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Projet de loi 3DS : le Sénat remanie les mesures sur la déconcentration et les finances locales

Les sénateurs ont continué à imprimer leur marque lors de l'examen la semaine dernière des titres V et VI du projet de loi 3DS (ou 4D). Deux volets de la réforme portant, d'une part, sur la déconcentration des décisions de l'État et, d'autre part, sur la compensation financière des transferts de compétences de l'État aux collectivités territoriales. La Haute Assemblée les a remaniés dans un sens plus favorable aux collectivités. Elle doit procéder ce 21 juillet au vote sur le texte.

Examinant vendredi matin le volet du projet de loi portant sur la déconcentration (titre VI) du projet de loi 3DS, les sénateurs ont cherché à apaiser les craintes que l'Association des maires de France (AMF) avait exprimées sur "la politique locale de l'eau", un dossier connexe. Le renforcement du rôle du préfet coordonnateur de bassin dans la répartition des aides des agences de l'eau procède d'une "véritable recentralisation", avait dénoncé le représentant de l'AMF, Guy Geoffroy, lors de son audition au Sénat. Il avait aussi décrié la marginalisation des comités de bassin. Soucieux de préserver le rôle de ces instances assurant la représentation des élus locaux, les sénateurs ont prévu que les priorités de l’État et les projets de l’État et des collectivités territoriales dans les domaines de compétence des agences de l'eau, seraient présentés non devant le conseil d’administration des agences, mais devant les comités de bassin. En outre, l'exercice serait orchestré par les préfets de département - et non par les préfets de région.

Les sénateurs ont par ailleurs musclé le pouvoir de dérogation aux normes, dont ils jugent l'application actuelle trop modeste. Rappelons qu'après une expérimentation jugée concluante, ce droit de dérogation a été généralisé en avril 2020 à l'ensemble des préfets de région et de département (voir notre article du 9 avril 2020). Sur un certain nombre de décisions concernant des demandes individuelles relevant de leur compétence, les représentants de l'État peuvent donc, dans certaines conditions, s'écarter de la norme nationale. Mais les sénateurs sont restés sur leur faim. Ils prévoient dans le projet de loi que les préfets pourront autoriser, par arrêté motivé, les collectivités territoriales ou leurs groupements à déroger, dans leurs domaines de compétences, aux règles fixées par les décrets.

De plus, les sénateurs ont voulu graver dans le marbre le principe selon lequel toute décision prise au niveau territorial relève prioritairement du préfet de département. Actuellement, ce principe "semble souffrir de trop nombreuses exceptions", regrettent les rapporteurs de la commission des lois, Mathieu Darnaud (LR) et Françoise Gatel (UC), qui sont à l'origine de l'amendement.

Les sénateurs ont aussi inscrit dans le projet de loi une disposition attribuant au préfet de département les fonctions de délégué territorial de l’Office français de la biodiversité (OFB). Ils disent avoir fait œuvre de cohérence. Le projet de loi fait en effet du préfet le délégué territorial de l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Mais on précisera que dans ce cas précis, l'attributaire des fonctions est le préfet de région - et non le préfet de département.

L'examen du volet portant sur la déconcentration a aussi été l'occasion pour les sénateurs de monter une nouvelle fois au créneau sur les modalités d'attribution de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL). Ils plaident pour que celle-ci soit principalement octroyée par le préfet de département (au lieu du préfet de région), sur consultation d'une commission départementale composée d'élus locaux.

La définition du cadre juridique applicable aux nouveaux contrats de cohésion territoriale institués par la loi du 22 juillet 2019 qui a créé l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) n'a pas convaincu les sénateurs. Ceux-ci l'ont rayée d'un trait, sans même chercher à la réécrire. La "valeur ajoutée" des dispositions est "particulièrement faible", critiquent-ils. Rappelons que les contrats de cohésion territoriale ont vocation à intégrer l’ensemble des contrats territoriaux conclus entre l’État et les collectivités territoriales ou leurs groupements (d'abord ceux qui sont relatifs à la cohésion et l’aménagement du territoire, mais pas exclusivement).

Par ailleurs, en séance, le Sénat a introduit des dispositions renforçant la place des élus locaux au sein du conseil d'administration de l'ANCT : ceux-ci seraient aussi nombreux que les représentants de l'État. Aujourd'hui, on compte 10 élus locaux et 16 personnes désignées au nom de l'État.

Pour élargir l'action et la gouvernance du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) au secteur public local, la Haute Assemblée a privilégié l'introduction de dispositions dans le projet de loi, plutôt que la réforme par ordonnance voulue par le gouvernement.

S'agissant des espaces France services, elle a approuvé un amendement prévoyant que si une intercommunalité à fiscalité propre est signataire d'une convention pour la mise en place de ce type de solution, "les maires de ses communes membres sont au préalable associés au projet de convention".

Dispositions en matière financière et statutaire

À l'occasion de la discussion, la veille au soir, des dispositions en matière financière et statutaire (titre V), les sénateurs ont renforcé les garanties données aux collectivités locales pour la compensation des charges induites par les transferts de compétences prévus par le projet loi, que ce soit au moment de ces transferts, mais aussi par la suite. Tous les cinq ans, un point serait ainsi fait sur "les coûts d’exercice et de gestion" des compétences transférées par le texte aux collectivités territoriales et à leurs groupements. Une révision des compensations serait éventuellement réalisée, pour tenir compte d'une évolution des coûts et de l'inflation.

À noter également : les sénateurs ont inscrit dans le projet de loi le principe selon lequel "les dépenses de solidarité sociale des collectivités territoriales fixées par la loi sont exclues de tout objectif national visant à encadrer l’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs groupements à fiscalité propre". Le but est de prévoir une exception au dispositif de maîtrise des dépenses de fonctionnement des collectivités locales (contrats dits de Cahors), si celui-ci - comme le préconise Bercy - devait faire son retour à l'issue de la crise sanitaire.

Le Sénat devait poursuivre dans la soirée de ce mardi la discussion du projet de loi. 72 amendements restaient à examiner. Les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public sur le projet de loi sont prévus pour ce 21 juillet.