environnementale, etc).

La structure du GTR en 2 fascicules a été conservée, le premier pour les généralités et les dimensionnement de PST/AR/CDF,  et le second avec les tableaux de classification, de réutilisation en remblai et en couche de forme, de compactage.

La classification NF EN16907-2 comporte des évolutions comme l’adoption du passant à 63 μm pour le pourcentage de fines, une classification différente pour le sables et les graves, et une distinction des roches métamorphiques.

D’autres ajouts notables ont été faits, les plus importants d’entre eux sont :

  • la notion de Lmax (plus grande longueur des particules/blocs),
  • le critère CBRi > 20 pour l’insensibilité à l’eau des matériaux granulaires,
  • le dimensionnement de la PF2qs et les règles de surclassement des plateformes,
  • la classification de la sensibilité des sols au gel issue de l’annexe C de la norme NF P98-086,
  • l’ouverture à l’utilisation des argiles A4 jusqu’à IP = 55,
  • le comportement spécifique des roches métamorphiques présentant un débit en plaques,
  • la prise en compte de l’angularité pour le compactage des matériaux granulaires en couche de forme non traitée,
  • la prise en compte des nouvelles technologies en compactage.

Le GTR révisé est actuellement en cours de finalisation et il sera en relecture à l’IDDRIM cet été, pour une publication prévue fin 2021/début 2022. En parallèle, la norme NF P11-300 va être révisée pour être mise en cohérence avec la norme NF EN16907-2 et cette nouvelle version du GTR.

 

Routes impactées par la sécheresse: solutions de remédiation

photo d'un panneau annonçant une chaussée déformée
Crédit: Lamine Ighil Ameur- Cerema

Les routes subissent aussi les conséquences des sécheresses de plus en plus intenses dans le contexte du changement climatique. Bien identifier les causes et les facteurs aggravants des dommages permettrait de mieux adapter les nouvelles solutions de remédiation pour faire face aux défis climatiques à venir.

Le Cerema, labellisé Institut Carnot Clim'adapt et en partenariat avec les Conseils Départementaux de la région Centre-Val de Loire, développe de nouvelles solutions de remédiation pour limiter les vulnérabilités des routes affectées par les sécheresses dans le cadre d’un multi-partenariat inédit nommé ORSS "Observatoire des Routes Sinistrées par la Sécheresse".

Quels apports du projet ORSS en termes de résilience climatique et de politique publique ?

  • Face à l'urgence climatique marquée par des événements extrêmes de plus en plus récurrents, la gestion classique des risques et leurs conséquences sur les routes par les collectivités au sein de leurs territoires devient quasi obsolète ;
  • La résilience des routes face au changement climatique ne peut désormais s'obtenir qu'à travers des politiques basées sur une stratégie d'adaptation grâce à de nouvelles solutions écologiques, économiques et durables ;
  • Avec l'engagement de tous les acteurs socio-économiques et parties prenantes, la résilience climatique des routes permettrait entre autres de réduire les coûts d'entretien aux gestionnaires et de contribuer à la réduction globale des émissions de gaz à effet de serre pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique ;

A travers la démarche inédite ORSS, le Cerema accompagne les collectivités et les partenaires économiques pour préparer et mettre en œuvre leurs stratégies d’adaptation des routes au changement climatique.

 

Effet de la végétalisation des infrastructures sur la surchauffe urbaine

L'impact climatique de la végétalisation en ville est un des sujets sur lesquels le Cerema mène des recherches. Ces travaux montrent qu'il faut bien différencier deux objectifs à deux échelles différentes :

  • Réduire le phénomène d'îlot de chaleur urbain, ce qui passe par l'utilisation massive de végétation et en particulier d'arbres;
  • Assurer le confort dans les espaces publics, ce qui nécessite de travailler finement sur la configuration spatiale du végétal afin de réduire tous les flux de chaleurs échangés entre le corps des usagers et les sources de chaleur (ombrager, ventiler...).

D'une manière générale, les solutions en relation avec le sol sont les plus efficaces.