Ancien élève de l’Ecole normale supérieure, agrégé de lettres classiques, François Chazel s’orienta très vite vers la sociologie. Appelé par Raymond Boudon à rejoindre le département de sociologie de l’université de Bordeaux en 1966, il y resta une large partie de sa vie professionnelle et en devint le directeur, avant de gagner en 1989 le département de sociologie de l’université de Paris-Sorbonne dont il fut professeur émérite jusqu’à son décès. Il fut membre de la Revue française de sociologie et de L’Année sociologique, et un temps président de la Société française de sociologie. Reconnu internationalement, il a eu une influence souvent mal connue, lui-même étant toujours discret sur sa vie professionnelle. De plus, il était davantage un homme d’articles que de livres, dans un univers français où la place du livre a toujours été considérée comme première, en particulier en sociologie. Il s’est éteint le 14 août à Saint-Agrève, en Ardèche, à l’âge de 84 ans.
Né le 10 décembre 1937 à Paris, François Chazel eut une carrière classique pour un intellectuel brillant. Il occupa cependant une place singulière dans le monde académique tant par ses centres d’intérêt que par son positionnement dans le champ de la sociologie. Déjà, fait significatif, il ne fut jamais l’homme d’une école ou d’un quelconque clan, ce qui était rare dans les années 1970 où, à une époque où l’internationalisation des sciences sociales était encore faible et l’emprise nationale de fait décisive, la sociologie française était dominée par les figures de Raymond Boudon, Pierre Bourdieu, Alain Touraine et Michel Crozier. Il a entretenu des rapports courtois avec tous, ne confondant jamais relations amicales et interactions scientifiques.
Erudition impressionnante
Pour autant, cette ouverture ne suffit pas à expliquer la centralité qui sera la sienne dans la discipline. Cette place, il la doit à une érudition impressionnante, mais surtout à ses orientations intellectuelles et au travail qu’il a mené pour développer la sociologie. Comme on a pu dire, il avait de l’ambition pour la sociologie, et cela seul comptait. Il savait distinguer l’intérêt de connaissance et l’implication personnelle et affective. On comprend l’influence qu’il a pu avoir sur certains de ses étudiants qui, sans pour autant partager ses convictions, estiment encore aujourd’hui l’importance de sa formation pour la production de leur propre sociologie. On pense notamment à François Dubet, Charles-Henry Cuin ou Didier Lapeyronnie. Il convient de ne pas oublier les générations d’étudiants qui ont pu apprécier le talent pédagogique de leur professeur comme son humour.
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