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Réforme de l'assurance chômage : reportée mais pas enterrée

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
La ministre du Travail a annoncé que les nouvelles règles d'indemnisation des chômeurs qui devaient s'appliquer au 1er avril ne le seront qu'au 1er septembre. Un répit pour les travailleurs précaires, très exposés à la crise économique liée au Covid-19.
par Amandine Cailhol
publié le 16 mars 2020 à 13h21

«Notre priorité est l'urgence sanitaire, économique et sociale.» Invitée sur BFM TV, lundi matin, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a annoncé le report de la réforme de l'indemnisation du chômage, dont une seconde vague de mesures devait entrer en vigueur le 1er avril. Ces dernières sont reportées au 1er septembre. «La réforme a été conçue dans un contexte qui n'a plus rien à voir avec celui que nous connaissons aujourd'hui», a expliqué la ministre, qui publiera un décret de report d'ici quarante-huit heures.

Une «bonne nouvelle» dans la tempête pour l'ensemble des syndicats et associations opposés à cette réforme qu'ils critiquent depuis le début. Et dont ils avaient demandé le report la semaine dernière face à la crise du coronavirus, craignant des conséquences dramatiques pour les salariés les plus précaires, et notamment ceux abonnés aux CDD à répétition entrecoupés de périodes sans activité. Des travailleurs très présents dans les secteurs actuellement les plus fragilisés par la crise sanitaire et économique. Selon le collectif des Economistes atterrés, le nouveau mode de calcul qui aurait dû entrer en vigueur le 1er avril «réduir[ait] en moyenne de 22% l'indemnité chômage de 850 000 travailleurs alternants des périodes de travail et d'inactivité».

«C’était le moins que l’on attendait»

La décision  de reporter ce grand chamboulement a été «saluée» par Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, pour qui «la solidarité doit prévaloir dans cette période». Mais aussi par l'Unsa. «Tout ce qui sécurise les salariés, l'emploi et les entreprises permet de se concentrer sur l'essentiel, la bataille sanitaire», note le secrétaire général du syndicat autonome, Laurent Escure. «C'était le moins que l'on attendait», a réagi plus sèchement Yves Veyrier, à la tête de FO.

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Mais le report de cinq mois, seulement, ne satisfait qu'en partie certains syndicats. La CGT espère encore une annulation totale de cette réforme. «Ce report montre le recul social que constitue la "réforme" pour les privés d'emploi. L'heure doit être à la rupture d'avec les politiques libérales, développement des services publiques, de la sécurité sociale et des solidarités», note Fabrice Angei, du bureau confédéral. Même discours d'Yves Veyrier, de FO, qui «maintient sa demande que le gouvernement renonce définitivement à [cette réforme]».

Au sein même de la majorité, son avenir, au-delà de septembre, interroge. «Ce premier report est une bonne nouvelle», note le député LREM Aurélien Taché, qui rappelle que «la réforme avait pour objectif de restaurer les règles d'assurance chômage qui prévalaient avant la crise de 2008». L'élu préconise de «réévalu[er] la situation en septembre et d'ici là, de réfléch[ir] à de nouveaux droits pour les précaires».

Indemnités journalières à 90% du salaire net

«Personne ne sera laissé de côté», a assuré la ministre, lundi, tout en annonçant également la mise en place d'un «système similaire au chômage partiel» pour les personnes employées à domicile, notamment les assistantes maternelles ou encore les femmes de ménage. Elles recevront 80 % de leur salaire par l'employeur, qui sera ensuite remboursé par le Cesu (chèque emploi service universel). Quant aux salariés sans solution de garde pour leurs enfants se déclarant en arrêt maladie, ils recevront des indemnités journalières à hauteur de 90 % de leur salaire net. Et non 50 % comme le prévoit normalement l'assurance maladie.

Reste quelques situations professionnelles pour lesquels aucun dispositif spécifique n'a été annoncé pour l'heure. C'est le cas des indépendants, pour lesquels une décision sera prise dans les heures ou les jours qui viennent, a indiqué la ministre. La perte de leur chiffre d'affaires sera indemnisée «soit par un fonds d'indemnisation, soit une dérogation aux arrêts maladie», a-t-elle précisé. Même incertitude encore pour certains travailleurs rémunérés à la tâche, et notamment les intermittents du spectacle.

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