5 décembre 2018
Le phare de la Jument vu de l'île d'Ouesssant
Afin de mieux connaître les pressions de la houle subies par les phares, une étude sur le phare de la Jument en Bretagne a été pilotée par le Cerema afin de vérifier sa résistance. Des recherches multidisciplinaires portent désormais sur le confortement du phare, ainsi que sur la modélisation de la houle, et sur l'évaluation de la dynamique de la structure.

Le Service des Phares s’est attaché à éclairer les cotes de France par la construction de phares en mer à partir du milieu de la première moitié du 19e siècle

Leur dimensionnement ne s’est pas appuyé sur une évaluation des efforts générés par la houle car ce phénomène était trop peu connu pour obtenir une valeur précise. C’est donc de manière complètement empirique que ces structures furent construites, avec une seule idée guidant les ingénieurs : "faire lourd" pour résister aux vagues.

Cette incertitude sur les pressions réelles subies par les phares en mer est encore importante aujourd’hui et ne permet pas de s’assurer de leur résistance après plus d’un siècle d’assauts répétés.

 

Des études sur la houle, le confortement, et une instrumentation du phare

Phare de la Jument
Phare de la Jument - Crédit: Nicolas Fady - Cerema

C’est dans ce cadre que l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne en Suisse (EPFL) a menée en 2013 une étude de modélisation du phare de la Jument. En effet des doutes sur sa stabilité dès la fin de sa construction (1911) ont nécessité plusieurs séries de renforcements ayant maintenant presque un siècle.

Un questionnement naturel sur la pérennité de ces consolidations a poussé le gestionnaire de l’ouvrage, la subdivision des Phares & Balises de Brest, à faire réaliser une étude pour vérifier la résistance du phare. Le Cerema [1] en a assuré le pilotage auprès de l’EPFL.

Afin d’approfondir les résultats plutôt encourageants obtenus, le Cerema s’est ensuite engagé sur trois axes :

  • Un projet de confortement confié au Cerema (Infrastructures des transports et matériaux) avec une nouvelle modélisation du phare et une justification de celui-ci en s’appuyant sur les normes françaises et des carottages caractérisant les matériaux mis en œuvre.
  • Un modèle physique dans un bassin de houle du Laboratoire d’Hydraulique Saint-Venant (Chatou) afin d’estimer numériquement les efforts générés par la houle déferlante.
  • Une instrumentation sur le phare pour collecter certaines données environnementales (caractérisation de la houle et pression sur la maçonnerie) et évaluer la réponse dynamique de la structure (oscillation de la tour) sous sollicitations extrêmes.

C’est ce dernier axe qui est détaillé ci-dessous.

 

Une instrumentation pour les 3 volets du projet

L’instrumentation se déploie sur 3 volets :

  • La caractérisation de la houle: France Energies Marines dans le cadre du projet DIME a installé des stéréo-caméras et un radar bande-X en haut du phare et juste en amont du phare une bouée houlographe (DATAWELL) et un courantomètre profileur (AWAC). Il sera alors possible de définir les paramètres d’état de mer et particulièrement celui du déferlement en améliorant la quantification de ses statistiques (probabilité d’occurrence, hauteur…)
  • appareil utilisé pour l'instrumentation du phareL’évaluation des efforts générés par les vagues extrêmes et en particulier les déferlantes. La répartition exacte de pression sur l’ensemble de la structure nécessiterait plusieurs dizaines de capteurs engendrant un investissement financier impossible dans notre cas. Le Cerema EMF a malgré tout choisi d’installer, répartis sur la hauteur attendue du déferlement, 5 capteurs piézométriques dans l’axe statistique de la houle la plus forte.
  • Le comportement dynamique du phare. L'étude détaillée des documents d'archives et le modèle numérique 3D développé par l'EPFL-MCS avec le logiciel DIANA ont permis de retrouver les fréquences propres indiquées dans les documents d'archives (validées également par deux essais in-situ à l'aide de sismographes par temps calme) et les principaux schémas de fissuration. Sur cette base, les accélérations subies par le phare ont pu être estimées. L'absence de mesures sous actions extrêmes (houle déferlante) ne permet cependant pas d'estimer précisément les efforts et les déplacements de la tour dans ces situations déterminantes. L'installation de capteurs d'accélérations sur le phare permettra d'améliorer le modèle et de mieux juger des réserves de capacité portante de l'ouvrage.

 

Une première mondiale

Cette étude sur la stabilité réelle du phare est une première mondiale car elle nécessite de monopoliser des compétences diverses et relativement rares liée à la singularité de l’ouvrage (conception empirique, consolidations successives…) et à son caractère maritime (soumis à la houle déferlante).

De plus le classement récent au titre des Monuments Historiques nécessite des précautions supplémentaires pour toute intervention (pose de l’instrumentation, carottage...)

 


[1] Cerema Eau, mer et fleuves.