Renouvelant une fois de plus l’exercice fastidieux qu’elle mène depuis cinq ans maintenant, l’association négaWatt a présenté il y a peu sa nouvelle feuille de route pour une transition énergétique française compatible avec les objectifs climatiques actuels et à venir.  Un scénario qui repose principalement sur une baisse drastique de la consommation énergétique et un appui presque total des énergies renouvelables pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Bien au-delà de compter sur les progrès technologiques, la sobriété apparait au cœur du programme présenté par le collectif d’experts. « Pas de transition écologique sans transition sociétale », prône ainsi son directeur, Stéphane Chatelin.

Une consommation énergétique divisée par deux sur l’ensemble du territoire français, plus de 10 000 décès évités chaque année, des émissions nettes de gaz à effet de serre nulles d’ici à 2050 et plus de 500 000 emplois créés… Voici le tableau alléchant que dresse négaWatt dans son nouveau scénario publié le 26 octobre dernier.

L’association à but non lucratif créée en 2011 et dirigée par une vingtaine d’experts de l’énergie assure qu’il ne s’agit pas de science-fiction. La feuille de route « se base sur des technologies suffisamment matures pour qu’elles puissent être déployées à grande échelle, dans un délai compatible avec la trajectoire définie », expliquent les experts.

Cette nouvelle version du scénario de transition énergétique présentée par négaWatt  permet également à la France de respecter ses obligations climatiques nationales, européennes et internationales. « Nous partons de nos engagements fixés par la loi française, les directives européennes et les négociations sur le climat, résume Stéphane Chatelin, directeur de l’association à Sciences et Avenir. 

« Nous devons diviser par deux notre consommation d’énergie finale en 2050, réduire d’au moins 55% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et tout faire pour limiter la hausse de la température mondiale à 1,5°C d’ici la fin du siècle ». Au delà de la pression climatique, d’autres objectifs sociaux sont à prendre en compte.

C’est pourquoi l’association choisit d’inscrire son scénario dans la lignée des 17 objectifs de développement durables développés par l’ONU. Y figurent notamment l’éradication de la faim et de la pauvreté, un accès suffisant à une eau propre pour tous, et une éducation de qualité pour chaque enfant à travers le monde. Le chemin tracé par négaWatt tente ainsi d’amener les politiques sur la voie d’une transition énergétique à la hauteur de l’urgence climatique et sociale actuelle.

Objectifs de développement durable. Crédits : ONU.

La sobriété comme premier objectif

Mais pour y arriver, il ne suffira pas de rouler en voiture électrique et d’éteindre la lumière en quittant la maison. L’association, souvent critiquée pour son discours « pro-croissance », insiste au contraire aujourd’hui sur la nécessité de transformer radicalement notre modèle de société :

« La nécessaire transformation de notre système énergétique ne pourra pas se faire en remplaçant simplement les énergies fossiles par des énergies décarbonées. La limitation des impacts environnementaux et sociaux et la réduction de la pression sur les matières premières passent par une profonde transformation de nos modes de consommation et de production d’énergie et de biens matériels. Pas de transition écologique sans transition sociétale », martèle le groupe d’experts.

Ces perspectives  énergétiques appellent donc aussi de fortes transitions sociétales, au niveau individuel, mais surtout collectif. Le scénario se base sur trois piliers pour y parvenir, explique l’association dans un communiqué :

Premièrement, une priorisation des besoins essentiels dans les usages individuels et collectifs de l’énergie par des actions de sobriété (comme supprimer les gaspillages, contenir l’étalement urbain, opter pour des alternatives à la voiture, réduire les emballages, etc.).

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Ensuite, NégaWatt plaide pour une diminution de la quantité d’énergie nécessaire à la satisfaction d’un même besoin grâce à l’efficacité énergétique (notamment en matière d’isolation des bâtiments, d’amélioration du rendement des appareils électriques ou des véhicules).

Pour finir, le fait de privilégier les énergies renouvelables pour leur faible impact sur l’environnement et leur caractère inépuisable vient clôturer cette stratégie. L’associations mise donc à moyen terme sur un mix énergétique s’appuyant à 96 % sur des « ressources énergétiques renouvelables », multipliant leur production par trois. L’association propose ainsi de doubler le nombre d’éoliennes en France pour atteindre 18 500 machines et prévoit également de multiplier par deux le rythme d’installation de solaire photovoltaïque, tout en développant le biogaz agricole, même si cela conduit à une industrialisation des campagne

Crédits : négaWatt.

Des mesures politiques et individuelles complémentaires

Ainsi, dans un monde où la neutralité carbone deviendrait réalité, la consommation de viande baisserait de moitié tandis que les systèmes agricoles conventionnels et productivistes basculeraient vers des modèles biologiques ou agroécologiques. Une obligation de rénovation globale (progressive et conditionnelle) des logements serait instaurée afin d’atteindre la norme bâtiment basse-consommation (BBC) partout en France. Rien qu’avec cette dernière mesure, plus de 300 000 emplois non-délocalisables seraient créées, promet l’association.

Le caractère fini des ressources naturelles, et notamment des matériaux, est également pris en compte dans cette nouvelle feuille de route. Pour cela, le scénario négaWatt est désormais couplé à un scénario négaMat concernant la consommation de matériaux et  de matières premières. Dans une optique de sobriété, de recyclage et d’allongement de la durée de vie des appareils électroniques, la consommation de métaux rares devrait également baisser. Seules les extractions de lithium, utilisé notamment pour fabriquer les batteries des véhicules électriques, devraient connaitre une augmentation sensible de 54 % en 2050, selon les estimations des experts.

Crédits : négaWatt.

« Un projet de société socialement juste »

Atteindre la neutralité carbone par le biais des mesures proposées par l’association n’auraient pas qu’un effet positif sur le climat. Cela s’accompagnerait aussi de nets bénéficies sur la santé. Ainsi, de nombreuses actions envisagées dans le scénario négaWatt permettent une diminution flagrante des émissions de particules fines, évitant des milliers de décès chaque année : réduction du trafic routier, arrêt progressif de l’utilisation du diesel, réduction des besoins de chauffage et modernisation des appareils de chauffage au bois, évolution des pratiques agricoles, etc.

« Entre 2035 et 2050, ce sont plus de 10 000 décès par an qui sont ainsi évités. L’espérance de vie moyenne d’un français est quant à elle augmentée de trois mois », assure négaWatt dans son communiqué.

En bref, le scénario 2022 dessine « un projet de société socialement juste et apaisée, respectant les limites physiques de la planète pour offrir à moyen et long termes des conditions de vie décentes à tous nos concitoyens et à leurs descendants », conclut l’association. Il ne reste plus qu’à convaincre l’Elysée, non ?

L.A.

Photo de couverture /Montage @MrMondialisation / Sources @JuergenPM – Pixabay @Tom Fisk – Pexels

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