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Bras de fer entre ophtalmos et orthoptistes sur la prescription de lunettes

Le gouvernement prévoit d'autoriser les orthoptistes à prescrire des lunettes, au grand dam des ophtalmologistes. La mesure a été bordée face à la fronde des médecins.

Les délais d'accès aux consultations ophtalmologiques justifient de nouvelles délégations de compétences aux orthoptistes.
Les délais d'accès aux consultations ophtalmologiques justifient de nouvelles délégations de compétences aux orthoptistes. (Shutterstock)

Par Solveig Godeluck

Publié le 13 oct. 2021 à 16:30Mis à jour le 14 oct. 2021 à 17:58

«Une régression», «une mesure de démédicalisation», «un changement radical du système de santé» : Thierry Bour, président du syndicat national des ophtalmologistes (SNOF), est furieux qu'on autorise les orthoptistes à prescrire des lunettes ou des lentilles de vue. Cette mesure est inscrite dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022 , examiné ce mercredi par la commission des Affaires sociales à l'Assemblée nationale.

Le ministre de la Santé Olivier Véran y tient mordicus, pour réduire le délai d'accès à l'ophtalmologue - il fallait 80 jours en moyenne en 2017, selon l'administration. Mais les représentants de la majorité, qui ont entendu les inquiétudes des ophtalmologistes, sont moins convaincus par cette nouvelle délégation de compétence.

Diplômés en trois ans après le bac, les orthoptistes peuvent déjà renouveler les ordonnances pour des lunettes - une pratique entrée dans le droit commun en 2020 - et réalisent les examens préalables à une prescription par l'ophtalmologiste. S'ils prescrivent de leur propre chef, ne risquent-ils pas de passer à côté d'un glaucome ou d'une cataracte?

Amendement garde-fou

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«C'est une mesure populaire, mais elle n'a pas été bordée comme il faut», admet un député de la majorité. Le rapporteur du budget de la Sécurité sociale, le médecin Thomas Mesnier, a donc introduit un amendement garde-fou : «l'orthoptiste ne peut adapter ou renouveler cette primo-prescription que si le patient a consulté, dans les cinq années précédentes, un médecin ophtalmologiste», précise-t-il.

«C'est une bonne chose que cette mesure soit bordée, en termes de puissance des verres, d'âge et de sécurité, pour que le patient ne reste pas indéfiniment sans ancrage chez l'ophtalmo », salue Mélanie Ordines, la présidente du syndicat d'orthoptistes SNAO. Les décrets d'application devraient, selon elle, encadrer un peu plus la délégation de compétence. Comme pour le renouvellement, la primo-prescription sera limitée aux personnes âgées de 16 à 42 ans - car après cet âge, la presbytie et d'autres problèmes de santé visuelle se multiplient.

L'incertitude démographique

«Nous ne cherchons pas à voler le travail des ophtalmos car nous sommes leurs partenaires, mais nous avons besoin d'un petit accès prescripteur pour résoudre le problème des patients qui vivent dans des zones médicalement sous-dotées», insiste une représentante syndicale des orthoptistes en déplorant les abus de certains centres de santé qui profitent du vide. «Nous allons passer de 5.800 orthoptistes aujourd'hui à 8.000 dans cinq ans, et 15.000 dans dix ans, alors que la population des ophtalmologistes vieillit. Nous devons nous préparer à ce changement démographique», ajoute-t-elle.

Thierry Bour, de son côté, assure que les délais pour consulter chez l'ophtalmologiste ont chuté: la médiane serait de 26 jours, contre 42 jours il y a deux ans. «Nous avons réussi à augmenter l'offre médicale, car les jeunes s'installent plus souvent en cabinet de groupe, ils se relaient dans les déserts médicaux en ouvrant des cabinets secondaires, et ils recrutent des orthoptistes, des infirmiers ou des assistants médicaux», plaide-t-il.

De plus, assure-t-il, contrairement à ce que prédit l'administration, on ne manquera pas d'ophtalmologistes à l'avenir: «on devait être 3.500 professionnels au début de la décennie; on est 5.800 : le trou démographique qui était annoncé n'a pas eu lieu», dit-il, persuadé que d'ici un ou deux ans, la démographie deviendra plus favorable. «Si on vote trop de mesures compensatoires, on risque d'avoir une offre pléthorique et une concurrence un peu sauvage», alerte Thierry Bour.

Solveig Godeluck

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