Une manche gagnée pour le gouvernement dans la longue bataille de la réforme controversée de l’assurance-chômage. Les syndicats avaient déposé un recours en référé pour tenter d’invalider son entrée en vigueur, effective depuis le 1er octobre. Le Conseil d’Etat a rejeté leur recours, vendredi 22 octobre. Il valide donc la date de l’entrée en vigueur mais se prononcera ultérieurement sur le fond, c’est-à-dire sur le mode de calcul de l’indemnité – que les syndicats dénoncent comme « injuste » pour les demandeurs d’emploi.
Les syndicats avaient obtenu en urgence, en juin, la suspension des nouvelles règles contestées de calcul de l’allocation-chômage, mesure-phare de la réforme qui devait entrer en vigueur au 1er juillet, le Conseil d’Etat arguant alors des « incertitudes sur la situation économique ». Sans attendre la décision de la plus haute juridiction sur le fond, le gouvernement avait publié un nouveau décret, mettant en avant « le vif rebond de l’emploi depuis mai » et permettant l’entrée en vigueur de la réforme au 1er octobre. La CFDT, la CGT, FO, la CFE-CGC et la CFTC – qui s’était abstenue la fois précédente – avaient rapidement fait savoir qu’elles allaient attaquer le nouveau texte.
« Le combat continue »
Dans sa décision rendue vendredi, le Conseil d’Etat observe « que la situation du marché de l’emploi et de l’activité économique s’est sensiblement améliorée au cours des derniers mois, et que cette situation ne fait donc plus obstacle à ce que la réforme puisse atteindre l’objectif poursuivi de réduction du recours aux contrats courts », reprenant l’argumentaire gouvernemental.
« C’est une réforme importante qui va encourager le travail au moment où notre économie repart très fort et où les entreprises ont des besoins de recrutement massifs », a commenté aussitôt la ministre du travail, Elisabeth Borne.
« Le Conseil change d’avis (sous la pression du gouvernement ?) (…). Les allocations vont baisser en novembre. Le combat continue pour faire annuler cette réforme et pour la démocratie ! », a réagi sur Twitter le négociateur de la CGT Denis Gravouil, d’autres organisations comme l’UNSA ou Solidaires assurant aussi vouloir poursuivre la bataille.
Selon l’exécutif, il s’agit à travers ces nouvelles règles d’inciter les demandeurs d’emploi à accepter des contrats plus longs, d’autant plus que les employeurs seront également incités à en proposer par la mise en place d’un « bonus-malus » sur les cotisations chômage dans sept secteurs fortement consommateurs de contrats courts.
« Catastrophe sociale annoncée »
Farouchement opposés depuis le départ à la réforme, les syndicats estiment que le nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR), base de l’allocation, va pénaliser les demandeurs d’emploi alternant chômage et activité, « les permittents ». « Une large majorité des emplois créés aujourd’hui sont des contrats de moins d’un mois », a réagi Yves Veyrier (FO), toujours « déterminé à obtenir l’abandon de la réforme ».
Dans un communiqué commun, la CGT, FSU et Solidaires annonçaient vendredi déposer un recours « contre la catastrophe sociale annoncée ». Les trois syndicats notaient que le nouveau décret est « la copie conforme » du précédent où « tous les éléments démontrant l’injustice et l’inanité de la réforme étaient déjà inscrits ». Ils estimaient que le Conseil d’Etat « ne doit pas céder à la pression gouvernementale ». La CFDT a également déposé son recours vendredi, en commun avec la CFTC, avec des arguments, notamment, « sur la fragilité de la reprise économique » et sur la question des « inégalités de traitement dans le mode de calcul du SJR », selon la numéro deux de la CFDT, Marylise Léon.
FO, qui avait déposé son recours dès jeudi soir, a des angles d’attaque qui sont « exactement les mêmes que la dernière fois », a déclaré Michel Beaugas, négociateur sur l’assurance-chômage au sein du syndicat. « Nous ne souhaitons pas que le débat sur la conjoncture économique occulte le débat de fond sur l’iniquité de cette réforme, arguments que nous développions déjà en 2019 », lorsqu’elle avait été présentée.
Les « contradictions » du gouvernement
L’UNSA a également déposé jeudi un recours axé, selon sa secrétaire générale adjointe Vanessa Jereb, sur l’« iniquité » du salaire journalier de référence, les « contradictions » du gouvernement dans sa présentation de l’amélioration de la situation économique et sur « l’objectif » affiché de lutter contre les contrats courts.
Selon une évaluation de l’Unédic en avril, jusqu’à 1,15 million des personnes ouvrant des droits dans l’année suivant l’entrée en vigueur de la réforme toucheraient une allocation mensuelle plus faible (de 17 % en moyenne), avec dans le même temps une « durée théorique d’indemnisation » allongée (quatorze mois en moyenne contre onze avant la réforme). Le ministère du travail conteste ce chiffrage qui, selon lui, ne tient pas compte de l’amélioration de la conjoncture ni « des effets de comportement » espérés de la réforme.
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