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Modernisation de la participation du public et des procédures environnementales : le CGEDD penche pour une réforme profonde

Composer avec l’existant ou imaginer un nouveau dispositif de modernisation du dialogue environnemental propice à accélérer la réalisation des projets de transition écologique, tels sont les deux scénarios mis en balance par le CGEDD dans un rapport publié le 29 octobre. Dans l’optique d’une réforme profonde, la mission propose de systématiser une phase d’information et de participation le plus en amont possible dans la vie des projets et de conduire sous l’égide d’un garant une concertation continue. 

Rendu public le 29 octobre dernier, un rapport piloté par le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) identifie un certain nombre d’évolutions, pour partie à droit constant, des procédures de participation du public et d’évaluation environnementale, lesquelles se caractérisent encore, malgré de fréquentes retouches au cours des dernières années (principalement avec l’ordonnance n°2016-1060 du 3 août 2016, ou plus récemment les lois Essoc et Asap, dont le décret d’application vient d’être publié), par leur complexité "qui fait obstacle à leur bonne appropriation par les maîtres d’ouvrages, les services instructeurs et le public", "appauvrit la concertation" et au final "fragilise les projets".
Le rapport s’est appuyé sur l’expérience d’un certain nombre de maîtres d’ouvrages, publics ou privés, Etat et collectivités, l’examen de projets concrets de natures diverses (Canal Seine Nord Europe, contournement Ouest de Strasbourg, piste longue aéroport de Mayotte etc.), et au besoin a tiré des leçons de quelques exemples pris à l’étranger. Des propos illustrés notamment par deux procédures "à clarifier" : "les déclarations de projet", dont le régime différent entre les codes de l’urbanisme et de l’environnement mériterait d’être "unifié", et "la procédure dite intégrée" de l’article L.300-6-1 du code de l’urbanisme, dont le champ d’application pourrait être étendu aux opérations de travaux et d’équipement. 

Délais de procédure pas nécessairement en cause

Comme l’y invitait la commande passée en janvier 2021 par trois ministres (Transition écologique, Relations avec le Parlement et participation citoyenne et Transports) pour accélérer la réalisation des projets favorables à la transition écologique, la mission a d’abord creusé la piste d’une réduction des délais de procédure. Mais force est de constater que "la durée des procédures n’est pas la cause déterminante des délais de mise en œuvre", souligne le rapport, qui y voit d’avantage "la conséquence" des difficultés rencontrées de réunir les financements au bon moment mais aussi de la nécessaire maturation des projets.
La mission renonce également à projeter un modèle à généraliser à partir des régimes dérogatoires introduits face à des situations particulières, notamment liées à leur urgence (Notre-Dame, JO 2024, Brexit etc.). Tout comme elle repousse l’idée de prévoir des dispositions particulières pour les projets "utiles à la transition écologique", étant difficile de qualifier a priori de tels projets, "qui, aussi vertueux qu’ils soient, ne sont pas exempts d’impacts sur l’environnement ni de contestation, comme le montre l’exemple des éoliennes". 

Pousser la logique de la concertation préalable

Une conviction sous-tend cependant le rapport : "de manière générale le maître d’ouvrage a intérêt à associer le public et à identifier les enjeux environnementaux de son projet le plus tôt possible". 

Pour ce faire, le CGEDD encourage notamment de recourir "plus souvent" au cadrage préalable - mécanisme d’assistance à maître d’ouvrage peu utilisé - et ce dès le lancement du projet, et à la désignation d’un garant de la concertation. Au besoin, les services instructeurs doivent s’y adapter en s’organisant en "mode projet". Plusieurs processus préventifs peuvent par ailleurs participer à la démarche de "dérisquage" des projets, ce qui suppose en particulier que ceux-ci soient anticipés en les intégrant à "une planification adaptée" et en "produisant des connaissances environnementales" (type inventaires) susceptibles d’être utiles aux porteurs de projets.
Le rapport envisage au passage d’étendre le "permis enveloppe" prévu par la loi Essoc pour les projets d’énergies marines renouvelables "à certains projets ponctuels inscrits dans un objectif de transition écologique, comme par exemple les centrales photovoltaïques.
Mais la démarche passe avant tout par le dialogue avec les porteurs de projet, "dont il est attendu une amélioration de la qualité des études d’impact et une meilleure identification du périmètre des projets et des variantes possibles", insiste le rapport. L’introduction d’une cristallisation automatique des moyens au contentieux des autorisations environnementales uniques et le développement de la médiation peuvent également "permettre de mieux gérer les litiges", souligne-t-il. Telle est en substance la version "soft" - envisageable "sans modification législative substantielle" - décrite par le CGEDD, qui considère toutefois que l’optimisation des procédures "ne peut venir que d’une réforme profonde"… 

Refonte de la participation publique

La mission propose en conséquence de rendre systématique la consultation du public dès l’initiation du projet, c’est-à-dire au stade de l’intention du maître d’ouvrage, comme cela est le cas dans d’autres pays européens, et d’associer un garant de la concertation dès ce stade précoce. Cette concertation "continue" se prolongerait tout au long des étapes jusqu’à l'autorisation définitive du projet, "sous une forme adaptée aux enjeux du projet" (ampleur, nature et incidence potentielle sur l’environnement), et au moins à terme à tous ceux faisant l'objet d'une évaluation environnementale (par dépassement de seuils ou après examen au cas par cas). La nomination d’un garant pourrait aussi être étendue, dans certaines conditions, à la concertation du code de l’urbanisme "en veillant à s’assurer des avantages de cette extension pour les révisions et modifications de PLU et de SCoT", indique le rapport.
Mais surtout, le rapport propose d’approfondir la possibilité déjà offerte que le garant de la concertation reste présent pendant l’enquête publique en tant que commissaire enquêteur, et de l’étendre aux participations du public par voie électronique (PPVE), et ceci sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP), voire d'une autorité indépendante qui prendrait sa suite en élargissant son rôle, comme le proposait la députée Cécile Muschotti dans son récent rapport sur la création d’un Défenseur de l’environnement. Le CGEDD n'y voit que des avantages y compris pour les projets "à enjeux limités" pour lesquels la concertation en continu peut de prime abord sembler plus lourde. Une convergence des fonctions de garant et de commissaire enquêteur qui porte un nouveau coup de canif à une procédure déjà mise à mal par les précédentes réformes. Elle pourrait aussi signifier la suppression de l’avis personnel du commissaire enquêteur. Point sur lequel la mission est cependant sur la réserve "compte tenu des objections reçues". Reste que quelle que soit l’option retenue s'agissant de la fonction de commissaire-enquêteur, la mission propose que l’enquête publique soit "intégrée dans la concertation". "Contrairement à la situation actuelle ou, après achèvement de la concertation, l’enquête ne commence que lorsque tous les avis ont été rendus, la participation ne connaîtrait pas d’interruption", argumente le rapport. 

Cadrage préalable transformé

A l'issue de la concertation préalable, le cadrage préalable, qui permet d’ajuster le contenu de l’étude d’impact, serait systématisé et ferait l’objet d’une décision, expresse ou implicite, portant sur le périmètre et les variantes que le maître d’ouvrage doit évaluer. Et pour mieux prendre en compte les projets dont la réalisation nécessitent une dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées, le rapport préconise là encore d’anticiper l’examen des raisons impératives d’intérêt public majeur et de l’absence de variante satisfaisante au moment de la déclaration d'utilité publique ou de la déclaration de projet.