EMPLOIAu revoir la « garantie jeunes », bonjour le « revenu d'engagement »

« Revenu d'engagement »: Pourquoi Emmanuel Macron veut étendre la « garantie jeunes » pour aider les moins de 26 ans

EMPLOIEmmanuel Macron a annoncé lundi soir la création d'un « revenu d'engagement » qui reprend les contours de la « garantie jeunes »
La ministre du Travail Elisabeth Borne visite une mission locale en 2020.
La ministre du Travail Elisabeth Borne visite une mission locale en 2020.  -  Tristan Reynaud/DICOM/SIPA / SIPA
Nicolas Raffin

Nicolas Raffin

L'essentiel

  • La « garantie jeunes » pourrait être étendue à un million de bénéficiaires, contre 200.000 actuellement. Emmanuel Macron a renommé le dispositif « revenu d'engagement » ce lundi soir.
  • L’exécutif préfère ce dispositif d’accompagnement vers l’emploi à un « RSA jeunes », qui serait versé sans contreparties.
  • Les moyens alloués à ce dispositif et sa capacité à attirer le public visé conditionneront son succès.

Pour une fois, Emmanuel Macron ne renie pas l’héritage de François Hollande. Le chef de l’État a annoncé lundi soir la création d’un « revenu d’engagement », qui concernera « les jeunes sans emploi ou formation ». Il s’agit en réalité du nouveau nom de l’actuelle « garanties jeunes », qui sera largement étendue. Ce dispositif, qui vise à ramener vers l’emploi les jeunes décrocheurs, avait été créé en 2013, sous François Hollande.

L’annonce présidentielle n’est pas une surprise, puisque l’exécutif travaillait depuis des mois sur l’idée d’une « garantie jeune universelle ». Selon Challenges, un million de bénéficiaires pourraient en profiter à terme, contre 200.000 initialement budgétés en 2021.

Ce chiffre d’un million ne sort pas de nulle part. D'après les données de l’Insee, environ un million de jeunes âgés de 15 à 25 ans sont des NEET, c’est-à-dire « ni en emploi, ni en études, ni en formation ». Or, la « garantie jeunes » - rebaptisée « revenu d'engagement » - s’adresse précisément à cette population. En échange de démarches positives d’insertion (suivi d’ateliers, entretiens individuels, stages et immersion en entreprise), les bénéficiaires touchent une indemnité pouvant aller jusqu’à 497 euros par mois, pendant 18 mois maximum.

Une « garantie jeunes » efficace ?

Si l’exécutif place autant d’espoir dans le dispositif, c’est parce qu’il le juge efficace. Selon un bilan effectué en 2019 par la Dares, « 29 % des bénéficiaires sont en emploi [dont alternance, intérim, stage] huit mois après l’entrée en dispositif, 41 % au bout de 19 mois ». La quasi-totalité des jeunes suivis (90 %) se déclarent par ailleurs « satisfaits » de leur emploi. De plus, à situation comparable (âge, niveau de formation, revenus), la Dares estime qu’un bénéficiaire de la « garantie jeunes » a plus de chances de décrocher un emploi durable qu’une personne sans accompagnement spécifique.

Mais si la « garantie jeunes » est autant mise en avant, c’est aussi parce qu’elle correspond à la philosophie assumée du chef de l’État sur l’emploi : accorder trop d’argent – sans contreparties - aux jeunes précaires ne les inciterait pas à trouver du travail. Lundi soir, le président de la République a expliqué que ce « revenu d’engagement » serait « fondé sur une logique de devoirs et droits ».

En rembobinant un peu plus loin, il suffit de réécouter l’interview d’Emmanuel Macron à Brut, en décembre 2020, pour s’en convaincre définitivement : « On a lutté contre la pauvreté avec les minima sociaux et c’est un acquis (…), mais la difficulté qu’on a (…), c’est que si l’écart [de revenus] entre l’activité et la non-activité n’est pas suffisant, vous créez des systèmes de désincitation au retour dans l’emploi ».

Moins cher que le « RSA jeunes »

Cela explique pourquoi le président de la République déclarait dans le même entretien qu’il n’était pas « un grand fan » du « RSA jeunes » , qu’une partie de la gauche souhaiterait pourtant voir mis en place pour les 18-25 ans. Le versement du RSA n’est en effet pas soumis à des contreparties, quand la garantie jeunes « suppose une démarche d’insertion », rappelait Emmanuel Macron. Une position critiquée par le député (ex-LREM) Aurélien Taché : « Les jeunes veulent, autant que tout le monde, travailler ! Toucher le RSA n’est une perspective pour personne », s’agaçait-il l’année dernière dans Le Monde.

Enfin, un autre argument a aussi pu jouer : le coût. Selon Challenges, l’Elysée a budgété deux milliards d’euros pour étendre la « garantie jeunes ». Un « RSA jeune » coûterait quant à lui, cinq milliards d’euros chaque année.

Plus de moyens

L’exécutif ayant décidé de faire ce « revenu d'engagement », il faudra néanmoins éviter deux écueils majeurs. Le premier, c’est la capacité d’accompagnement. Pour l’instant, les missions locales, piliers du dispositif, sont dimensionnées pour accueillir 200.000 jeunes par an. Une campagne de recrutement de 2.000 conseillers a d’ailleurs été lancée en mai afin de faire face à l’afflux de bénéficiaires. Passer à un million de jeunes suivis, soit cinq fois plus, supposera donc un effort encore plus massif. « Aujourd’hui, il y a en moyenne un conseiller pour 50 jeunes, indique Stéphane Valli, président de l’Union nationale des Missions Locales (UNML). Si l’on veut garder la qualité d’accompagnement, il faut rester autour de ce ratio ».

Le deuxième écueil, c’est la capacité à attirer tous les bénéficiaires potentiels. Dans un rapport publié fin 2020, le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ) soulignait la nécessité de lutter contre le « non-recours » au dispositif. « On a des jeunes « invisibles » qui ne sont pas connus du service public de l’emploi ou de l’insertion, reconnaît Stéphane Valli. Il faut développer les moyens pour aller à leur rencontre : aller dans les quartiers, accroître les partenariats avec les associations de jeunesse… Le but est de travailler avec tous les acteurs du social pour identifier ces jeunes qui ne se rendent pas d’eux-mêmes dans les missions locales ».

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