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En Espagne, le revenu minimal vital en panne



Madrid | Près de trois mois après sa création en urgence en Espagne pour faire face à l’explosion de la pauvreté entraînée par la pandémie, le revenu minimal vital est au point mort et l’administration débordée par l’avalanche de demandes.

Cette aide était une promesse du gouvernement de gauche, composé des socialistes de Pedro Sanchez et de la gauche radicale de Podemos.

Mais la pandémie de COVID-19, qui a durement endeuillé l’Espagne et dévasté son économie, a précipité son approbation fin mai, avant même la fin du déconfinement, pour en faire un filet de sécurité pour les plus précaires, alors que les files s’allongeaient devant les banques alimentaires.

La mesure devrait coûter trois milliards d’euros par an, selon le gouvernement.

Officiellement, sur les 750 000 premières demandes reçues, 143 000 (19%) ont été analysées et 80 000 ont été approuvées depuis le 15 juin, date de début du dépôt des dossiers, selon un communiqué du ministère de la Sécurité sociale diffusé le 20 août.

Mais le principal syndicat de fonctionnaires, le CSIF, fait une lecture bien plus pessimiste de la situation: «Près de 99% des demandes n’ont pas été traitées», affirme à l’AFP son porte-parole José Manuel Molina.

Selon lui, les fonctionnaires de la Sécurité sociale n’ont réellement réussi à analyser que 6000 dossiers, tandis que 74 000 foyers qui touchaient déjà des allocations familiales ont été déclarés bénéficiaires d’office.

Ces familles ont déjà reçu deux versements de l’aide, plafonnée à un maximum de 1015 euros mensuels par foyer, selon le ministère de la Sécurité sociale.

Mais pour des centaines de milliers d’autres, l’attente est angoissante.

«Nous avons envoyé la demande le 26 juin, et depuis je n’ai aucun retour [...]. Cela fait déjà deux mois d’attente, alors qu’en théorie, c’était une mesure prise pour que personne ne se retrouve à la rue», témoigne Marta Sanchez, 42 ans.

Mère de deux jeunes enfants, cette habitante de Séville (sud) doit pour la première fois recourir à la Croix-Rouge pour les nourrir, après avoir perdu son emploi de téléopératrice pendant le confinement, tandis que son mari, chauffeur de VTC, était lui aussi licencié.

«Dieu merci, ma mère et ma sœur paient nos factures d’eau et d’électricité», tandis que leur propriétaire, un membre de la famille, ferme les yeux sur les loyers impayés, explique Mme Sanchez, consciente que toutes les familles n’ont pas sa chance.

Précipité

«Le rythme est peut-être un peu plus lent que prévu, mais nous travaillons à automatiser beaucoup de procédures, et le traitement devrait être beaucoup plus rapide à partir de maintenant», assure une porte-parole du ministère de la Sécurité sociale.

«Le démarrage d’une prestation est toujours difficile [...] et cette situation n’est pas une exception», assure-t-elle.

Pour M. Molina, le représentant des fonctionnaires, il s’agit au contraire d’un phénomène «nouveau», aggravé par des années de coupes budgétaires dans l’administration, qui a perdu 25% de ses effectifs en 10 ans, selon lui.

«Le problème est qu’ils ont tout précipité, pratiquement sans formation et avec un énorme manque d’effectifs», alors que la branche de la Sécurité sociale responsable du revenu minimal vital ne compte que 1500 fonctionnaires, qui s’occupent également des départs en retraite, explique le syndicaliste.

Ces fonctionnaires sont aux prises avec une «avalanche de demandes», dont le volume correspond déjà «à l’ensemble des dossiers de départ en retraite reçus au cours d’une année entière», assure-t-il.

Environ 500 intérimaires ont été recrutés en renfort via la société semi-publique Tragsatec, mais leur aide est limitée, car n’ayant pas le statut de fonctionnaire, ils ne peuvent valider officiellement les dossiers, regrette M. Molina.

Et le nombre de demandes devrait encore s’accroître, car le gouvernement évalue à 850 000 le nombre de foyers admissibles pour cette nouvelle prestation, soit 2,3 millions de personnes, dont 30% de mineurs.

Présenté par le gouvernement comme très simple à remplir via une application internet, le dossier pose en fait problème à de nombreux demandeurs sans ressources et qui sont touchés par la «fracture numérique», alors que le délai pour obtenir un rendez-vous physique tourne autour de deux mois, dénonce également le CSIF.

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