CALCULSQu’est-ce que la fameuse « clause à l’italienne » pour les retraites ?

Réforme des retraites : qu’est-ce que la « clause à l’italienne », qui sera généralisée aux salariés et aux fonctionnaires ?

CALCULSDans le futur système universel, une partie des retraites sera calculée sur les meilleures rémunérations, selon les mêmes règles qu’aujourd’hui
Des retraités, illustration.
Des retraités, illustration. -  GILE/SIPA
Catherine Abou El Khair

Catherine Abou El Khair

L'essentiel

  • L’Assemblée nationale poursuit l’examen, en séance publique, du projet de réforme des retraites. Les discussions n’ont permis d’adopter, pour l’heure, que le premier des 65 articles.
  • Parmi les retouches apportées par le gouvernement, figure un amendement déposé ce lundi et relatif à la « clause à l’italienne ».
  • Elle vise à organiser les règles de calcul des retraites pour les actifs qui auront cotisé à la fois dans l’actuel régime de retraite et dans le futur système « universel ».

L’examen de la réforme des retraites se poursuit. Alors que la menace d'un 49-3 s'est précisée ces derniers jours, les discussions n’ont permis de faire adopter, pour l’heure, que le premier des 65 articles du projet de loi. Parmi les ajustements apportés par le gouvernement, figure un amendement déposé ce lundi, celui sur la transition « à l’italienne » Il est l’issue des dernières concertations d’Edouard Philippe avec les partenaires sociaux, avant l’examen dans l’Hémicycle.

Le 13 février dernier, le Premier ministre avait en effet officialisé cette transition « à l’italienne » vers le nouveau système de retraites. Une annonce importante, puisqu’elle concerne la manière dont les retraites des Français cotisant dans les deux systèmes va être calculée.

Si l’on parle de « clause à l’italienne », c’est parce que l’exécutif reprend la méthode qu’a adoptée le gouvernement italien en 1995 pour réformer son système de retraites. Une refonte qui prévoyait une longue phase de transition entre anciennes et nouvelles règles d’âge de départ et de calcul des pensions. Certains actifs étant à cheval sur les deux systèmes, il était alors prévu dans la péninsule qu’un système mixte s’applique, comme l’expliquait en décembre le quotidien Libération.

Une « clause à l’italienne » plus favorable

Mais que signifie-t-elle concrètement ? Avec le système universel qui entrera en vigueur en France, les actifs nés à partir de 1975 cotiseront à compter du 1er janvier 2025 dans le nouveau système. Mais leurs droits acquis avant 2025 seront, eux, calculés selon les anciennes règles. S’agissant des fonctionnaires, les droits acquis au 1er janvier 2025 seront intégralement comptabilisés et convertis en points, sur la base des six derniers mois de leur carrière (il faudra donc attendre leur départ en retraite pour connaître le montant correspondant), a annoncé le chef du gouvernement. Pareil pour les salariés du secteur privé. Ils maintiendront la référence aux 25 meilleures années sur l’ensemble de leur carrière (encore une fois, il faudra attendre le départ en retraite pour connaître le montant) pour le calcul de leurs droits acquis jusqu’à cette même date.

Ce qui donnera lieu à deux manières différentes de convertir les cotisations en pensions – celles d’avant et celles d’après 2025 –, lesquelles vont se cumuler. L’application d’une clause «du grand-père» aurait, elle, consisté à n’appliquer la réforme qu’aux seuls nouveaux entrants sur le marché du travail à partir de 2025, par exemple.

Le principe de la clause « à l’italienne » était déjà dans le rapport Delevoye, mais dans une version moins favorable. En juillet dernier, il était préconisé « une photographie » des droits à 2025 en tenant compte des niveaux maximums de salaire atteints à ce moment-là et non à la fin de la carrière. Une méthode à laquelle le gouvernement a renoncé. Edouard Philippe a fait valoir récemment « un système plus respectueux de la réalité des carrières » et « une transition très progressive », qu’il généralise à la quasi-majorité des actifs, en y intégrant les salariés du secteur du privé ainsi que les fonctionnaires.

Une garantie pour limiter la casse

En effet, jusqu’ici, seuls les agents de la RATP et les cheminots avaient obtenu des garanties de ce type, annoncées fin décembre. « C’est très avantageux », confirme Didier Mathis, secrétaire général de l’Unsa-Ferroviaire. Notamment car cela permet, selon lui, de limiter le risque de perdre trop de droits après l’entrée dans le nouveau système. Et pour cause, le principe de la réforme du gouvernement est de calculer la retraite sur la base de points acquis tout au long de la carrière, en ôtant toute référence aux six derniers mois pour les fonctionnaires et aux 25 meilleures années pour les salariés du privé. « C’est mathématique. Quand on est passé des 10 aux 25 meilleures années [avec la réforme Balladur de 1993], certains ont perdu 25 % de leur niveau de retraite », fait valoir le syndicaliste.

L’application de la clause « à l’italienne » était également réclamée par les syndicats de fonctionnaires et a été obtenue courant décembre. « Cette revendication permet de conserver les droits réellement acquis dans le respect des règles du régime de retraite actuel », expliquait en janvier la CFDT Fonctions publiques.

Le principe a été étendu aux salariés du secteur privé par cohérence : « on ne peut pas appliquer ces règles au secteur public sans les étendre aux salariés du secteur privé », remarque Frédéric Sève, secrétaire national en charge des retraites pour la CFDT. Il confirme aussi que la formule est « a priori » avantageuse, vu que la plupart des carrières s’achèvent sur des salaires plus élevés.

Un mécontentement qui peut durer

Pour Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’Epargne, le souhait de certains syndicats de voir s’appliquer une « clause à l’italienne » traduit un sentiment de « défiance » par rapport à la réforme. « Les partenaires sociaux voulaient avoir les garanties les plus fortes. Il s’agit d’un verrouillage important », décrypte-t-il. « C’est peut-être là le vrai échec du gouvernement : ne pas avoir réussi à combattre l’idée selon laquelle le système à points va être forcément pénalisant pour les actifs », estime ce spécialiste.

Mais si la clause à l’italienne doit permettre de déminer le terrain, elle n’éteindra pas pour autant les mécontentements à long terme. Selon Philippe Crevel, la contestation sur le système peut en effet durer tant que les deux systèmes coexisteront. Car les actifs pourraient avoir la possibilité de les comparer… pendant des dizaines d’années, jusqu’au moment où l’ancien régime de retraites finira par s’éteindre.

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