« J’ai juste oublié de vivre », confie-t-elle, à demi-mot. Lorsqu’elle se repasse le film des derniers mois, Fatima Montagu a le sentiment de s’être comportée « comme un robot programmé pour fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre, jongler entre la vie professionnelle et la vie personnelle, avec la peur permanente de rater un rendez-vous en visio », raconte cette chargée d’affaires dans une grande entreprise, mère de trois enfants.
Audrey Guillet, elle, a vécu l’annonce du deuxième confinement comme « un choc émotionnel ». « A l’idée de revivre le télétravail avec deux enfants en bas âge, de tout mener de front alors que je venais de créer mon entreprise, j’ai craqué. »
Pour Julie Mourier, c’est l’attente qui est devenue insupportable. L’hôtel-restaurant de la Côte d’Azur où elle travaillait, à l’accueil, l’a mise au chômage partiel en avril 2020 et ne l’a pas encore rappelée. « Ils veulent être sûrs que l’activité reprend vraiment. » Pendant ce temps, elle angoisse dans le studio qu’elle partage avec sa sœur : « Et si une nouvelle vague arrivait à l’automne ? Et s’il valait mieux changer de métier tout de suite ? »
Plus d’un an après le début de la pandémie de Covid-19, de nombreuses femmes comme elles, en France et ailleurs, confient leur épuisement. Les difficultés auxquelles elles font toujours face, surtout lorsqu’elles ont des enfants. Les inquiétudes qui les minent. Parce qu’elles sont surreprésentées dans les emplois précaires et les secteurs en difficulté, comme le tourisme, parce que le télétravail a bouleversé les équilibres entre vie familiale et professionnelle, elles sont plus affectées par la crise que les hommes à de nombreux égards.
Un tableau très contrasté selon les Etats
Depuis quelques mois, les grandes organisations internationales sonnent régulièrement l’alarme sur le sujet. « Dans le monde du travail, les femmes qui ont de jeunes enfants ont été les premières victimes des confinements », souligne le Fonds monétaire international (FMI), dans une étude parue fin avril. « Le Covid-19 est une crise avec un visage féminin, déclarait Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, le 15 mars. Ses répercussions ont montré à quel point l’inégalité entre les sexes reste profondément ancrée dans les systèmes politiques, sociaux et économiques. »
« Cette crise diffère beaucoup des récessions précédentes parce qu’elle touche surtout les services, où les femmes sont plus nombreuses », résume Matthias Doepke, économiste à l’université Northwestern
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