Cour des comptes – Aides au logement : complexité, fraudes et indus

L'institution de contrôle critique la complexité des paramètres de calcul des APL, qui n'ont pas été simplifiés, malgré les réformes successives.

Par

Le ministre chargé de la Ville et du Logement, Julien Denormandie, pilote la réforme des APL.

Le ministre chargé de la Ville et du Logement, Julien Denormandie, pilote la réforme des APL.

© LUDOVIC MARIN / AFP

Temps de lecture : 5 min

La complexité administrative française illustrée. Dans son rapport public annuel, la Cour des comptes s'est une nouvelle fois penchée sur les aides personnelles au logement (APL). Et malgré les réformes passées, le constat est toujours sévère.

La newsletter Économie

Tous les jeudis à 17h

Recevez le meilleur de l’actualité économique.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Versées à plus de 6,6 millions de ménages, ces APL, qui rassemblent en réalité trois prestations, pèsent quelque 17 milliards d'euros par an dans le budget de la nation, soit presque plus de 40 % des sommes consacrées à la politique du logement. Elles sont indispensables parce qu'elles « jouent de fait un rôle central dans la redistribution monétaire au profit des plus modestes », reconnaissent les magistrats financiers. Elles représentent ainsi près de 30 % de l'effort de redistribution globale en direction des 10 % des ménages aux revenus les plus limités, qui constituent plus de 75 % des bénéficiaires des APL.

© Audrey Freynet pour Le Point

Pour autant, elles ont constitué un axe central d'économies budgétaires depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron. Leur coût budgétaire, en forte progression jusque-là, a été stabilisé à 17 milliards d'euros contre 18 milliards en 2017. Le mouvement engagé pour les contenir a, en réalité, commencé dès 2015 sous François Hollande avec des gels ou des sous-indexations successifs des paramètres de calcul, une dégressivité de l'aide pour les loyers les plus élevés depuis 2016, la prise en compte du patrimoine des bénéficiaires depuis 2016 et la suppression de l'aide pour les accédants à la propriété en 2017.

Lire aussi La politique fiscale de Macron a augmenté les inégalités en 2018

Une politique qui pèse trop sur les « ménages modestes »

Emmanuel Macron a ensuite validé une baisse de 5 euros par mois de leur montant, ce qui lui a valu beaucoup de critiques sur le caractère antisocial de sa politique. D'autant que cette mesure s'est ajoutée à la réduction des APL versées directement aux bailleurs dans les logements sociaux en échange d'une « réduction du loyer de solidarité » demandé au locataire d'un montant équivalent.

Autant de mesures qui ont, certes, permis de contenir la dépense, mais qui ont été critiquées par la Cour des comptes. « Les mesures de gel ou de sous-indexation ainsi que la réduction de 5 euros se sont appliquées en effet uniformément, quelle que soit la situation sociale et financière des bénéficiaires, y compris les ménages les plus modestes », regrettent les magistrats financiers. Quant à la prise en compte du patrimoine des bénéficiaires, « le choix a été fait, a posteriori, de n'appliquer cette mesure qu'aux nouveaux entrants, en raison des difficultés rencontrées pour collecter les informations nécessaires auprès des allocataires ». Une décision contraire à la lettre de la loi, reflétant sa mauvaise préparation et représentant un risque juridique.

La baisse des APL dans le logement social, supportée par les bailleurs obligés de baisser les loyers dans la même proportion, ne trouve pas non plus grâce aux yeux de la Cour des comptes, malgré les 800 millions d'euros d'économies générés en 2018. « Les tensions qui en ont résulté avec le monde du logement social, sur lequel se répercute finalement la charge résultant de cette économie pour l'État, ont conduit, en l'absence de vision précise à moyen terme, à des négociations récurrentes pour chercher comment ajuster le dispositif à la fois pour réduire la charge pour l'État et pour maîtriser l'incidence sur la situation financière des organismes bailleurs », écrit-elle. Le mouvement HLM estime en effet que cela fragilise sa capacité à financer la construction de logements sociaux…

La prise en compte des ressources en direct, une « réelle avancée »

Les magistrats se montrent, en revanche, beaucoup plus positifs sur le fait de calculer le montant des APL en fonction des revenus de l'année en cours et non plus en fonction de ceux de l'année N-2, mesure qui devrait entrer en vigueur en avril 2020, après avoir été maintes fois reportée face à la complexité du projet. Cette nouvelle disposition devrait constituer « une réelle avancée », estiment les magistrats, car « cela permettra de mieux fiabiliser les montants de ressources pris en considération dans le calcul et d'adapter le niveau de l'aide à la situation réelle du bénéficiaire ».

Reste que ces réformes n'ont pas corrigé les défauts des aides au logement. À montant global de ressources comparables, l'aide au logement « continue d'avoir un effet moins favorable sur la situation des personnes en activité que sur celle de personnes recevant des revenus de transfert », souligne la Cour des comptes, sur la base d'une simulation réalisée en juin 2019.

L'institution de contrôle regrette également que les APL spécifiques aux étudiants soient versées sans réelles conditions de ressources. En effet, les étudiants rattachés au foyer fiscal de leurs parents en bénéficient s'ils n'habitent pas chez eux et payent un loyer, ce qui peut « s'apparenter à une défiscalisation » accordée aux ménages assujettis à l'impôt sur le revenu « disposant de ressources permettant de subvenir à cette charge, et, dans certains cas, à une subvention captée par les bailleurs en zone tendue ». La Cour des comptes considère donc que les étudiants devraient être obligés de choisir entre le bénéfice de l'aide et le rattachement au foyer fiscal des parents.

Lire aussi Monique Ronzeau : « 10 % des étudiants français sont précaires »

Maquis

Mais les APL souffrent surtout d'« une gestion complexe et coûteuse, d'indus importants et de coûts élevés », auxquels les gouvernements ne se sont pas suffisamment attaqués, déplorent les magistrats financiers. La complexité des critères de versement est telle qu'une « volumineuse plaquette décrivant leur mode de calcul » était éditée jusqu'en 2013. Elle ne l'est plus depuis, regrette la Cour, en soulignant « un maquis juridique et réglementaire ».

« Le nombre de paramètres de calcul accentue le risque d'oubli ou d'erreur, la complexité de ce calcul ne permettant pas de repérer immédiatement une éventuelle incohérence. Simplifier le mode de calcul des aides est désormais indispensable : au-delà des coûts de gestion qu'elle génère, la complexité actuelle est une source importante de non-recours, d'indus et de fraudes. Elle fait aussi perdre de vue à l'allocataire les principes mêmes sur lesquels l'aide est fondée », peut-on lire dans le rapport.

Le chantier du revenu universel d'activité ouvert par le gouvernement, qui doit au moins fondre le RSA et les aides au logement dans une prestation unique, ainsi que la prise en compte des revenus réellement perçus au moment du versement de l'aide doivent être l'occasion de « refonder et [de] simplifier » les APL, exhorte la Cour des comptes.

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaires (19)

  • micquer

    l'aide au logement « continue d'avoir un effet moins favorable sur la situation des personnes en activité que sur celle de personnes recevant des revenus de transfert

  • guy bernard

    On controle, c'est un controle et il ne peut pas exister de collusion entre le contrôleur et le contrôlé.
    Généralement, les fraudes se cachent et donc on ne sait pas, d'où le doute sur le contrôleur sans pouvoir l’établir ; mais là, on sait, donc on transmet au procureur qui ouvrira une instruction.

  • Mandataire

    … ça va bien se passer ! Surtout quand l'Usine à Gaz fonctionne à plein régime. D'autant plus que nous avons perdu les plans depuis longtemps ! Ça va bien se passer… forcément !