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Le drone soccer, ce sport venu de Corée du Sud qui cherche à prendre son envol

Les dix drones télécommandés - trois défenseurs et deux attaquants dans chaque équipe - s'affrontent dans une cage de 20 mètres de long. (Lee Bum Su)
Les dix drones télécommandés - trois défenseurs et deux attaquants dans chaque équipe - s'affrontent dans une cage de 20 mètres de long. (Lee Bum Su)

Avec des démonstrations à Las Vegas début janvier, le drone soccer a cherché à gagner en exposition. La première Coupe du monde de cette discipline aura lieu l'an prochain en Corée du Sud, sa terre de naissance.

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Deux yeux ne suffisent pas, trop de choses se passent en même temps de chaque côté du terrain. Comme si un match de football se jouait devant les deux buts à la fois. « Restez derrière la ligne », répète dans le micro une jeune femme à ceux qui s'approchent de l'immense cage de 20 mètres de long. À l'intérieur, dix sphères, sorte de ballons en suspension, qui bataillent dans le son des drones et les lumières colorées.

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Début janvier, Las Vegas accueillait le CES, le plus grand salon consacré à l'électronique sur la planète. Le rendez-vous des innovations qui feront - ou pas - le monde de demain. Les médias occidentaux y ont découvert le drone soccer, ­discipline née en Corée du Sud en 2016.

Une rencontre qui fait davantage penser au Quidditch qu'au football

Plus de 1 500 équipes existent aujourd'hui au Pays du Matin-Calme et le reste de l'Asie s'est pris au jeu. Le drone soccer balbutie encore sur les autres continents. Alors la Fédération of International Dronesoccer association ou FIDA, (un acronyme qui en évoque un autre), veut développer le sport à l'international et a débloqué des centaines de milliers de dollars pour profiter de l'exposition du CES.

Les règles sont simples. Trois manches intenses de trois minutes chacune. Cinq joueurs par équipe qui commandent des drones de 1,2 kg maximum - batterie incluse -, posés au centre d'une coque arrondie de 40 centimètres de diamètre. Trois défenseurs protègent le « donut », l'anneau lumineux à 3,5 mètres de hauteur dans lequel doit rentrer le « striker », le seul autorisé à marquer, assisté par un autre attaquant.

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Né en 2016, le drone soccer compte déjà 1 500 équipes en Corée du Sud et le reste de l'Asie se prend au jeu, comme ici lors du dernier FAI World Drone Racing Championship. (Yong-chan Nan/KAMA)
Né en 2016, le drone soccer compte déjà 1 500 équipes en Corée du Sud et le reste de l'Asie se prend au jeu, comme ici lors du dernier FAI World Drone Racing Championship. (Yong-chan Nan/KAMA)

Même schéma côté opposé. Une rencontre fait plus penser au Quidditch, ce sport imaginé par J.K. Rowling dans sa saga Harry Potter qu'au soccer mais « certaines stratégies sont les mêmes », clame Sean Greenhalgh, le meilleur joueur américain qui a servi de VRP pendant tout le CES.

« Les défenseurs changent constamment de positions et l'attaquant doit travailler avec un attaquant de soutien pour se créer des opportunités », éclaire celui qui travaillait il y a un an et demi pour Trader Joe's, une chaîne de supermarchés.

« C'est comme une version réelle d'un jeu vidéo »

Tim Ingram, président de FIDA USA

Sean fait le tour des écoles pour des démonstrations. Il assure qu'il peut apprendre à un enfant à piloter un drone en dix minutes. FIDA USA aurait déjà initié 35 000 élèves, dès l'âge de 4 ans, et a collaboré avec Grossmont College, près de San Diego en Californie, pour créer le premier programme universitaire de drone soccer dans le pays.

« Tous les enfants ne peuvent pas jouer au foot, au hockey ou au baseball. Mais la plupart des gamins adorent les jeux vidéo. C'est comme une version réelle d'un jeu vidéo, décrit Tim Ingram, le président de FIDA USA. Je le dis comme un compliment, c'est un sport pour les nerds. »

Avant de débuter les matches, les drones sont placés au centre d'une coque arrondie. (Lee Bum Su)
Avant de débuter les matches, les drones sont placés au centre d'une coque arrondie. (Lee Bum Su)

FIDA France, qui compte un club à Rennes et un à Poitiers, affiche la même philosophie. « C'est un technosport, pas un e-sport. Le "e", c'est virtuel », insiste Éric Chauche, le représentant de FIDA dans l'Hexagone. « On veut sortir les enfants des écrans, de leur canapé, qu'ils se rejoignent sur un terrain. Quand un drone casse, il tombe. On n'appuie pas sur restart. On va devoir réparer, reprogrammer. »

Des infrastructures imposantes et un coût élevé

Les joueurs ont cinq minutes entre chaque manche pour mener les réparations nécessaires. Et les drones ne tombent pas forcément tout seuls. « Ce sont des chocs énormes, précise Éric. Une tactique consiste à mettre à terre l'un des deux attaquants. Les trois ou quatre drones adverses se précipitent sur lui. Là on est presque au hockey sur glace ! », sourit-il.

Le sport se compte en dizaines de pratiquants. Les infrastructures ou le prix des drones - un peu plus de 1 000 euros - constituent des freins à son adoption. « Les gens sont intéressés mais, derrière, il faut que les clubs investissent », estime Frédric Theurel, en charge du drone soccer à la Fédération française d'aéromodélisme (FFAM).

La FFAM cherche elle aussi à élargir les horizons de son premier sport collectif. Elle a opté pour un autre format, des « drones balls » de 20 cm au lieu de 40 et des terrains plus petits. « Le 40 cm c'est très contraignant, il faut une cage énorme et beaucoup de matériel », ­justifie Frédéric, qui organise des initiations le dimanche matin dans un gymnase en région parisienne. « On a mis 10 000 euros pour une structure gonflable, des machines, les accus, les batteries et ainsi de suite. Mais tous les clubs en France ne peuvent pas sortir cette somme. »

Sean Greenhalgh (2e à g.), meilleur joueur américain de drone soccer, était présent au CES de Las Vegas. (Lee Bum Su)
Sean Greenhalgh (2e à g.), meilleur joueur américain de drone soccer, était présent au CES de Las Vegas. (Lee Bum Su)

Le soutien de sponsors pourrait faire une différence, comme au Japon avec l'équipementier automobile Autobacs. Le drone soccer possède un argument pour séduire les marques, son côté inclusif. Une équipe peut réunir femmes, hommes, vieux, jeunes, valides ou invalides.

Le premier Mondial de la discipline l'an prochain

« Tant que vous avez deux mains en état de marche, vous pouvez jouer. Aux Championnats du monde 2023 en Chine, des joueurs de 8 ou 10 ans ont cartonné », se souvient Sean, le striker américain. Frédéric, lui, raconte avoir joué en France avec un enfant autiste ou vu en Corée une équipe composée de membres de la même famille.

Toujours en quête de visibilité, la FIDA organisera l'an prochain son premier Mondial à Jeonju, en Corée du Sud, dans un vrai stade. Les vainqueurs du prize money, un million de dollars, seront sans doute coréens tant le pays domine la discipline.

publié le 3 février 2024 à 13h00 mis à jour le 3 février 2024 à 13h00
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