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La pénurie d’eau met à mal les accords de partage entre le Kazakhstan et le Kirghizstan

La pénurie d’eau en Asie centrale perturbe les accords passés entre le Kazakhstan et le Kirghizstan. La sécheresse fragilise la sécurité alimentaire et la croissance économique de la région, appelant une meilleure gestion des ressources communes et la mise en place de mesures d’adaptation.

Tchou rivière Kirghizstan
La rivière Tchou au Kirghizstan. Photo : Makhmud / Wikimedia Commons.

La pénurie d’eau en Asie centrale perturbe les accords passés entre le Kazakhstan et le Kirghizstan. La sécheresse fragilise la sécurité alimentaire et la croissance économique de la région, appelant une meilleure gestion des ressources communes et la mise en place de mesures d’adaptation.

La région de Djamboul manque d’eau. Et pour cause : depuis le 5 août dernier, celle-ci n’en reçoit plus de son voisin kirghiz, rapporte le média kirghiz 24.kg. Une situation préoccupante pour la province, dont 80 % de l’approvisionnement dépend du Kirghizstan, rappelle 24.kg.

Depuis les monts Tian-Shan, les grandes rivières Tchou et Talas coulent jusqu’au désert du Mouïounkoum. Des estuaires, mais aussi des canaux et des réservoirs artificiels permettent d’irriguer les terres de part et d’autre de la frontière.

La province de Djamboul, dans le Sud du Kazakhstan, dépend essentiellement du niveau d’eau des rivières situées en amont. Sur plus de 750 000 hectares de terres cultivées, près d’un quart dépendent directement de l’irrigation, explique l’agence de presse kazakhe Kazinform.

Une interdépendance géographique et politique

Les deux républiques sont liées par des accords de partage des ressources, en partie hérités de la politique de mutualisation des ressources en place à l’ère soviétique. Depuis, la gestion de l’eau des rivières Tchou et Talas repose chacune sur une réglementation et un protocole établis conjointement entre 1983 et 1985. Ceux-ci régissent les quantités d’eau allouées à chacun des deux pays.

Selon ces termes, le Kazakhstan obtient 42 % des flux de la rivière Tchou – presque 2,8 millions de mètres cubes – tandis que l’eau de la rivière Talas contenue dans le réservoir de Kirov – 1,5 milliards de mètres cubes selon les accords – doit être répartie équitablement.

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Seulement, la sécheresse que connaît la région ne permet plus de respecter les calendriers d’approvisionnement habituels. Les volumes d’eau sont insuffisants aussi bien en amont – au Kirghizstan – qu’en aval – au Kazakhstan. Et les débits des réservoirs sont particulièrement faibles.

24.kg rapporte ainsi qu’un débit de 0,8 mètre cube par seconde a été relevé dans le réservoir, soit 15,1 mètres cubes de moins qu’à la même époque en 2022. Au 23 août 2023, le réservoir de Kirov contient ainsi 15,7 millions de mètres cubes d’eau, contre 91,9 l’an passé.

Sauver les récoltes en vidant le réservoir de Kirov

Les 17 et 19 juillet derniers à Bichkek, les représentants du Kazakhstan avaient évoqué avec leurs homologues kirghiz la nécessité d’augmenter leur approvisionnement en eau, rapporte 24.kg. Les deux pays s’étaient accordés pour porter le débit du réservoir de Kirov à 45 mètres cubes par seconde jusqu’à épuisement de la ressource, prévu début août.

« La mesure a permis de sauver près de 26 000 hectares de récolte dans les districts de Baïzak, Djamboul et Talas », affirme le ministère de l’Ecologie, de la Géologie et des Ressources naturelles du Kazakhstan, selon Kazinform.

Depuis, l’approvisionnement de la province de Djamboul a cessé, faute d’eau dans les réservoirs kirghiz.

Une menace directe pour l’agriculture

« Le manque d’eau devient chaque année plus concret », souligne le vice-ministre de l’Ecologie, de la Géologie et des Ressources naturelles, Galidoulla Azidoulline. Une situation qui devrait s’aggraver sous l’effet du changement climatique.

Le Kazakhstan se trouve en première ligne face à la hausse des températures globales. Kazinform rapporte ainsi que la province de Djamboul a été la proie des flammes début août. D’après la Banque mondiale, de tels incendies devraient se reproduire bien plus souvent dans la région, accélérant le phénomène de désertification et la dégradation des sols.

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En outre, la fonte des glaciers met en péril la disponibilité des ressources d’eau douce dont l’afflux massif n’assure plus un débit régulier aux agriculteurs et provoque coulées de boues et inondations.

Des pertes de rendements

Les conséquences pour l’agriculture sont déjà présentes. Près de 4 000 hectares de cultures d’oignons et de betteraves à sucre ont souffert de la sécheresse dans la province de Djamboul, rapporte Radio Free Europe. Une perte de rendements de 25 à 30 % liée aux températures et à la sécheresse est attendue, et le montant des dégâts est estimé à 3,5 milliards de tengués (7 millions d’euros), rapporte 24.kg.

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D’ici 2040, ce sont jusqu’à 15 milliards de mètres cubes d’eau qui pourraient manquer au Kazakhstan, sous l’effet couplé de la croissance économique et démographique, selon les propos du président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev rapportés par 24.kg.

L’eau, clef de voûte des projets de restauration et d’adaptation

L’eau issue des bassins des rivières Tchou et Talas est essentielle pour près de 3 millions de personnes dans les deux républiques. Sources majeures pour l’agriculture irriguée, la réduction de leurs débits est une menace directe pour la sécurité alimentaire dans la région.

En 2021, les transferts d’eau du Kirghizstan avaient permis de sauver des fermes et du bétail dans le Sud du Kazakhstan. Cependant, cette décision avait provoqué le mécontentement des agriculteurs kirghiz, eux-mêmes en manque d’eau, rapporte Azattyq, la branche kazakhe du média américain Radio Free Europe.

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Des travaux de restauration des systèmes d’irrigation et la reconstruction de certains réservoirs sont prévus, sous l’égide de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), rapporte Kazinform.

Face au changement climatique, des mesures d’adaptation sont nécessaires afin de réduire le besoin en eau. C’est déjà le cas dans le Nord du Kazakhstan, où l’agriculture de conservation facilite l’infiltration et maintient l’humidité dans les sols.

Pauline Ferraz
Rédactrice pour Novastan

Relu par Charlotte Bonin

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