Le rituel est désormais bien ancré. Chaque soir, quelques minutes avant le journal télévisé de 20 heures, Jérôme Salomon égrène les dernières statistiques du Covid-19 : nombre de cas confirmés par un test, nombre de personnes hospitalisées, nombre de cas graves en réanimation, nombre de patients sortis guéris de l’hôpital et nombre de morts. Une forme de baromètre de l’épidémie. Mais un baromètre incomplet.
Jeudi 19 mars, le directeur général de la santé (DGS) déplorait « 372 décès ». Vendredi 20 mars, il annonçait « 450 décès en milieu hospitalier ». Cette dernière précision est, depuis, devenue systématique. Mardi 24 mars, interrogé par la presse, Jérôme Salomon a explicité le sens de cette précision : « Il y a plusieurs sources pour la mortalité : la mortalité à l’hôpital, la mortalité dans les Ehpad [établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes] et la mortalité en ville. On sait que les décès survenus à l’hôpital représentent probablement une faible part de la mortalité. »
Les « 1 995 décès en milieu hospitalier » depuis le début de l’épidémie évoqués vendredi 27 mars ne sont donc que la partie émergée de l’iceberg. « Le bilan est bien supérieur, c’est évident, confirme David Heard, directeur de la communication de l’Agence régionale de santé (ARS) Ile-de-France. Le comptage en temps réel dans les épidémies est une question complexe, il est extrêmement difficile de savoir de manière sûre combien de gens sont malades et combien de gens décèdent. » Accusé à demi-mot de sous-estimer l’ampleur de la crise, Jérôme Salomon a été contraint de se défendre : « Tous les décès sont déclarés, ils font l’objet d’une surveillance et seront rendus publics. »
Pas de tests post-mortem
Pour les morts à l’hôpital, la donnée est simple à obtenir et relativement fiable, grâce au SI-VIC, le système d’information pour le suivi des victimes d’attentats et de situations sanitaires exceptionnelles, mis en place après les attentats de 2015. Dans chaque hôpital, les médecins renseignent tous les jours cette base de données sécurisée, transmise à Santé publique France (SpF), avec le nombre d’hospitalisations, de cas de réanimation et de décès liés au Covid-19 survenus dans l’établissement.
Les Ehpad, eux, constituent jusqu’à ce jour une zone grise des statistiques. Les personnes âgées étant particulièrement vulnérables face au Covid-19, il était à craindre que l’épidémie ne fasse des ravages dans les quelque 7 400 établissements du pays – plus de 10 000 si l’on compte les autres structures d’hébergement pour personnes âgées. Les craintes ont été confirmées ces derniers jours par les informations qu’ont fournies plusieurs directeurs d’établissements.
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