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Observatoire de la démocratie de proximité : un appel à conforter les maires dans leurs responsabilités

La commune, "dernier rempart démocratique" contre la crise de l’engagement politique et de la démocratie représentative ? En une synthèse de cinq enquêtes menées par l’Observatoire de la démocratie de proximité AMF-Cevipof auprès des maires et des Français depuis 2018, le directeur du Cevipof livre des éléments d’analyse, rappelant la force de la proximité dans une société en mal de repères et insistant sur la nécessité de conforter les maires dans leurs responsabilités et leurs moyens d’action. 

Alors que s’ouvre en ce début de semaine le 103e Congrès des maires et des présidents d’intercommunalité de France, l’Observatoire de la démocratie de proximité AMF-Cevipof (Sciences po) publie une analyse intitulée "La France, ses maires et ses territoires", sous la signature de Martial Foucault, directeur du Cevipof. Il s’agit de la synthèse de cinq enquêtes réalisées depuis 2018 par le Cevipof en partenariat avec l’Association des maires de France (AMF), trois enquêtes menées auprès des maires en exercice (en 2018, 2019 et 2020) et deux enquêtes conduites auprès d’un échantillon représentatif de Français (en juillet 2019 et en juillet 2021) (voir nos articles ci-dessous).

Une participation "historiquement basse" aux élections de mars 2020 

"Depuis plus de 20 ans, la confiance des Français envers leur maire ne cesse de se maintenir à des niveaux élevés (environ 70%)", rappelle l’auteur de l’analyse. Cette confiance allant de pair avec un "attachement" des Français à leur commune comme "communauté de vie" - attachement qui se porte également sur la France mais moins sur les échelons géographiques intermédiaires -, la commune est ainsi présentée comme "une forme de dernier rempart démocratique des malheurs et inquiétudes des Français". Pour autant, les élections municipales n’échappent pas à l’effondrement de la participation électorale, qui s’est avérée "historiquement basse" aux élections de mars 2020 (44% de participation).

"Face à cet affaiblissement de la participation, deux lectures s’opposent : pour 45% des maires interrogés en septembre 2020, ce serait davantage un phénomène passager lié à la crise sanitaire et pour 55% des autres maires, la situation serait plus préoccupante car elle traduirait un désintérêt plus profond des citoyens pour la vie municipale", met en avant Martial Foucault. La deuxième interprétation paraît confortée par "une faible appétence pour l’engagement municipal", 25% des Français interrogés déclarant qu’ils ne sont "pas du tout intéressés par la vie de leur commune" et 33% se présentant comme "intéressés sans être prêts à y consacrer du temps".    

La proximité, "gage de repère dans une société de plus en plus atomisée"

Ces résultats sont toutefois nuancés par une courbe éloquente illustrant le fait que la participation électorale au premier tour des élections de 2020 a varié "presque du simple au double selon la taille de la commune", avec un taux moyen de participation de 67% dans les quelque 18.300 communes de moins de 500 habitants et une participation de seulement 36% dans les 54 communes de plus de 100.000 habitants. Entre ces deux extrémités, le taux de participation moyen est de 56% dans les communes de 500-1.000 habitants (6.700 communes), de 48% dans les communes de 1.000 à 3.500 habitants (6.800 communes), de 45% dans les communes de 3.500 à 9.000 habitants (2.000 communes), de 41% dans les communes de 9.000 à 30.000 habitants (860 communes) et de 37% dans les communes de 30.000 à 100.000 habitants (250 communes). Le taux de confiance envers le maire est d’ailleurs plus élevé dans les petites communes, ce qui confirme pour l’Observatoire que "le lien de proximité est gage de repère dans une société de plus en plus atomisée où les liens sociaux et les lieux de sociabilité se sont perdus dans un repli consumériste fort de progrès technologiques au service de l’individu plutôt que du collectif". 

Les élus municipaux ne sont donc pas épargnés par la crise de la démocratie représentative et, en dépit d’"un certain désarroi face à la fin du cycle de la démocratie électorale", les maires s’efforcent de répondre à de nouvelles aspirations citoyennes en expérimentant "plusieurs formes de consultation publique ou d’échanges avec les administrés". La difficulté est cependant de parvenir à toucher les "citoyens les plus en marge, parce que désintéressés, désabusés ou fatigués des formes classiques d’engagement" alors que, bien souvent, "seules les personnes les plus intéressées par la politique locale et déjà socialisées par un investissement associatif répondent présentes" à ce type de démarches participatives.  

Une nécessaire "remise à plat de la responsabilité des maires" et de leurs moyens d’actions

Malgré ces difficultés, le maillage particulièrement dense des élus locaux français, "avec près de 500.000 conseillers municipaux élus", représente "une force d’engagement politique précieuse". Le Cevipof propose une analyse du profil sociologique de ces élus, avec la poursuite de la féminisation – "20% de maires femmes en 2020 contre 16% en 2014 et 44% de conseillères municipales" – et une prédominance parmi les maires des cadres et professions intellectuelles supérieures (44% du total des maires) et des retraités (27%). Une continuité est observée en 2020, puisque 60% des maires sortants ont été réélus.

La confiance des administrés envers leurs maires est aussi synonyme de pression pour ces élus, dans un contexte de "montée des agressions physiques ou symboliques à l’endroit des maires", de "progression des incivilités dans l’espace public" et de la crise Covid ayant suscité beaucoup d’inquiétudes mais aussi "l’expression de nouvelles solidarités". Les maires se sentent désarmés face à cette "demande pressante", du fait d’un rétrécissement à la fois de leur champ de compétence (au profit des intercommunalités) et de leur autonomie financière. Le directeur du Cevipof conclut ainsi son analyse par un appel à "repenser les libertés locales", par "une remise à plat de la responsabilité des maires et des moyens d’actions dont ils disposent", pour éviter la poursuite de l’affaiblissement de la démocratie représentative.