24 août 2021
Evaporation au dessus d'une forêt de conifères dans les Vosges
Olivier Darny (photo)
Lancé fin 2019, le projet Des Hommes et des Arbres, vise à transformer le territoire du Sud de la Lorraine et des Vosges du Nord en valorisant la ressource forestière locale et la place des arbres via des innovations pour le bien-être des populations, la préservation de l’environnement et la résilience du territoire face aux enjeux climatiques et sociétaux.
Partenaire du projet, le Cerema contribue à l’évaluation des services écosystémiques rendus par la végétation en zone urbanisée, au développement d’outils et démonstrateurs pour aider à la mise en place d’une stratégie de végétalisation et à améliorer la qualité des futurs projets d’aménagements de la Métropole du Grand Nancy.

logo du projetLe projet Des Hommes et des Arbres (DHDA), coordonné par la Métropole du Grand Nancy en lien avec la Communauté d’Agglomération d’Épinal, s’appuie sur une alliance partenariale d’une centaine d’acteurs publics et privés du Sud de la Lorraine et des Vosges du Nord.

Le projet figure parmi les 24 lauréats soutenus par l’État et son Programme d’Investissements d’Avenir "Territoire d’Innovation" avec pour objectif de transformer ce périmètre d’action sur une durée de 10 ans par le biais d’actions innovantes mettant en valeur la place des arbres dans le quotidien, en résonance avec les attentes sociétales.

L’ambition collective est de favoriser localement le bien vivre en développant une ingénierie d’excellence autour des services rendus par les arbres, en soutenant une économie performante autour de la filière forêt et bois. Fort d’un capital forestier parmi les plus importants de France, le territoire d’expérimentation DHDA vise aussi à constituer un démonstrateur de référence, source d’inspiration au niveau national en matière de gestion des écosystèmes arborés face aux enjeux de changements climatiques et de risques sanitaires, de développement de nouveaux modèles de gouvernance et de préservation des ressources forestières, et de modèles de production et d’usage vertueux incitant à une bioéconomie performante.

Pour répondre à ces objectifs, un portefeuille initial de 28 actions - dont 10 actions d’investissement en fond propres auprès des entreprises pour développer leurs services et produits, et 18 actions de subvention plutôt destinées aux collectivités, aux établissements publics de recherche et d’expertise et au monde associatif – à été validé, mais pourra être complété par de nouvelles via un système de labellisation interne au fil de l’eau.

 

5 axes thématiques structurants

L’ensemble des actions alimentent cinq axes d’intervention du projet, correspondant aux différents objectifs stratégiques.

Schéma des axes stratégiques

Le premier des cinq axes intitulé "Services rendus par les arbres" - dans lequel est impliqué le Cerema, en collaboration avec l’IGN, AgroParisTech, l’INRAE, l’Université de Lorraine, l’ANSES, le CPIE Grand Est, l’Association DHDA et la Métropole du Grand Nancy - vise à évaluer qualitativement et quantitativement les services écosystémiques (SE), mais aussi les disservices ou risques engendrés par les arbres.

Des méthodes innovantes seront développées pour identifier, analyser, caractériser ce patrimoine arboré que ce soit en milieu forestier, agricole ou urbain, afin de prototyper des outils de gouvernance et des services numériques d’expertise territoriale et de valorisation économique de ces SE mobilisables par :

  • les aménageurs, gestionnaires d’espaces arborés et collectivités, pour les accompagner dans leur plans et stratégies territoriales ou les décisions d’aménagement intégrant l’arbre et la végétation ;
  • les acteurs publics et privés, ou grand public, pour promouvoir des initiatives objectivement vertueuses avec ou sans corrélation à des démarches de compensation liés à leur activité ;
  • les forestiers, agriculteurs, arboriculteurs, et autres propriétaires et gestionnaires d’espaces arborés, pour valoriser financièrement leurs pratiques lorsqu’elles optimisent les services rendus ;
  • les industriels qui s’approvisionnent en forêt (filière bois, bio-économie) pour suivre dans l’espace et dans le temps la quantité et la qualité des ressources forestières mobilisées.

Un package initial d’actions a été subventionné pour répondre aux différents objectifs de l’axe, dans lesquelles sont proposés :

carte Sud Lorraine
Carte du territoire impliqué dans le projet Des Hommes et des Arbres

 

Une plateforme dédiée aux données géographiques

En s’appuyant sur le développement concomitant de la future Géoplateforme, nouvelle infrastructure nationale ouverte et mutualisée dédiée à l’information géographique, l’IGN mettra en oeuvre une plateforme numérique propre à DHDA pour l’entreposage et la valorisation de données géospatiales clés autour de la ressource arbre auprès des acteurs du territoire : élus, institutions, professionnels, citoyens.

Il s’agira de développer et de mettre en service cette infrastructure ouverte, collaborative et mutualisée permettant à la fois d’intégrer et de diffuser des données de référence, mais aussi des données usagères ou expertes produites par les divers collaborateurs dans les actions du projet. Elle hébergera des web-services de base - consultation (visualiseur du type Géoportail), téléchargement, interrogation, croisement simple de données - mais pourra aussi intégrer ou interagir avec des applications et services numériques métiers développés dans le projet, à l’image des deux actions suivantes.

 

Un système d’information multi-échelles pour l’analyse en continu des ressources forestières du territoire

Lac de Longemer avec des sapins autour
Lac de Longemer - Vosges | Laurent Mignaux - TERRA

Basé sur le dispositif d’Inventaire Forestier National  (IFN) porté par l’IGN, ce package de services permettra d’analyser de manière plus précise la ressource forêt-bois en optimisant les méthodes géospatiales et statistiques puis les critères d’évaluation, tout en associant les utilisateurs finaux dans une approche de co-design par l’usage.

Il s’agira de :

  • Développer et mettre à disposition un service d’inventaire optimisé et multi-source de la ressource forestière à l’échelle des bassins d’approvisionnement ;
  • Construire et mettre à disposition un scenario de référence forêt-bois-carbone pour alimenter les différents partenaires dans leurs études prospectives sur l’évolution de la ressource, son impact économique sur les différents activités en dépendant ;
  • Élaborer des kits de données avec des indicateurs spécifiquement sélectionnés pour des profils de porteurs de politiques publiques locales, en particulier le stockage de carbone forestier.

 

Un service de prévention des risques zoonotiques pour le public et les professionnels

Parmi les disservices générés par les espaces de forêt et de nature, cette action, portée par l’INRAE, l’ANSES et le CPIE Nancy vise à évaluer spécifiquement les risques liés à la présence et la propagation de tiques, d’un point de vue sanitaire, sociétal et économique.

Des outils et approches permettant une surveillance participative de ce risque seront développés, en se basant sur une mobilisation des acteurs concernés (citoyens, associations, professionnels de la santé et de l’environnement, pouvoirs publics, collectivités, entreprises). Ce travail bénéficie de l’expérience et des productions des partenaire dans le cadre du programme de recherche CRITIQUE.

 

Une bourse des services écosystémiques :

Débardage de tronc d'arbre avec des chevaux de trait
Débardage à cheval - Laurent Mignaux TERRA

L’objectif de cette action est de valoriser financièrement les mesures de gestion des écosystèmes arborés favorables à une augmentation du niveau de services rendus au territoire DHDA et d'encourager le réinvestissement en amont sur la plantation en foret ou des espaces arborés ainsi que sur les activités vertueuses pour leur gestion durable.

La bourse sera à la fois un dispositif comptable et incitatif pour les propriétaires et gestionnaires en leur apportant une rémunération additionnelle aux efforts de gestion les plus productifs en SE, et un outil financier à l’interface des producteurs et des acheteurs de ces SE monétisés. Ce système de rémunération sera inspiré de mécanismes de monétisation tels que le label Bas Carbone ou le paiement pour services environnementaux prévus dans le Plan Biodiversité du MTES.

Cette bourse se situera à l’interface entre :

  • Les propriétaires et gestionnaires d’espaces forestiers ou arborés "producteurs" de SE, auprès desquels la bourse promeut les méthodes et mécanismes de valorisation des SE leur en facilite l’accès par un appui méthodologique mutualisé ;
  • Les développeurs, promoteurs et prescripteurs de méthodes et mécanismes de monétisation des services écosystémiques ;
  • Les  "acheteurs"  de ces SE, en présentant un portefeuille d’actions productives en SE géolocalisées sur le territoire du Projet, quantifie cette productivité avec une garantie de qualité, et possiblement en assurant la transaction financière.

 

Des outils pour évaluer les services rendus par les espaces végétalisés urbains et périurbains

Plusieurs actions et outils mentionnés précédemment fourniront des indicateurs clés pour quantifier les bénéfices ou contraintes générés par les arbres essentiellement forestiers, intéressant un panel étendu d’acteurs impliqués sur la gouvernance et la transformation du territoire à travers la filière foret-bois.

Dans cet Axe 1, le Cerema est porteur d’une action plutôt centrée sur les territoires urbanisés. Elle vise à développer une chaîne méthodologie complète pour évaluer les SE non seulement associés aux arbres, mais plus globalement au "patrimoine végétal" ou aux diverses formes d’espaces de nature présents à l’échelle d’une agglomération. En partenariat avec plusieurs services techniques de la Métropole du Grand Nancy qui constituera le territoire pilote, seront proposés les démonstrateurs et outils d’aide à la décision pour les projets et stratégies locales d’aménagement intégrant le végétal. Les approches envisagées devront être réplicables à d’autres collectivités, et compatibles avec les référentiels et outils forestiers et agricoles plus spécifiques aux partenaires.

L’action s’étend sur la période 2020 à 2024 et s’appuie sur plusieurs volets :

 

1. La construction d’une méthode générique de classification et de cartographie des typologies d’espaces végétalisées.

sculptures en métal accrochées dans des arbres dans un parc de Nancy
Sculptures au parc de la Pépinière à Nancy - Adobestock

Elle s’appuie principalement sur l’imagerie satellitaire très haute résolution (PLEIADES) complétée d’une sélection pertinente de bases de données géographiques (inter)nationales de référence comme celles de l’IGN ou Copernicus, et sur des méthodes innovantes de télédétection, d’intelligence artificielle et de géomatique spécifiquement développées dans le projet.

L’objectif est de produire les données et les couches géospatiales permettant de construire un observatoire très précis de la végétation sur le périmètre de la Métropole du Grand Nancy (MGN). Trois verrous techniques sont particulièrement visés :

  • identifier la végétation selon une classification plus détaillée et représentative qu’en "strates verticales", ce qui est jusque là le standard avec les méthodes les plus avancées de télédétection ;
  • proposer des indicateurs associés à ces différentes formes végétales pour alimenter le volet 2 et l’évaluation quantitative des SE :
  • bien renseigner la végétation de "l’espace privé" pour lequel les services Espaces Verts ne disposent d’acune donnés dans leurs base de données métier.

Ce volet sera largement alimenté par le projet Green Urban Sat, porté également par le Cerema et tout juste lauréat du dispositif SCO financé par le CNES.

2.  La construction d’une méthode d’évaluation géolocalisée des services écosystémiques

On proposera un référentiel réplicable d’indicateurs de services écosystémiques et de disservices découlant des fonctions écologiques qui peuvent être modélisées pour les différentes formations végétales en présence.

Le travail se limitera dans le temps du projet aux 4 catégories suivantes de SE : la régulation climatique, la régulation de la qualité de l’air, le maintien des continuités écologiques et les services socio-culturels.

Pour évaluer les fonctions et les indicateurs dédiés on aura recours à des méthodes, concept et modèles déjà existants dans les communautés scientifiques et techniques des quatre domaines d’expertise précédents, mais surtout on capitalisera également sur les résultats de travaux passés du Cerema sur les SE et bénéfices de la nature en ville.

On peut prendre l’exemple du projet SESAME ou certains indicateurs pourront être repris, mais devront être adaptés pour un passage de l’échelle de l’arbre individuel à celle de la forme végétale composite. Le référentiel des solutions fondées sur la nature proposé par le projet européen Nature4Cities constituera aussi une partie du socle théorique et méthodologique au service du projet.

3. L’expérimentation sur sites démonstrateurs

Plusieurs sites pilotes et/ou démonstrateurs dans différents quartiers de la métropole du Grand Nancy seront investis avec plusieurs objectifs :

  • Constituer des jeux de données de référence de description précise de la végétation à partir de relevés in-situ exhaustifs, complétés par les bases de données de gestion du patrimoine arboré et des espaces vert de la métropole et de la Ville de Nancy, par des photo-interprétations d’orthophotographies, et par des levées topographiques précises par drone ;
  • Réaliser des campagnes de mesures physiques, d’observation ou d’enquêtes in-situ pour construire ou valider les méthodes ou modèles d’évaluation quantitative des SE ciblés ;
  • Proposer des parcours ou expositions pédagogiques pour acculturer les usagers aux SE et susciter leur intérêt pour prendre part à diverses démarches participatives de l’Axe et du projet.

Ces sites seront choisis selon des critères de présence et de diversité des formes végétalisées, de morphologie urbaine et d’usages présents, et d’enjeux à adresser dans le cas de projets d’aménagements en futurs.

 

4. La co-conception d’un outil d’aide à la décision pour les stratégies de végétalisation de la Métropole

Un attendu important de l’action est le prototypage d’un outil d’aide à la décision pour la conception et la gestion des espaces verts en faveur de l’expression des services écosystémiques rendus à diverses échelles d’espace - rue, espace public, quartier, commune, métropole - et de temps.

Il doit sensibiliser les acteurs et apporter des éléments objectifs d’aide aux choix politiques et techniques de la collectivité, en donnant une valeur écologique et économique à la végétation dans les stratégies de planification et les projets d’aménagement urbain. Pour cela, il s’appuiera sur les divers indicateurs thématiques et géolocalisés proposés dans le Volet 3.

Le cahier des charges de cet outil transversal sera établi en concertation entre le Cerema et les différents destinataires de la MGN tels que les services Espaces Verts, Ecologie Urbaine, Espace public et voirie, pour en définir les tenants et aboutissants.

La forme attendue est un SIG interactif ou tableau de bord géolocalisé du capital végétal urbain et de son impact selon différents curseurs et unités spatiales, permettant de faire une évaluation de l’état actuel et de scénarios d’états projetés. Cet outil démonstrateur sera aussi conçu dans la perspective d’appui à un futur schéma directeur de déploiement et de gestion des espaces végétalisés de la Métropole.