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Interview

Laurent Escure (Unsa) : « Les métiers pénibles doivent donner lieu à un départ anticipé en retraite »

Alors que le Premier ministre reçoit ce jeudi à Matignon les syndicats et le patronat, Laurent Escure, le secrétaire général de l'Unsa, fait le point, dans une interview aux « Echos », sur les attentes de son organisation qui a rejoint le cercle restreint des interlocuteurs sociaux à la faveur de la réforme des retraites.

Laurent Escure a été élu secrétaire général de l'Unsa en avril 2019.
Laurent Escure a été élu secrétaire général de l'Unsa en avril 2019. (Thomas SAMSON/AFP)

Par Leïla de Comarmond

Publié le 12 févr. 2020 à 17:43Mis à jour le 12 févr. 2020 à 17:59

Qu'attendez-vous du rendez-vous de ce jeudi matin avec le Premier ministre, Edouard Philippe ?

Que soient actées des décisions en faveur des salariés. On en attend d'abord un arbitrage sur la transition entre l'ancien et le nouveau système de retraite. Nous avons obtenu le décalage à la génération de 1975 de l'entrée en vigueur du régime universel par points . Nous voulons des assurances sur la garantie de 100 % des droits acquis. Nous demandons pour le privé comme pour le public la clause à l'italienne pour tous, c'est-à-dire un calcul qui prenne en compte l'intégralité de la carrière au prorata de la durée de cotisation dans l'ancien système. Cela permettra de tranquilliser une bonne dizaine voire quinzaine de générations supplémentaires avec le calcul le plus favorable possible. J'attends du gouvernement la confirmation de ce scénario.

Sur le minimum contributif aussi, nous attendons des avancées. Il faut aller le plus vite possible jusqu'à 100 % du Smic en cas de carrière complète. Et que ce minimum contributif soit bien accessible aux temps partiels.

Et sur la pénibilité et les fins de carrières qui sont aussi à l'ordre du jour ?

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On devrait avoir des avancées sur la prévention et la reconversion. Mais nous attendons aussi des mesures sur la réparation. Déménageurs, salariés de l'agroalimentaire dans le privé, égoutiers dans le public… Il n'est pas normal que de tels métiers pénibles ne donnent pas lieu à un départ anticipé en retraite, pourquoi pas via les branches.

On voit bien que le sujet coince avec le patronat. Mais il ne peut pas y avoir en permanence du malus pour les salariés et du bonus pour les employeurs. Il faut que les employeurs qui font de la prévention et accompagnent les fins de carrière soient aidés et récompensés, et que les autres soient pénalisés. Le patronat ne peut pas se défausser en permanence de ses responsabilités.

La conférence de financement commence la semaine prochaine. Dans quel esprit l'abordez-vous ?

Ce n'est pas forcément pour les mêmes raisons mais, pour le coup, nous sommes d'accord avec le patronat sur la nécessité de travailler d'abord sur la trajectoire financière de la réforme. D'où va provenir le besoin de financement, des dépenses ou des recettes ? En particulier, je ne souhaite pas que l'Etat se défausse de ses responsabilités et en profite pour faire des économies au passage.

Une fois que nous aurons mené à bien le diagnostic, il faudra travailler aux solutions. Parmi celles-ci, à l'Unsa, nous pensons, par exemple, qu'une partie des sommes du Fonds de réserve des retraites pourrait être utilisée afin d'arriver à l'équilibre en 2025. Pour nous, il faut aussi aller chercher d'autres ressources du côté des salaires de plus de 10.000 euros mensuels. Ce qui est sûr, c'est que nous devons inventer une forme nouvelle de gouvernance et que cela commence lors de cette conférence de financement.

Comment peut-elle s'articuler avec la discussion parlementaire ?

Leur débat et le nôtre devraient se nourrir l'un l'autre. Mais j'alerte sur le fait que pour avancer, il ne faut pas multiplier les lignes rouges.

Vous parlez pour qui ? N'est-ce pas vous et la CFDT qui font de l'âge d'équilibre et de la pénibilité des lignes rouges ?

Je pense surtout au patronat qui a des lignes rouges sur tout. Je l'appelle, ainsi que le gouvernement, à la raison.

Que pensez-vous du fait que la commission spéciale sur les retraites de l'Assemblée n'ait pas pu achever l'examen du projet de loi ?

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Je ne porterai pas de jugement là-dessus, car cela regarde les parlementaires. J'espère juste que l'examen en séance publique permettra de vrais et beaux débats de fond à partir d'amendements importants, soit qu'ils visent à modifier la réforme, soit qu'ils défendent une alternative à cette réforme. J'ai vu que la droite veut supprimer les régimes spéciaux et relever l'âge légal à 65 ans et qu'une partie de la gauche veut revenir à 60 ans financés par une hausse de prélèvements. Il y a des discussions qui méritent qu'on prenne le temps de les avoir. C'est une nécessité démocratique.

Faut-il alors revoir le calendrier ? Le gouvernement veut que la première lecture à l'Assemblée s'achève le 3 mars, et certains jugent qu'il risque de devoir en passer par l'article 49-3 de la Constitution permettant une adoption sans vote…

Le gouvernement et les parlementaires ont des outils à disposition qui permettent que les amendements de pure forme ne viennent pas empêcher les discussions de fond. Et puis une partie du texte a quand même été discutée en commission spéciale et sa présidente a dit que les amendements votés seraient repris, cela devrait permettre de gagner du temps.

Le gouvernement, qui n'a pas réussi à retourner l'opinion, a-t-il raison de s'obstiner ?

Nous ne sommes pas demandeurs de cette réforme. Mais la réponse à votre question est politique. Le syndicaliste que je suis ne peut y répondre. Le président de la République vient de rappeler qu'il ira au bout de sa réforme, mon boulot de syndicaliste est donc de chercher à ce qu'elle soit la moins mauvaise possible pour les salariés et les plus fragiles.

Avez-vous le sentiment d'avoir été entendu ?

J'ai bien vu que sur certains débats - la nécessité de revaloriser les salaires de certaines professions, le travail sur les transitions - les choses allaient dans le bon sens. Mais outre le fait que cela reste à confirmer, l'essentiel de l'affaire c'est de savoir comment on va utiliser la conférence de financement pour poser les débats de fond et s'assurer que la réforme sera équitable.

Sur l'âge d'équilibre, êtes-vous prêt à transiger ?

J'espère qu'on trouvera une autre solution à court terme. Pour ce qui est du futur système, il y aurait une solution très simple : une surcote pour inciter les travailleurs à aller au-delà de l'âge légal de 62 ans.

Vous savez que le gouvernement ne l'acceptera jamais…

Pourquoi faut-il travailler sur le sujet dans l'urgence ? Compte tenu de la durée des transitions, il serait prudent de prendre le temps d'en discuter à froid.

L'Unsa a traversé une zone de turbulences, certains de ses syndicats réclamant un retrait de la réforme quand vous avez accepté de négocier. Avez-vous perdu des adhérents ?

Objectivement, la réponse est non. Notre stratégie des deux fers au feu de l'action, avec les secteurs les plus concernés mobilisés et une participation à la négociation au niveau interprofessionnel a bien fonctionné et créé plutôt de la fierté à l'interne, car elle a montré notre utilité pour les salariés.

On aurait pu basculer soit du côté de ceux qui ont politisé ce conflit en demandant le retrait du projet, soit attendre, comme la CFDT, que la réforme soit celle que l'on voulait. Je ne jette la pierre ni aux uns ni aux autres, mais en étant ni les uns ni les autres, nous avons été porteurs de solutions et écoutés.

Leïla de Comarmond

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