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Pretoria envisage un revenu de base pour les plus démunis, une première en Afrique

Alors qu'une aide pour les plus démunis vient d'être rétablie pour faire face à la crise, l'Afrique du Sud songe à pérenniser ces versements sous la forme d'un revenu de base. Un projet encore jamais réalisé en Afrique.

Des centaines de personnes font la queue pour obtenir de la nourriture et des vêtements lors du dîner des légendes organisé par Muslims For Humanity, à Durban le 17 juillet dernier.
Des centaines de personnes font la queue pour obtenir de la nourriture et des vêtements lors du dîner des légendes organisé par Muslims For Humanity, à Durban le 17 juillet dernier. (RAJESH JANTILAL/AFP)

Par Claire Bargelès

Publié le 18 août 2021 à 10:27Mis à jour le 18 août 2021 à 13:10

Depuis l'instauration en mai 2020 d'une aide mensuelle exceptionnelle de 350 rands (une vingtaine d'euros), trois lettres font la une des journaux sud-africains et sont répétées dans de nombreux discours politiques : le B.I.G, pour « basic income grant ». Ce revenu de base permanent est au coeur de toutes les discussions. Selon le président, Cyril Ramaphosa, il pourrait devenir une réalité dans le pays, à la faveur de la crise sanitaireet des émeutes du mois dernier. « Cette aide spéciale Covid-19 pourrait tout à fait être un tremplin pour établir un revenu de base », a renchéri la ministre du Développement social, Lindiwe Zulu, en détaillant au début du mois le rétablissement jusqu'en mars prochain du versement de 350 rands.

De quoi réjouir tous ceux qui considérent que les aides sociales habituellement versées à 18 millions de Sud-Africains ne suffisent pas à couvrir leurs besoins, alors que le chômage touche plus de 32 % de la population. « On a vu un grand changement, et les gens prennent désormais cette idée beaucoup plus au sérieux », détaille Aliya Chikte, une chercheuse qui a travaillé avec l'Institut pour la justice économique (IEJ) sur différents modèles possibles.

Seuil de pauvreté alimentaire

Il reste cependant beaucoup de questions à trancher, notamment autour de l'universalité ou non d'un tel revenu, car l'aide temporaire actuelle de 350 rands ne concerne pour l'instant que les Sud-Africains sans emploi et ne percevant pas d'autre aide sociale (excepté les allocations familiales). L'IEJ souligne aussi que cette somme ne suffit pas à couvrir les besoins alimentaires d'une personne et milite pour fixer un minimum de 585 rands (environ 33 euros), soit le seuil de pauvreté alimentaire.

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Au-delà de ces différents choix, des voix discordantes se font entendre à l'intérieur du gouvernement, à commencer par le nouveau ministre des Finances. « Ce qu'il faut, c'est investir pour développer les compétences des jeunes », a martelé Enoch Godongwana au « Sunday Times », dénonçant un état de « perpétuelle dépendance » créé par les aides sociales.

Taxation des plus riches

La question du financement fait aussi grincer des dents, alors que le pays est écrasé par une dette qui équivaut à près de 80 % du PIB. « Pour l'instant, grâce au prix élevé des matières premières, les recettes fiscales sont meilleures que prévues, et cela donne donc l'illusion que le pays peut se le permettre » met en garde l'économiste Isaah Mhlanga.

Pour Aliya Chikte, la solution réside dans la taxation des plus riches, et la suppression de niches fiscales, alors que l'Afrique du Sud est l'un des pays les plus inégalitaires du monde. « En combinant plusieurs sources de financement, cela permettrait de débloquer près de 10 milliards d'euros par an. »

Une mauvaise idée selon Isaah Mhlanga, qui craint que cela « encourage les plus riches à émigrer, alors que les taux d'imposition sont déjà élevés ». L'économiste en chef du groupe Alexander Forbes ne voit pas non plus d'effets positifs indirects, dans la mesure où « ce sont des fonds qui seront dédiés à la consommation, or la plupart de nos biens sont importés, cela ne créera donc pas d'emplois locaux ». Le débat est donc encore loin d'être tranché. Les discussions des prochains mois au sein de l'exécutif et de la société civile seront décisives.

Claire Bargelès (Correspondante à Johannesbourg)

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