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Le statut d’indépendant d’un chauffeur Uber est « fictif », selon la Cour de cassation

La plus haute juridiction française confirme que le lien entre un conducteur et l’entreprise est bien un « contrat de travail ».

Le Monde

Publié le 04 mars 2020 à 14h30, modifié le 05 mars 2020 à 06h47

Temps de Lecture 3 min.

Le périphérique parisien est bloqué à la suite de l’appel de l’Association des VTC de France, le 25 janvier 2019.

La Cour de cassation a confirmé, mercredi 4 mars, la « requalification (…) en contrat de travail » du lien unissant l’entreprise Uber et un chauffeur, assurant que son statut d’indépendant n’est « que fictif », en raison du « lien de subordination » qui les unit. Un tel arrêt, une première en France, remet en cause le modèle économique du géant américain, déjà attaqué en Californie, notamment.

La plus haute juridiction française a jugé que le chauffeur « qui a recours à l’application Uber ne se constitue pas sa propre clientèle, ne fixe pas librement ses tarifs et ne détermine pas les conditions d’exécution de sa prestation de transport ». Pour la Cour de cassation, la possibilité de se déconnecter de la plate-forme sans pénalité « n’entre pas en compte dans la caractérisation du lien de subordination ».

L’arrêt liste de nombreux éléments qui ne recouvrent pas les critères du travail indépendant : un itinéraire imposé au chauffeur, une destination inconnue, « révélant ainsi qu’il ne peut choisir librement la course qui lui convient », la possibilité pour Uber de déconnecter le chauffeur à partir de trois refus de course… Le conducteur, juge la Cour de cassation, « participe à un service organisé de transport dont la société Uber définit unilatéralement les conditions d’exercice ».

Pour comprendre le contexte : Article réservé à nos abonnés Le modèle d’Uber menacé par une décision de la justice française

Une menace pour le modèle économique d’Uber

Début 2019, Uber s’était pourvu en cassation après un arrêt de la cour d’appel de Paris estimant que le lien entre un ancien chauffeur indépendant et la plate-forme américaine était bien un « contrat de travail ». La Cour de cassation rejette ainsi le pourvoi d’Uber et confirme la décision de la cour d’appel de Paris.

Ce chauffeur avait saisi la justice en juin 2017, deux mois après qu’Uber eut « désactivé son compte », le « privant de la possibilité de recevoir de nouvelles demandes de réservation », rappelait la cour d’appel. A l’époque, il lui avait été expliqué que la mesure avait été « prise après une étude approfondie de son cas ».

Fabien Masson, l’avocat du chauffeur, s’est félicité auprès de l’Agence France-Presse (AFP) de cette « jurisprudence » qui vise « le numéro un des plates-formes de VTC [voitures de transport avec chauffeur] ». « C’est une première et ça va concerner toutes les plates-formes qui s’inspirent du modèle Uber », a-t-il estimé.

« Cette décision ne reflète pas les raisons pour lesquelles les chauffeurs choisissent d’utiliser l’application Uber », a réagi un porte-parole de la plate-forme, mettant en avant « l’indépendance et la flexibilité qu’elle permet ». Pour Uber, cette décision de la Cour de cassation « n’entraîne pas une requalification immédiate ou automatique de tous les chauffeurs utilisant notre application ».

Si certains chauffeurs sont attachés à leur statut d’indépendant, de nombreux conducteurs pourront s’appuyer sur cette nouvelle décision pour demander la requalification de leur relation contractuelle avec Uber ou d’autres plates-formes en contrat de travail. En clair, le modèle économique d’Uber pourrait s’effondrer. Ce modèle, au cœur du développement de la firme américaine, a été attaqué par l’Etat américain de Californie, qui a ratifié en septembre 2019 une loi visant à contraindre les géants de la réservation de voitures à salarier leurs chauffeurs, afin qu’ils soient mieux protégés.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés « Uber touché au cœur de son modèle économique »

Plus d’une centaine de procédures en France

En France, Uber recense 150 cas de chauffeurs ayant lancé une procédure, ou ayant dit vouloir le faire, dans le but de faire requalifier leur contrat de prestation de service en contrat de travail, soit 0,2 % des chauffeurs passés ou actuels. Kevin Mention, avocat qui suit une dizaine de dossiers, affirme que cet arrêt « va beaucoup plus loin que l’arrêt Take Eat Easy » et que « la Cour de cassation a voulu frapper fort ».

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Cette dernière avait déjà établi, en novembre 2018, pour la première fois, un lien de subordination entre une plate-forme et un de ses travailleurs. Il s’agissait alors de Take Eat Easy, une société de livraison de repas par des coursiers à vélo, qui avait été liquidée. « Les plates-formes, si elles ne changent pas leur modèle aujourd’hui, vont droit dans le mur, car c’est la requalification assurée », avertit MMention.

Guillaume Trichard, secrétaire général adjoint de l’UNSA, a salué une « jurisprudence historique qui doit faire progresser les droits sociaux des travailleurs des plates-formes ». Régis Dos Santos, président des assemblées confédérales de la CFE-CGC, a évoqué un « coup de tonnerre ».

« La Cour de cassation rappelle ainsi logiquement que la loi et la réglementation du travail s’appliquent à tous », a commenté Xavier Bertrand, le président (ex-Les Républicains) du conseil régional des Hauts-de-France.

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