Si l’issue du scrutin ne faisait guère de doutes, le chiffre est écrasant. Le « non » à l’indépendance a triomphé, dimanche 12 décembre, lors du troisième référendum d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie, marqué par une abstention record après l’appel des indépendantistes à boycotter le scrutin.
« Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » A cette question, 96,49 % des voix qui se sont exprimées ont répondu par la négative. Le « oui » a recueilli 3,51 % ; les votes blancs et nuls, 2,99 %. La participation, à 43,90 %, était en nette baisse par rapport aux deux précédents référendums.
« La Nouvelle-Calédonie restera donc française », a conclu le président Emmanuel Macron un peu plus d’une heure après l’annonce du résultat, estimant que « la France est plus belle car la Nouvelle-Calédonie a décidé d’y rester ». L’accord de Nouméa de 1998, qui organise la décolonisation de la Nouvelle-Calédonie par étapes, « arrive à son terme juridique », a rappelé M. Macron, alors que s’ouvre désormais une « période de transition qui libère de l’alternative binaire entre le oui et le non » et qui « doit nous conduire à bâtir un projet commun ». D’ici au 30 juin 2023, un nouveau statut devra être établi pour la Nouvelle-Calédonie, qui devra à son tour être validé par voie référendaire.
Malgré la forte abstention, les résultats de ce troisième référendum ne peuvent être interprétés indépendamment des deux précédents. D’une certaine manière, ils confirment le clivage géographique, sociologique et identitaire tel qu’il s’était exprimé lors des deux premières consultations.
Un goût d’inachevé
Dans le camp loyaliste, la présidente de la province Sud Sonia Backès s’est félicitée, dimanche soir, de voir que « les rêves tristes d’une indépendance se sont brisés ». « Nous avons décidé en notre âme et conscience de rester français. (…) Ce n’est plus négociable. Et c’est ça le sens de l’histoire ! », a-t-elle ajouté, invitant les indépendantistes « à construire un nouveau projet ».
Pour les indépendantistes, qui avaient annoncé qu’ils ne se rendraient pas aux urnes invoquant l’impossibilité d’organiser « une campagne équitable » à cause de l’épidémie, la victoire du « non » à ce troisième référendum ne clôt pas la discussion.
Selon notre envoyé spécial, Patrick Roger, « il y a beaucoup de non-dits dans le choix des indépendantistes de ne pas participer à ce troisième référendum ». « Il laisse certes un goût d’inachevé mais peut-être ce goût aurait-il été encore plus amer si, après avoir assuré à leurs partisans que la victoire était à portée de main, ce troisième rendez-vous s’était soldé par un échec. » Des recours, s’ils sont exercés, n’ont guère de chances d’aboutir.
« Revenus à la case départ »
« On est revenus à la case départ », a jugé Roch Wamytan, président indépendantiste du congrès de la Nouvelle-Calédonie et ancien chef du parti kanak FLNKS lors de la signature de l’accord de Nouméa en 1998, sur Franceinfo, après le vote. « Pour nous, ce n’est pas le troisième référendum. Nous considérons qu’en termes de légitimité juridique et politique, il n’y a que deux référendums, 2018 et 2020. Celui-là, c’est le référendum de l’Etat français et de ses soutiens en Nouvelle-Calédonie, pas le nôtre. (…) Nous viendrons aux discussions avec la personne qui va sortir des urnes de la prochaine présidentielle. Nous attendrons le prochain. Si c’est Emmanuel Macron, nous allons continuer à discuter. »
Lui aussi indépendantiste, Jacques Lalié, président de la province des Iles, a pour sa part déclaré sur la chaîne de télévision Nouvelle-Calédonie La 1ère que « les résultats d’aujourd’hui (…) montrent bien qu’il y a toujours deux blocs ». « Il faut que les autres comprennent que dorénavant s’il y a des discussions demain ce sera sur la souveraineté et l’association et le partenariat avec la France », a-t-il ajouté.
Les indépendantistes ont également prévenu qu’ils récusaient toute rencontre avec le ministre des outre-mer Sébastien Lecornu, arrivé vendredi à Nouméa, avant l’élection présidentielle en avril 2022. « Je prends acte qu’ils ont besoin de prendre du temps (…) néanmoins, certains sujets d’actualité sont urgents et nécessitent de nouer rapidement le dialogue avec les institutions et formations politiques locales », a déclaré le ministre à l’Agence France-Presse. « Sur la question institutionnelle, nous avons jusqu’à juin 2023 pour définir un nouvel avenir. Nous avons plus de temps pour y travailler. L’Etat n’entend pas confondre vitesse et précipitation dans cette phase importante », a-t-il ajouté.
Le corps électoral en question
Tant qu’un nouveau statut n’a pas été approuvé, les dispositions de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998 et de la loi organique qui en découlent continuent de s’appliquer. « La question du corps électoral sera un élément important des discussions à venir : aujourd’hui, tel qu’il résulte des accords de Matignon de 1988, puis de Nouméa, puis de la révision constitutionnelle voulue par Jacques Chirac en 2007, il pose un problème juridique tant constitutionnel qu’au regard des conventions européennes », estime notre journaliste Patrick Roger, selon qui « il faudra donc trouver un compromis pour définir une nouvelle forme de corps électoral restreint ».
Quoi qu’il en soit, la Nouvelle-Calédonie ne deviendra pas une collectivité territoriale au même titre que la Guadeloupe ou Mayotte, un statut qui n’intéresse ni les indépendantistes ni les partisans du maintien dans la République.
A Paris, la classe politique a largement salué la victoire du « non », le chef de file des « insoumis » Jean-Luc Mélenchon jugeant toutefois le résultat « pas légitime » en raison du très fort taux d’abstention.
« C’est un grand moment de bonheur », a réagi sur France 3 la candidate Les Républicains à l’élection présidentielle Valérie Pécresse. « La Nouvelle-Calédonie reste française ! Il faut maintenant œuvrer à la restauration de l’unité. Je le ferai », a assuré, à l’extrême droite, la candidate du Rassemblement national Marine Le Pen.
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