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Vie de bureau

Managers et dirigeants : en pleine tempête Covid, gare aux risques psychosociaux

Alors que la deuxième vague de coronavirus frappe la France et l’Europe de plein fouet, la situation de crise depuis plus de six mois met à rude épreuve managers et dirigeants d’entreprises.

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Illustration du stress au travail, burn out.

Les managers sont de plus en plus nombreux à contacter les lignes d'écoute téléphonique du cabinet Présence conseil.

CLOSON/ISOPIX/SIPA

En pleine deuxième vague de l’épidémie de coronavirus, les managers et dirigeants d’entreprise vivent en situation de crise depuis plus de six mois. Confrontés à des risques psychosociaux croissants (RPS) pour leurs collaborateurs mais aussi pour eux-mêmes, ils ne doivent pas s’oublier dans la prévention de ces risques et des troubles qui peuvent en découler.

Télétravail, chômage partiel, retour sur site, absences pour cause de Covid ou de cas contacts, règles sanitaires mouvantes… Plus rien ne semble stable depuis le début de la crise. Les managers et dirigeants font face à des reconfigurations permanentes de leurs manières de travailler, "une perturbation de leur quotidien, qui constitue un premier niveau de risque", note Bruno Mettling, président du cabinet de conseil RH Topics. "L’activité de management est par nature stressante, dans la mesure où elle doit assurer la production et en même temps le bien-être des salariés, mais là cette situation est décuplée, pouvant produire davantage d’anxiété et donc un épuisement des managers", renchérit Bérangère Hittinger, psychologue et ergonome, directrice des opérations pour le cabinet Présence conseil. D’autant que les relations interpersonnelles au travail sont complètement chamboulées, "avec la crise, il y a un isolement physique mais surtout un éloignement social qui a encore une fois tendance à générer des risques psychosociaux."

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Surtout que les zones d’incertitude se multiplient: pour la survie de l’entreprise, pour la sauvegarde des emplois, pour la santé des collaborateurs, le tout dans un contexte de directions gouvernementales changeant en permanence. "Cela génère une sursollicitation cognitive des managers, avec à la clef une surcharge mentale et une souffrance, un mal-être, observe Bérangère Hittinger. Les managers sont confrontés aux RPS en tant qu’acteurs de l’entreprise mais aussi parce qu’ils doivent appréhender la souffrance des autres. C’est la double peine."

Or si ces facteurs de risques s’installent profondément, ils peuvent provoquer des troubles psychosociaux sur trois niveaux: sur les individus, confrontés par exemple à de l’anxiété, un épuisement ou un stress chronique, mais aussi les collectifs, avec une hausse de l’absentéisme, une démotivation des équipes, et enfin l’entreprise et ses résultats, par un effet de propagation. Preuve que la situation se dégrade pour les leaders d’entreprise, elle note une hausse significative des appels de managers sur les lignes d’écoutes mises en place par son cabinet, "de l’ordre de 30% par rapport à la même période en 2019, tous secteurs confondus", estime Bérangère Hittinger.

Accepter de transformer son management

Pour faire face, Bérangère Hittinger conseille donc de multiplier les actions dans les organisations, pour donner les bonnes clefs aux managers. "Il ne faut pas une stratégie unique, mais impliquer chaque personne de l’organisation, pour que chacun ait conscience de son rôle à jouer", estime cette spécialiste des RPS. Il faut aussi prendre conscience qu’il y aura un avant et un après la crise. "Il faut accepter de transformer les modes de management et pour cela il faut que les directions accompagnent les managers de proximité, leur donnent les réponses pour manager à distance notamment", suggère Bérangère Hittinger. Et pour cela, de bons outils sont nécessaires, mais aussi de bonnes pratiques: "on n’emploie pas les mêmes mots ou la même intonation en présence du salarié ou à distance par exemple. Il faut mettre en place des garde-fous pour que ça fonctionne", appuie la spécialiste des RPS.

Même constat pour Elsa Cuisinier, présidente du cabinet Colombus Consulting, fondatrice de Backstage 360, un cercle de réflexion sur le management. "Les managers doivent accepter de changer leurs manières de faire, de ne plus avoir de plans et d’avancer avec agilité, en testant des choses et en s’autorisant à revenir en arrière si ça ne fonctionne pas. Il faut faire confiance aux managers de proximité, relocaliser la décision, et organiser des circuits courts pour remonter les informations du terrain". Une agilité qui doit permettre de de mettre moins de pression sur la décision, pour essayer de réduire les niveaux de stress alors que la situation de crise s’est installée pour durer, considère cette consultante.

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Ne pas oublier les RPS du dirigeant

Prendre soin de son entreprise, de ses collaborateurs, de ses managers... Alors qu'il doit veiller à la prévention des RPS pour tout le monde, le dirigeant d'entreprise ne doit pas non plus s'oublier. "Il doit écouter ses propres signaux, comme ceux qu’il observe chez ses collaborateurs. Si sa fatigue augmente, s’il a plus de difficulté à prendre une décision, est obligé d’augmenter son amplitude horaire... Ces signaux doivent lui signaler un risque psychosocial. Il doit être capable d’identifier à quel moment il va basculer dans une situation ingérable", alerte Bérangère Hittinger.

Pour sa part, Bruno Mettling conseille aux dirigeants de ne surtout pas rester seuls: "Il est souvent compliqué pour le dirigeant de parler de ses difficultés, pour ne pas diffuser son anxiété à ses collaborateurs. Je lui conseille donc de trouver un cercle de pairs de confiance pour échanger et capter les bonnes idées". Pour autant cela ne veut pas dire couper toute communication avec ses salariés, bien au contraire. Dans les grandes entreprises, il est plutôt conseillé au dirigeant de partager un diagnostic de la situation avec ses équipes pour se faire aider, donner du sens à leur action, et créer de la confiance, sans oublier les lignes d’écoutes des cabinets de conseil, des chambres du commerce, des chambres de métiers… Et bien sûr, en cas de trouble, ne pas hésiter à se tourner vers la médecine du travail "faite pour tous, y compris le PDG", rappelle Bruno Mettling.

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