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Impôts des multinationales : l'accord historique de l'OCDE qui change tout

Près de 140 pays réunis sous l'égide de l'OCDE sont parvenus vendredi soir à s'accorder sur une vaste réforme de la fiscalité des activités numériques des multinationales et à instaurer un impôt minimum de 15 % sur les bénéfices. Les derniers opposants - Irlande, Estonie, Hongrie - ont levé leurs objections à la dernière minute grâce à des aménagements techniques.

Avec l'accord conclu à l'OCDE, les flux de capitaux dirigés vers les paradis fiscaux, tels que les Bermudes, à des fins d'optimisation fiscale devraient se tarir.
Avec l'accord conclu à l'OCDE, les flux de capitaux dirigés vers les paradis fiscaux, tels que les Bermudes, à des fins d'optimisation fiscale devraient se tarir. (Just dance/Shutterstock)

Par Richard Hiault

Publié le 8 oct. 2021 à 18:27Mis à jour le 9 oct. 2021 à 19:06

L'accord « ouvre la voie à une véritable révolution fiscale ». C'est en ces termes que le ministre des finances français, Bruno Le Maire, a commenté l'avancée historique enregistrée, vendredi soir, au siège de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). « D'abord parce que nous ne reviendrons pas en arrière, […] parce que c'est plus de justice en matière de fiscalité : enfin, les géants du numérique vont payer leur juste part d'impôt, dans les pays dont la France dans lesquels ils font des profits ; enfin nous pourrons lutter avec plus d'efficacité contre l'optimisation fiscale. », a-t-il ajouté.

« Nous avons transformé des négociations menées sans relâche en décennies de prospérité accrue - pour l'Amérique et pour le monde », s'est félicitée, la secrétaire au Trésor américain, Janet Yellen.

Au total, 136 pays sur les 140 qui ont négocié d'arrache-pied ont achevé une réforme commencée il y a quatre ans. Les contours du nouveau cadre fiscal sur les activités numériques de grandes multinationales sont fixés. Et un véritable taux d'imposition minimum sur les entreprises a été créé. Jeudi, les derniers récalcitrants - l'Irlande et l'Estonie - avaient obtenu satisfaction sur leurs exigences. Ils ont été rejoints, vendredi, par la Hongrie puis la Pologne. Seuls le Sri Lanka, le Pakistan, le Nigeria et le Kenya manquent à l'appel, « ce qui les privera, au passage, de recettes fiscales comprises entre 200 et 300 millions de dollars », déplore un négociateur.

Réallocation des droits à taxer

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Cette réforme repose sur deux piliers. Le premier consiste à répartir différemment les droits à taxer les surprofits - au-delà d'une rentabilité de 10 % jugée comme normale - des multinationales ayant un chiffre d'affaires supérieur à 20 milliards d'euros. Si les pays développés défendaient un seuil de 20 % des surprofits à redistribuer aux pays dans lesquels ces multinationales ont une activité - qu'elles y soient présentes physiquement ou non - les pays émergents et en développement souhaitaient une plus grande part du gâteau avec 30 %. La poire a été coupée en deux et c'est finalement 25 % des surprofits qui seront réalloués. Les entreprises concernées doivent réaliser au moins un million d'euros de chiffre d'affaires dans un Etat pour que ce dernier puisse bénéficier de la mesure, ou 250.000 euros si le PIB de l'Etat est inférieur à 40 milliards d'euros.

Au final, ce premier pilier devrait viser les « 100 entreprises les plus profitables au monde, qui réalisent à elles seules la moitié du profit mondial », explique Pascal Saint-Amans, le directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE, chef d'orchestre de cette vaste réforme.

Un taux minimum de 15 %

Second pilier, un taux d'imposition minimum effectif des bénéfices des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros est instauré. Il a été fixé à 15 %. C'est ce niveau qui a permis de rallier l'Irlande qui accepte donc de relever sa fiscalité auparavant établie à 12,5 % Mais, plus que le taux, c'est l'assiette fiscale qui a nécessité le plus de discussion. Un savant détourage de cette règle a été fait. Il est prévu que les entreprises pourront, dans un pays où elles disposent d'une filiale, défalquer de leur base imposable 10 % de la masse salariale et 8 % du montant des actifs corporels. Cette disposition durerait 5 ans avant d'arriver, au terme des 5 années qui suivront, à 5 % pour les deux.

Cette facilité a pour but de ne pas déstabiliser les pays dont le modèle économique consistait jusqu'à aujourd'hui à attirer des investissements réels et non liés à une optimisation fiscale quelconque sur leur territoire pour développer leur économie. Le ministre des Finances hongrois, Mihaly Varga, s'est d'ailleurs félicité auprès de Reuters de ces aménagements : « Nous avons réussi une percée sur l'impôt minimum afin que la Hongrie puisse rejoindre l'accord », ajoutant que le taux d'imposition des sociétés de 9 % en Hongrie ne changera pas, car il y aura une solution ciblée pour percevoir la taxe globale.

Les entreprises chinoises ménagées

La Chine qui s'est longtemps refusée à appliquer ce second pilier afin de ne pas entraver le développement à l'international de ses propres entreprises s'est finalement ralliée. Grâce à une concession : les entreprises chinoises détenant moins de 50 millions d'euros d'actifs à l'étranger et présentes dans cinq pays au plus seront protégées de ce taux minimum effectif pendant 5 ans. Mais les grands groupes, à l'instar de Huawei n'échapperont pas à cette nouvelle règle.

Manque aussi à l'appel l'Inde qui n'a pas souhaité signer l'accord conclu, tout en indiquant vouloir rester dans le processus de négociation. New Delhi s'agace de ne pas avoir obtenu plus sur les droits à taxer.

Tout est donc en place pour l'élaboration au début de l'année prochaine d'une convention multilatérale sur le premier pilier de la réforme. Elle devra être ratifiée par l'ensemble des Parlements des pays concernés. Il ouvre en tout cas la voie à la suppression des taxes Gafa nationales mises en place par de nombreux pays, à l'instar de la France. Cette suppression passera par un accord bilatéral entre ces pays et les Etats-Unis notamment. Pour le cas français, Bruno Le Maire a toujours indiqué que cette taxe disparaîtra seulement lorsque la convention multilatérale sera opérationnelle . C'est-à-dire pas avant 2023. Le second pilier ne requiert pas une telle convention et reste du ressort de chaque Etat de l'introduire dans sa propre législation.

Richard Hiault

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