Faut-il légiférer pour permettre aux personnes souffrant de Covid long d’être mieux identifiées et ainsi mieux soignées ? C’est la conviction de Michel Zumkeller, député du Territoire de Belfort (UDI) et auteur d’une proposition de loi adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale vendredi 26 novembre.

→ ANALYSE. Face aux Covid longs, des patients perdus et des médecins démunis

Son texte plaide pour la création d’une plateforme de référencement et de suivi des malades. « Les médecins disent que 5 à 10 % des personnes infectées seraient concernés, mais il n’y a pas de statistique officielle en France. En recensant les malades, on va pouvoir évaluer l’ampleur des besoins », expose Michel Zumkeller, qui rappelle que les enfants et les adolescents ne sont pas épargnés. « Cela crée des situations très compliquées pour les parents, dont certains sont obligés d’arrêter de travailler. »

Vers qui se tourner ? Si des consultations spécifiques ont vu le jour dans quelques hôpitaux, l’accès à des soins adaptés est loin d’être garanti. « L’offre commence à s’étoffer dans les grandes villes, mais dans ma région, la Bourgogne-Franche-Comté, il n’y a presque rien », déplore Michel Zumkeller.

Pas de coordination entre les spécialistes

Matthieu Lestage, lui, a « la chance » d’être suivi à l’Hôtel-Dieu, à Paris, par la professeure Dominique Salmon-Ceron, pionnière dans la prise en charge de ces symptômes persistants. Mais avant cela, il a multiplié les rendez-vous médicaux. « Neurologue, pneumologue, gastro-entérologue, j’ai consulté tous les spécialistes en -ogue », raconte le porte-parole de l’association Après J20, qui fédère des malades.

Une errance médicale qu’a aussi connue Céline Castera, l’une des patientes auditionnées par Michel Zumkeller pour mettre au point sa proposition de loi. « La difficulté, c’est qu’il n’y a aucune coordination entre les différents spécialistes, témoigne cette infirmière libérale dans le Haut-Rhin. En plus d’être énergivores, tous ces examens ont un coût car le plus souvent, le Covid long n’est pas reconnu en affection longue durée (qui implique une prise en charge à 100 % par l’assurance-maladie, NDLR). Cela crée des situations de précarité. »

Régulièrement en arrêt maladie depuis un an et demi, Céline souffre de « brouillard cérébral »« comme si (son) cerveau était saturé » – mais sa prévoyance ne l’aidant plus, elle se contente de voir sa généraliste pour renouveler ses arrêts. « Elle est très à l’écoute et désolée pour moi, mais elle ne sait pas quoi faire pour m’aider. »

Consciente de ces difficultés, la Haute Autorité de santé (HAS) a proposé, dès février 2020, une série de fiches pratiques à destination des médecins de ville, régulièrement actualisées depuis. Mais « sur le terrain », les généralistes sont souvent démunis face à la multiplicité et l’hétérogénéité des symptômes qu’on leur rapporte (fatigue, difficultés à respirer, douleurs thoraciques, troubles du goût et de l’odorat, manifestations neurologiques, problèmes digestifs, lésions cutanées, troubles oculaires).

L’importance du dialogue patient-médecin

Aussi Michel Zumkeller défend-il la création d’un protocole harmonisé au niveau national. « Il faudrait définir une sorte de “check-up” que les généralistes pourraient prescrire aux patients afin de les orienter vers un parcours de soins adapté », affirme le député, pour qui chaque département devrait se doter d’unités de soins post-Covid.

De quoi permettre aux malades de faire un premier pas vers une guérison qui, bien souvent, se fait désirer. « Au début, les médecins disaient qu’on récupérerait tous à 100 %. Mais un an et demi plus tard, certaines personnes ne s’en sortent toujours pas et ne voient pas d’issue », s’inquiète Matthieu Lestage, citant de nombreux cas de dépressions et parfois même des suicides.

Pour le professeur Olivier Lesens, chef du service de pneumologie au CHU de Clermont-Ferrand et coordinateur d’un service dédié au Covid long, les médecins doivent entendre les souffrances de ces patients, à défaut de pouvoir leur proposer un traitement « miracle » – et en attendant l’arrivée au Sénat de la proposition de loi de Michel Zumkeller, sans doute début 2022. « La plupart de ceux que nous recevons s’améliorent grâce au réentraînement à l’effort, mais ils ne retrouvent pas pour autant leur forme antérieure. Moralement, c’est dur », assure-t-il.Pour l’heure, la prise en charge repose donc essentiellement sur le dialogue patient-médecin. « On écoute, on tente de rassurer…, explique-t-il. À l’heure où la médecine est devenue très technique, cette pathologie nous ramène à des choses très humaines. »