Keynotes

Mercredi 17 Novembre, 10h15-11h15
Michel Dubois, « Changer ses gènes ? » Les défis de la communication scientifique face à la vie sociale de l’épigénétique et du génie génétique

 

Michel Dubois,  CNRS, Sorbonne Université, France

Michel Dubois est sociologue des sciences et des techniques, directeur de recherche CNRS. Il est actuellement directeur du Groupe d'Etude des Méthodes de l'Analyse Sociologique de la Sorbonne (CNRS - Sorbonne Université) et directeur de la Revue Française de Sociologie (Presses de SciencePo). Ses travaux les plus récents dans le domaine de l'étude des sciences concernent tout autant le développement de l'épigénétique environnementale pour l'étude des maladies neurodégénératives, les transformations des modes d'évaluations du travail scientifique, l'impact de la crise covid19 sur l'éthique de recherche et les attitudes de l'opinion publique à l'égard de la communauté scientifique.

michel.dubois@cnrs.fr /

Gene editing, CRISPR-Cas9, épigénétique environnementale, socio-génomique : ces termes qui circulent très largement dans le grand public depuis le début du XXIe siècle dessinent un nouvel horizon de contrôle et d’empowerment. “Why Your DNA Isn't Your Destiny” titrait le Times en 2010… Semblant annoncés la fin de l’ère de l’hérédité biologique héritée du XIXe siècle, ces termes suscitent tour à tour l’enthousiasme et l’inquiétude. Ils font l’objet de multiples formes de réappropriations, sociales, économiques et politiques.

Dans son intervention, Michel Dubois, sociologue des sciences au CNRS, reviendra sur la manière dont les sciences sociales se saisissent des dernières avancées, génomique et post-génomique, des sciences du vivant (Dubois, Guaspare, Louvel, 2018). En renouant avec l’étude des représentations sociales de la science, il proposera un état des lieux de nos attitudes à l’égard des biotechnologies, du génie génétique et de l’épigénétique. Les résultats inédits de l’enquête Les français et la science en 2020 seront présentés et mis en perspective par rapport aux différentes vagues d’enquêtes disponibles depuis les années 1970 en France, mais également par rapport aux dernières grandes enquêtes internationales.

En discutant les principaux résultats d’une série d’enquêtes consacrées à l’épigénétique et à la génétique comportementale (Dubois et al., 2019 ; Dubois, Guaspare, 2020 ; Dubois, Guaspare, Vilain, 2021), il reviendra sur la variété des mécanismes associés à la communication scientifique dans le domaine des sciences du vivant. Existe-t-il par exemple des modes spécifiques de circulation de la connaissance scientifique dans le grand public ? Pourquoi l'épigénétique semble-t-elle si attrayante ? Est-il possible d'identifier certaines ‘knowledge claims’ dans le discours public et, si oui, compte tenu de l'état actuel des connaissances, quel est leur degré d'exactitude ? Plus généralement encore quelles sont les difficultés auxquelles sont confrontés les chercheurs qui veulent communiquer de façon « socialement responsable » ?

 

Mardi 16 Novembre, 11h00-12h00
Gordon Gauchat, Culture de la science et évolution de la confiance dans la science aux États-Unis au cours des 50 dernières années

 

Gordon Gauchat, Université du Wisconsin-Milwaukee, Etats-Unis

Dr. Gordon Gauchat est professeur agrégé de sociologie à l'Université du Wisconsin-Milwaukee. Ses recherches portent sur les perceptions publiques de la science à l'intersection de la polarisation politique et culturelle aux États-Unis et en Europe. Il a publié des recherches dans American Sociological Review, Social Forces, Nature Climate Change, Climatic Change, Gender and Society et Public Understanding of Science. Il travaille actuellement sur son premier livre, Why People Deny Science, qui offrira une synthèse d'explications cognitives et culturelles de l'engagement du public avec les connaissances scientifiques. Ses intérêts s'étendent à des questions sociétales plus larges sur la relation entre la cognition humaine, le changement culturel rapide vers la diffusion des connaissances et la formation de l'identité politique. L'horizon de cette recherche est un modèle de sciences sociales qui aborde les «progrès» des technologies de l'information et ses effets sur la façon dont les êtres humains cartographient cognitivement leur monde.

En 1937, Merton s’adressait à la Société américaine de sociologie (American Sociological Society) pour évoquer les menaces culturelles, politiques et économiques qui pesaient sur la communauté scientifique. Ce discours avait pour toile de fond, austère et urgente, le nazisme et la vague montante d’autoritarisme. Merton a ainsi souligné que la production de connaissances scientifiques dépendait de forces culturelles et institutionnelles plus larges et des conditions sociales uniques des sociétés démocratiques. Plus de sept décennies plus tard, nous faisons de nouveau face à la fragilité de la vérité scientifique et à une politisation endémique. La crise actuelle fait suite à une cascade de chocs institutionnels qui ont ébranlé dans le monde entier la confiance du public dans la science et les experts. Ces chocs incluent notamment les attaques terroristes de 2001 et leurs conséquences violentes, la crise financière mondiale de 2008, les bouleversements électoraux de 2016 avec le Brexit et la victoire de Donald Trump, ou encore la pandémie actuelle. S’ajoutent également à cette liste la menace critique du changement climatique et l'inefficacité de la réponse politique. L'objectif de cette présentation est de revenir sur les observations de Merton tout en soulevant la question des défis contemporains posés à la légitimité de la science ainsi que la question de la crise parallèle de la vérité. L'attrait durable du modèle institutionnel de Merton vient de ce qu'il circonscrit l'objet d'étude qu’est la communauté scientifique : 1) le réseau professionnel organisé qui produit les connaissances scientifiques ; et 2) l’environnement social et culturel délicat qui la maintient. La signification culturelle de la science est souvent négligée, mais elle est tout aussi centrale : elle fournit une approximation accessible de la congruence entre la communauté scientifique et son environnement institutionnel. Les progrès réalisés au cours des deux dernières décennies en matière de recherche sur l'opinion publique permettent enfin aux chercheurs en sciences sociales de réaliser pleinement le modèle institutionnel de Merton (dont l'objectif est de délimiter les situations sociales susceptibles de remettre en question la science, pour diverses raisons propres à ces lieux), et de suivre empiriquement les instances où ces menaces s’intensifient.

Jeudi 18 Novembre, 10h15-11h15
Julien Giry, Théories du complot : défiance et mobilisation contre les autorités politiques, médiatiques et scientifiques

 

Julien Giry, Université de Tours - Unité de recherche PRIM, France

Docteur en science politique, Université de Tours/PRIM. Les activités de recherche de Julien Giry portent principalement, depuis plus 10 ans, sur l'étude du conspirationniste dans ses différentes dimensions (politiques, historiques, sociotechniques, culture populaire, etc.), ses acteurs sociaux (leaders conspirationnistes, citoyens enquêteurs, bouc-émissaires, militants « anticomplotistes » etc.), ainsi que des phénomènes qui lui sont connexes : rumeurs, légendes urbaines ou fake news. En outre, il s’intéresse à l’étude des populismes et des droites extrêmes aux États-Unis et en Europe. Plus récemment, son attention s’est portée, d’une part, sur les phénomènes de radicalisation et, d’autre part, sur « l’alterscience » dans sa prétention à contester les savoirs scientifiquement établis, en tout particulier à propos de la vaccination, vaccins, au point de constituer une véritable ressource politique pour des acteurs marginaux dans le champ du pouvoir.

Dernières publications :

  • « Les fake news comme concept de sciences sociales. Essai de cadrage à partir de quelques notions connexes : rumeurs, théories du complot, propagande et désinformation », Questions de communication, n°38, 2021.
  • « Conspiracism. Archeology and Morphology of A Political Myth », Diogenes, Sage vol.62, n°3-4, 2020.
  • Avec Pranvera Tika, « Conspiracy Theories in Political Science and Political Theory. An Introduction » in Peter Knight, Michael Butter (eds.), The Routledge Handbook on Conspiracy Theories, Londres : Routledge Publishers, 2020.
  • Avec Dogan Grüpinar, « Functions and Uses of Conspiracy Theories in Authoritarian Regimes » in Peter Knight, Michael Butter (eds.), The Routledge Handbook on Conspiracy Theories, Londres : Routledge Publishers, 2020.

 

 

Depuis la Révolution française jusqu’à la pandémie de Covid-19 contemporaine, en passant par les violences interethniques en Inde ou des mouvements sectaires tels le Temple du Peuple, cette communication s’attachera à montrer comment les théories du complot, définies comme « la conviction qu'un groupe ou qu'un individu secret et omnipotent, navigant aux marges de la société, contrôle secrètement, en tout ou partie, l’ordre politique et social » (Fenster), participent à la fois de la défiance envers les autorités politiques, médiatiques ou scientifiques mais remplissent également une fonction de mobilisation d’une communauté qui se sent, à juste titre ou non, menacée socialement ou symboliquement. En tant que forme de proto-politisation et « connaissances stigmatisées » (Barkun), les théories conspirationnistes offrent en concurrence ou dans le silence des discours officiels ou savants des explications alternatives rassurantes sur le plan symbolique dans la mesure où elles donnent du sens à des situations déstructurées ou d’incertitudes sociales.

Vendredi 19 Novembre, 10h15-11h15
Mehita Iqani, La communication scientifique au service d'une justice sociale ? Enjeux et opportunités du point de vue sud-africain

 

Mehita Iqani, Université de Johannesburg, Afrique du Sud. 

Mehita Iqani est professeure au département d'études des médias de l'Université du Witwatersrand à Johannesburg. Ses travaux de recherche sont interdisciplinaires, ils portent sur la politique des déchets, la consommation et l'inégalité, la théorie culturelle, l'analyse du discours critique, et les communications stratégiques. Elle est l'auteure de trois monographies, la plus récente Garbage in Popular Culture : Consumption and the Aesthetics of Waste (2020, SUNY Press). Elle est co-éditrice de quatre collections, dont la plus récente est Media Studies: Critical African and Decolonial Approaches (2019, OUP) et African Luxury: Aesthetics and Politics (2019, Intellect et University of Chicago Press). Elle a également publié de nombreux articles et critiques dans des revues internationales importantes, est rédactrice adjointe de Consumption Markets and Culture, et elle siège au conseil d'administration de l'International Journal of Cultural Studies and Communication Theory. Elle a obtenu son doctorat en médias et communications à la London School of Economics and Political Science.

Comment pourrait-on intégrer les communications populaires avec la communication scientifique de manière innovante et productive, et au service explicite d'une justice sociale et d'un objectif de développement ? Dans le contexte des vastes inégalités et de la souffrance sociale en Afrique du Sud, la science ne peut être traitée comme un élément abstrait de la société ; au contraire, sa pertinence devrait être démontrée quant à de nombreux aspects de la vie quotidienne, ainsi qu’aux opportunités qu’elle offre d’amélioration de cette dernière. S'il est utile d'approfondir la compréhension de la manière dont la science est abordée et comprise par le citoyen lambda [le cadre de la « compréhension publique de la science » (Bucchi and Trench, 2014; Metcalfe and Riedlinger, 2019)], au regard des nombreux écueils auxquels la majeure partie des Sud-africains ordinaires sont confrontés dans leur vie, ils sont susceptibles d'encourager et de s'intéresser aux sciences qui concernent les problématiques dont ils estiment qu'elles jouent directement sur leur bien-être. Ainsi, la recherche reposant sur des problématiques, ancrée dans le contexte social et politique, reste largement nécessaire pour passer d'un « déficit » à un « dialogue » en rapprochant les sciences pertinentes, conçues autour de problématiques, du public par le biais d'une « relation démocratisée » (Weingart et al., 2020: 4). Ce type d'approche est crucial pour trouver des moyens d'ériger une passerelle entre les innovations scientifiques et l'opinion publique et les politiques afin de faire face aux enjeux de taille qui définiront la recherche et l'expérience en Afrique du Sud, en Afrique et dans l'hémisphère sud au 21e siècle. Ces enjeux peuvent être regroupés en trois catégories globales : le changement climatique, la qualité de vie et l'équité. Pour illustrer ces enjeux, ainsi qu'une partie des opportunités de communication associées, je m'intéresse à un exemple clé de nouvelle forme de régénération urbaine écologique fondée sur la science dans le centre économique et la plus grande ville d'Afrique du Sud : Johannesbourg. Le projet Upper Jukskei Rejuvenation vise à désintoxiquer et à reverdir le seul fleuve pérenne de Johannesbourg, qui prend sa source sous la ville et est extrêmement toxique. Il vient en effet impacter les populations et la nature évoluant sur les rives jusqu'à son confluent dans l'océan Indien, au Mozambique. Les activistes qui mènent ce projet ont dû innover en créant des stratégies intégrant, de manière créative et audacieuse, collecte de données scientifiques, art public, relations publiques et mobilisation de la population. Cette étude de cas offre différents points de référence pour étudier la manière dont les connaissances en sciences naturelles et l'innovation scientifique sont couvertes par les médias et explorer comment les communications populaires autour du développement durable urbain peuvent servir d'outils d'éducation scientifique créatifs.

Mercredi 17 Novembre, 11h15-12h15
Kyoko Sato, Réflexivité, démocratie et défis de la communication scientifique : réflexions comparatives sur le Covid et la gouvernance nucléaire au Japon et aux États-Unis

 

Kyoko Sato, Université de Standford, Etats-Unis

Kyoko Sato est co-directrice du programme Science, Technologie et société de l’Université de Stanford. Ses recherches portent sur la gouvernance technoscientifique au Japon et aux Etats-Unis. Elle co-édite actuellement un ouvrage collectif (avec Soraya Boudia et Bernadette Bensaude Vincent), Living in a Nuclear World : From Fukushima to Hiroshima, une réflexion interdisciplinaire post-Fukushima sur le développement de l’ordre nucléaire mondial. Elle fait également partie de Comparative Covid Response, une étude sur la réponse à la pandémie de 16 pays (dirigée par Steve Hilgartner et Sheila Jasanoff). Ses travaux antérieurs portaient sur la production de connaissances interdisciplinaires et sur la politique des aliments génétiquement modifiés en France, au Japon et aux Etats-Unis. Elle a travaillé comme journaliste à Tokyo avant de recevoir son doctorat en sociologie de l’Université de Princeton.

L'importance du passage d'un modèle de « déficit » à un modèle dialogue entre public et scientifiques est depuis longtemps un thème clé de la communication scientifique et de la gouvernance technoscientifique. L'idée selon laquelle le public devrait s’engager dans les questions liées à la science et à la technologie, plutôt que de simplement recevoir verticalement des informations, du haut vers le bas, a dépassé le cadre des débats académiques pour devenir prévalente dans les pratiques politiques de nombreux pays. Toutefois, comme cela a été souligné à plusieurs reprises, le modèle du déficit persiste. En outre, à contextes culturels différents défis différents : l'engagement peut avoir des significations culturelles différentes et prendre des formes différentes en termes d’efficacité, et le public et sa relation à l'expertise technique peuvent prendre des formes très différentes selon les sociétés. En envisageant l'avenir d'une communication scientifique efficace, je reviendrai tout d'abord sur quelques idées clés des études des sciences et technologies (STS), un domaine qui a joué un rôle dans le passage du « déficit » au « dialogue », afin de souligner pourquoi le dialogue et l'engagement sont productifs, prometteurs et préférables. J'aborderai ensuite les différents défis que pose la mise en œuvre d'un tel changement, que j'ai observés dans mes recherches sur les réactions face au Covid-19 et sur la gouvernance nucléaire au Japon et aux États-Unis. La plupart des débats intellectuels initiaux sur le dialogue et l'engagement sont nés dans des contextes occidentaux, et leur mise en œuvre présente des difficultés différentes dans les contextes non occidentaux, en plus des difficultés habituelles. Par exemple, au Japon, où la technocratie a adoptée il y a longtemps, l'idée de considérer les « citoyens » comme des agents actifs dans la prise de décision collective, un principe de base de la démocratie, n'est pas toujours accueillie avec enthousiasme dans la pratique. Certains considèrent même les activités dialogiques comme la marque d’experts et fonctionnaires ne faisant pas leur travail, plutôt que comme des opportunités démocratiques, surtout en période de crise comme la pandémie de Covid-19. Dans le même temps, il existe une collaboration et une communication productives entre experts et citoyens, et je discuterai de tels exemples dans la politique nucléaire des deux pays et de leurs implications. Dès le début, la justification de la participation des citoyens à la science et à la technologie était multiple : par exemple normative, instrumentale et substantielle (Fiorino 1990). C’est encore le cas empiriquement (Weingart et al. 2021). Les chercheurs en STS ont contribué à une évolution vers l'engagement en montrant comment les facteurs sociaux et politiques façonnent la science et la technologie, ainsi qu’en soulignant leur rôle constitutif fondamental dans la société. Empiriquement et théoriquement, ils ont problématisé le scientisme, le déterminisme technologique et les points de vue essentialisés de la technoscience en général, et montré que la technoscience et la société sont mutuellement constitutives ou coproduites (Jasanoff 2004). Ces idées ont soulevé une question importante concernant la prise de décision : si la trajectoire de la science et de la technologie n'est pas prédéterminée, et si ces dernières constituent et arbitrent chaque sphère de notre vie sociale, les décisions les concernant ne devraient-elles pas être davantage ouvertes à l'examen critique et à la contribution démocratique du public, plutôt qu’être laissées aux experts techniques, dirigeants d'entreprise et élites politiques ? Grâce à de nombreuses études de cas, les chercheurs en STS ont également démontré que les citoyens profanes sont capables non seulement de comprendre des questions techniques qui les touchent de près, mais aussi d'apporter une contribution (par ex. des connaissances locales et concrètes) qui améliore l'efficacité des connaissances pertinentes pour les politiques (par ex. Epstein 1996 ; Wynne 1996 ; Callon et al. 2009). Les positions sur les relations entre science et société ancrées dans ces idées reconnaîssent que la formation de la technoscience vaut formation de la société et de son avenir. Elles appellent à la réflexivité et à l'engagement démocratique de la part d'une variété d'acteurs, des citoyens profanes aux journalistes et enseignants en passant par les experts et les décideurs politiques. Dans cette optique, une communication scientifique efficace peut non seulement contribuer à rendre la technoscience plus pertinente sur le plan social et plus adaptée aux besoins du public, mais aussi potentiellement revitaliser la délibération et l'action démocratiques elles-mêmes. Pour atteindre des objectifs aussi ambitieux, il est essentiel de comprendre la culture politique ; l'analyse comparative est un outil utile à cette fin.

Vendredi 19 Novembre, 15h30-16h30
Peter Weingart, Confiance ou attention – tensions entre communication scientifique et relations publiques

 

Peter Weingart, Université de Bielefeld, Allemagne

Prof. Dr. Peter Weingart est professeur émérite de sociologie, sociologie des sciences et Science politique à l'Université de Bielefeld, en Allemagne. Après sa retraite en 2009, il a été nommé président de la chaire de Communication Scientifique SARChi à l'Université de Stellenbosch en Afrique du Sud. A l'Université de Bielefeld, il a été directeur de l’Institute of Science and Technology Studies (IWT) 1993 - 2009 et du Center for Interdisciplinary Studies (Zif) 1989 - 1994. Il est membre de la Berlin-Brandenburg Academy of Sciences and Humanities (BBAW) depuis 1996, et de l’Academy of Engineering Science (acatech) depuis 2008. Depuis 2007, il est rédacteur en chef de la revue Minerva. Ses recherches portent actuellement sur le conseil scientifique en politique, l'interrelation science-médias et la communication scientifique. Il s'intéresse également aux modèles de communication dans les médias et dans la science.

La quête des organisations économiques et politiques visant à attirer l'attention du public a émergé dans les années 1950 et n'a cessé de s'intensifier depuis. Pour la science, c'est-à-dire les universités et les centres de recherche, elle a été déclenchée par une nouvelle gestion publique et la création de marchés artificiels pour les établissements d'enseignement supérieur (EES). Son impact se traduit désormais par le développement de départements de communication dont la mission va bien au delà de la publication de communiqués de presse. Cependant, pour ces établissements, la pratique de la communication persuasive (marketing, stratégie de marque, relations publiques) peut potentiellement entrer en conflit, et c'est de plus en plus souvent le cas, avec l'autonomie de la science (et la liberté de la science, telle qu'elle est garantie dans la constitution même de certains pays), mais également avec les règles de bonnes pratiques scientifiques et avec les orientations de valeur de la science telles que le « scepticisme organisé ».

S'il faut reconnaître que les universités et les scientifiques individuels doivent s'adapter à de nouveaux environnements pour concourir pour les fonds publics et les légitimer, cela ne signifie pas qu'ils doivent le faire avec les mêmes moyens que ceux utilisés par les organisations commerciales et politiques. Leurs communications s’adressent le plus souvent à des publics fictifs, leurs effets sont rarement évalués sérieusement. Ainsi l'effort reste auto-référentiel.

Mais cela ne signifie pas qu'il reste sans effets secondaires. Le phénomène global est celui d’une médiatisation de la science. Certains dommages collatéraux sont devenus visibles, par exemple, avec le débat relatif aux lignes directrices de communication de l'Université de Berne ou, plus dramatiquement, avec le scandale provoqué par l'annonce prématurée d'une analyse sanguine par l'Université de Heidelberg. Nous tenterons de trouver des solutions à ce problème.