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Pour prévenir le surpoids et l’obésité, le marketing social est efficace

L’application de campagnes basées sur le marketing social a permis de réduire le surpoids de façon significative dans plusieurs villes françaises. Shutterstock

La pandémie de Covid-19 a fait prendre conscience des dangers d’un autre fléau, bien plus répandu et tout aussi menaçant à long terme : l’obésité. On sait en effet que les personnes en surpoids ont été bien plus nombreuses que les autres à développer des formes sévères de la maladie.

Dès avril, deux études pointaient la fragilité des patients obèses face au coronavirus. En France, l’étude rétrospective et transversale menée par l’équipe de François Pattou, au CHU de Lille, mettait en avant un surrisque pour les personnes en obésité sévère, indépendamment de l’âge des patients. Aux États-Unis, pays où les personnes obèses sont deux fois plus nombreuses qu’en France (36 % de la population), une autre étude rétrospective menée par des médecins chercheurs de deux grands hôpitaux de New York mettait également en évidence un surrisque pour des patients dont l’indice de masse corporelle dépassait 30, et ce même avant 60 ans.

Ces travaux soulignaient l’importance de l’obésité en tant que facteur aggravant de l’infection par le nouveau coronavirus. Afin de sensibiliser les Français, les pouvoirs publics ont lancé une campagne de communication sur ce sujet, en partenariat avec le Collectif national des associations d’obèses (CNAO).

L’occasion de rappeler que l’obésité est une maladie, et que la santé des personnes obèses est exposée à de nombreux risques.

Le facteur aggravant des inégalités sociales

Les populations pauvres ont particulièrement été touchées par le virus, y compris dans les pays à hauts revenus. Aux États-Unis, le nombre de victimes afro-américaines s’est avéré beaucoup plus important que ne l’aurait laissé supposer leur proportion dans la population. Une partie importante de cette minorité vit toujours dans des quartiers défavorisés. Le taux de maladies chroniques qui la frappent est élevé. Les niveaux d’obésité, en particulier, y sont plus hauts que dans la population générale, car les habitants n’ont pas accès à une alimentation saine et équilibrée et ne pratiquent que peu d’activité physique.


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Même cause, même effet : en France, les populations défavorisées ont également payé un lourd tribut à la Covid-19. Habitat dense et métiers de contact qui ne permettent pas le télétravail se sont conjugués à une présence accrue de facteurs de comorbidités (comme l’obésité, le diabète ou les maladies cardio-vasculaires), pour entraîner le développement de formes plus sévères de la maladie.

Autre indice du rôle joué par les inégalités sociales : les enfants d’ouvriers sont bien plus souvent touchés par le surpoids et l’obésité (respectivement 22 % et 6 %) que les enfants de cadres (respectivement 13 % et 1 %).

Prévenir l’obésité au plus tôt

Nous savons désormais que prévenir l’obésité, c’est réduire la morbidité en cas d’épidémie telle que celle que nous sommes en train de subir. L’intérêt en santé publique est évident : moins de personnes obèses signifie moins d’hospitalisations en soins aigus ou intensifs, ce qui permet non seulement de sauver davantage de vies humaines, mais aussi de limiter les dépenses en matière de santé.

Pour y parvenir, il est important de prévenir la prise de poids dès l’enfance, comme le conseille l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). En effet, la lutte contre une maladie non transmissible telle que l’obésité est d’autant plus efficace qu’elle est précoce. L’OMS souligne également le caractère multifactoriel de l’obésité, génétique, comportemental et environnemental, ainsi que l’importance des actions tendant à améliorer l’environnement alimentaire.

Le marketing social, une approche efficace

L’International Social Marketing Association définit le marketing social comme

« un processus qui cherche à développer et intégrer les concepts marketing ainsi que d’autres approches en vue d’influencer les comportements dans un sens favorable au bien-être des individus et des communautés ».

Les champs d’application sont très variés, allant des pratiques de recyclage (Royaume-Uni) à l’adhésion aux campagnes de vaccination (Inde) en passant par la protection des koalas (Australie). En France, le programme « Bouge avec moi » vise à mobiliser les femmes pour qu’elles pratiquent une activité physique régulière. Elles sont en effet beaucoup moins nombreuses que les hommes à trouver le temps de pratiquer une activité physique, alors que les bénéfices pour la santé de l’exercice sont avérés.

L’accent a été mis sur l’idée de bouger à deux au quotidien (vélo, marche, danse, etc.) pour les femmes issues de milieux modestes ayant peu de temps à accorder à leurs loisirs. La campagne menée par l’Agence régionale de Santé des Hauts de France a été relayée par un site, des relais de terrain et des micro-influenceuses régionales. En 2019, la plate-forme avait généré 30 000 utilisatrices.

Une revue systématique de littérature menée par Julia Carins et Sharyn Rundle-Thiele, deux chercheuses de l’Université de Griffith en Australie, a également mis en lumière l’intérêt du marketing social pour inciter les individus à adopter une alimentation plus saine. En France, cette approche a été mise en œuvre pour réduire l’obésité et le surpoids, en particulier chez les enfants, et contribuer ainsi au bien-être et à la santé des populations ciblées.

Depuis 2011, le programme associatif Vivons-en-Forme (VIF) mène des actions de terrain, en collaboration avec les 251 villes françaises qui y adhèrent. L’association est particulièrement orientée vers la prévention des inégalités sociales en matière d’habitudes alimentaires et d’activités physiques.

VIF travaille donc en priorité avec des villes comptant des environnements pauvres ou modestes. L’objectif est d’aider les familles à modifier leurs comportements de façon durable, en impliquant l’ensemble des acteurs locaux qui interagissent au quotidien avec les familles.

Déterminer les bons objectifs et les bonnes cibles

VIF élabore sa connaissance du terrain dans un premier temps par des questionnaires auprès des enfants et des familles dans plusieurs villes tests.

En 2013, les questionnaires complétés en classe de CE2 et CM1 par 216 enfants dans quatre communes-tests (avec des écoles dans des quartiers défavorisés – écoles ZEP (devenues REP à partir de 2015)- ou non) ont montré des différences significatives entre les enfants des familles en situation de précarité sociale des écoles ZEP et les enfants des écoles non-ZEP, comme l’indique le tableau suivant :

Les questionnaires remplis par les parents montraient quant à eux une différence significative selon le diplôme de la mère, en ce qui concerne la consommation quotidienne de bonbons et de boissons sucrées :

Les causes de ces comportements ont été approfondies par des enquêtes sociologiques afin de trouver des propositions alternatives. Les données recueillies étaient conformes à la différenciation sociale alimentaire mise en lumière par les travaux des sociologues de l’alimentation

Les personnels des cantines ont été approchés également. Les échanges ont mis en évidence l’existence chez eux des mêmes comportements et croyances que ceux observés au sein des familles. Ces personnels appartiennent en effet généralement au même environnement sociogéographique. Il a été aussi été observé que les enfants des groupes défavorisés, souvent inscrits aux activités périscolaires, passent jusqu’à 20 heures par semaine avec les animateurs, d’où l’importance d’impliquer également ces derniers.

Ces constats ont abouti à mettre en place des campagnes ciblant non seulement des enfants et de leurs familles, les campagnes développées par VIF, mais aussi tous les acteurs locaux concernés : personnels des écoles et des cantines, des centres périscolaires et des centres sociaux, élus en charge de l’enfance et de la santé, réseaux associatifs, jusqu’aux producteurs et fournisseurs de produits alimentaires locaux.

Une fois les cibles déterminées et les objectifs fixés, des thématiques ont été développées par VIF, qui les a proposées aux municipalités afin qu’elles soient déployées au niveau local.

Des résultats probants

Cette approche repose sur une mobilisation collective, dont l’association VIF, qui coordonne les actions des partenaires publics, les municipalités et leurs personnels ainsi que des acteurs privés, notamment les entreprises mécènes, constitue le pivot central.

Elle est menée dans le cadre d’une charte claire, encadrant non seulement le financement, mais aussi les règles déontologiques guidant la coopération. L’ingérence des mécènes dans l’implémentation des programmes est par exemple interdite.


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Le programme VIF, qui a accompagné plus de 186 000 enfants, a prouvé sa pertinence en matière de recul du surpoids et l’obésité́ infantile. Les résultats obtenus dans différentes villes sont particulièrement encourageants : en 12 ans, le surpoids et l’obésité infantile ont diminué de 24,5 % infantile à Saint-André-lez-Lille. À Vitré, en 11 ans, la baisse a été de 17 %, tandis qu’à Douchy-les-Mines, elle a atteint 13 % en 8 ans. Autant de chiffres qui témoignent de l’efficacité du marketing social pour faire reculer le fléau qu’est l’obésité.


Cet article a été co-écrit avec le Dr Odile Verier-Mine, médecin endocrinologue-diabétologue, ancienne chef de clinique de l’université de Lille, membre bénévole du conseil d’administration de l’association FLVS/VIF.

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