Vidéoprotection : après les caméras des villes, les caméras des champs

Le déploiement de la fibre optique à l'échelle nationale et une nouvelle législation permettent désormais aux petites communes de bénéficier de la vidéoprotection. Outre lutter contre les incivilités et la délinquance, cette technologie permet d'offrir de nouveaux services dans de nombreux domaines, tels la prévention des risques (inondations ou feux de forêt) ou l'agriculture durable. Par Jacques Marceau, président d’Aromates, co-fondateur des Assises du Très haut débit, et Xavier Vignon, président de Sogetrel-Eryma, et vice-président d’Infranum.
Une caméra de vidéosurveillance à Paris.
Une caméra de vidéosurveillance à Paris. (Crédits : Reuters)

Souvent bannie et parfois diabolisée, la vidéoprotection s'est pourtant et dorénavant imposée comme l'un des meilleurs moyens d'augmenter la sécurité de l'espace public. A tel point qu'il y a encore dix ans, un maire qui équipait sa commune de caméras prenait un vrai risque politique. Aujourd'hui, ce même maire prendrait un risque au moins aussi grand de ne pas le faire ! Un changement radical de paradigme qui s'explique aussi par le fait que les infrastructures de vidéoprotection ouvrent la voie à une multitude de nouvelles applications et services qui participent, bien au-delà de la sécurité, de la construction de territoires intelligents.

Les zones rurales livrées à de nouvelles menaces

De moins de 2.000 en 2014, on dénombrait en 2020 plus de 6.000 communes équipées de caméras reliées à un Centre de surveillance urbain (CSU). Principalement des villes grandes ou moyennes, car la vidéoprotection a un coût qui reste prohibitif pour les petites agglomérations et a fortiori pour les zones rurales. Un coût qui est d'abord celui de l'investissement nécessaire au déploiement des infrastructures dont le montant peut atteindre plusieurs millions d'euros, puis un coût de fonctionnement, lui aussi élevé car derrière une caméra, il y a un écran et derrière l'écran, il faut jusqu'à six agents pour assurer une permanence 24h sur 24 et 7 jours sur 7.

Et pourtant, les petites communes ont elles aussi à faire avec une délinquance et des incivilités impossibles à prévenir et à réprimer faute de police municipale, ou de l'impossibilité pour cette dernière, quand elle existe, de surveiller un large territoire avec de faibles moyens. L'actualité de ces derniers mois a d'ailleurs malheureusement souligné ce manque de moyens, qu'il s'agisse de la recrudescence des vols de matériel agricole ou de chantier, de dégradations sur des équipements publics, ou encore de dépôts sauvages.

La fibre et une nouvelle législation changent la donne

Le déploiement de la fibre optique partout en France est en train de changer la donne. Elle va permettre à des milliers de communes, y compris et surtout les plus petites, d'accéder à la vidéoprotection, surtout depuis que la loi (1) autorise désormais tant la mutualisation des infrastructures au niveau d'un territoire, que l'exploitation d'un CSU par un Établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent regroupé avec d'autres dans un syndicat mixte au niveau du département.

Ainsi, avec une seule caméra et l'abonnement à un service dédié auprès d'un CSU intercommunal, cette petite commune du Calvados pourra faire respecter l'interdiction de circulation des poids lourds dans son centre, et s'épargner de coûteux aménagements de voirie destinés à proscrire le trafic indésirable.

Le CSU, pilier du territoire intelligent

Dans une récente étude (2), un groupe d'experts qualifie le territoire intelligent de « territoire dans lequel, à travers différents outils numériques, des services publics et des politiques publiques sont pilotés par la donnée ». Parmi ces outils numériques, la caméra se révèle être, et de loin, le plus performant pour l'acquisition des données nécessaires à ce pilotage quand elle est associée à une intelligence artificielle.

C'est ainsi, que les infrastructures de vidéoprotection sont dorénavant en mesure de faire bien plus que de prévenir les incivilités et la délinquance pour offrir aux espaces ruraux les nombreux services qui en feront des territoires intelligents. Elles sont en effet aujourd'hui en capacité de générer la création d'innombrables nouveaux services au profit des citoyens comme de leurs collectivités dans les domaines de la mobilité, de la prévention des risques, inondations ou feux de forêt, ou encore de l'agriculture durable, comme par exemple, l'optimisation de l'arrosage des cultures ou de leur traitement phytosanitaire.

Lever un dernier verrou politique ?

Alors que tous les feux sont au vert pour déployer à grande échelle la vidéoprotection en zone rurale et que les verrous tant technologiques que législatifs sont maintenant levés, il semblerait que subsiste, encore et toujours, un verrou politique et peut-être même psychologique...  En effet, si la crainte de passer pour un élu liberticide adepte du flicage des citoyens de sa commune semble s'estomper, une autre se fait jour. Très différente mais produisant les mêmes effets. Cette crainte, c'est celle d'une perte supplémentaire d'autonomie et de libre administration dans un contexte de grignotage de ces dernières par les nouveaux échelons qui se sont superposés aux municipalités au fil de ces dernières années et ont engendré la défiance de nombreux maires.

Un verrou qui devrait néanmoins être facilement levé au regard des bénéfices potentiels de cette nouvelle forme de mutualisation de moyens mais encore grâce à la vigilance du législateur qui a prévu que l'autorité du maire s'exercerait sur les agents chargés du visionnage des images prises sur le territoire de sa commune. Ainsi, il est raisonnable de penser que, même au pays de Clochemerle, la mutualisation des infrastructures de vidéoprotection devienne rapidement la règle et s'impose au profit des territoires ruraux.

1. Amendement du 13 novembre 2020 modifiant la section 4 du chapitre II du titre III du livre Ier du code de la sécurité intérieure et Article L512-1 du titre 1Er du Livre 5 du Code de la Sécurité intérieure.

2. Une étude de la Direction générale des entreprises (DGE) sur les territoires connectés.

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Commentaires 2
à écrit le 20/01/2022 à 10:41
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Ah oui tiens ça serait bien ça de surveiller ce que pulvérisent les agriculteurs ! Et l'eau qu'ils pompent en trop grosse quantité car ayant tué leurs terres.

à écrit le 19/01/2022 à 17:03
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Mettre des PV grâce à la Vidéoprotection, ça permet d'en réduire les frais (vu que ça coûte cher et aide(rait) à résoudre 1% des problèmes de délinquance, mieux que 0% soit-dit, au pire ça fait repoussoir vers les communes pas équipées, pour ça qu'il...

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