Baromètre MGEN/Solidaris « Confiance et Bien-être » 2020

Pour la cinquième année consécutive, le groupe MGEN - avec le soutien de la mutuelle belge Solidaris - mène une enquête sur la confiance et le bien-être des Français, réalisé par OpinionWay et l'institut Solidaris. Quel est le moral des Français en 2020 ? Quel est l'impact de la Covid-19 sur leur bien-être, leur rapport à la société, au travail, leur santé ? Résultats du baromètre 2020 et analyse par Michel Wieviorka, directeur d'études à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. 
 

09 décembre 2020


« Lorsque le délitement de la confiance s’accompagne d’un renforcement des inégalités, il devient urgent de replacer les vraies richesses de notre société au cœur de celle-ci. Les valeurs du groupe MGEN, de l’ESS et du service public, solidarité, égalité, proximité offrent en cela de vraies perspectives de vivre-ensemble », indique Roland Berthilier, président du groupe MGEN.

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Indice global de bien-être
 

L’indice global de bien-être, qui s’établit sur une échelle de 0 à 100, est passé à 55,5 en 2020, soit une baisse de - 2 par rapport à 2019 (57,5).
 
  • Chez les femmes
Le moral des femmes -53,3 est au plus bas niveau depuis 5 années contre -58 pour les hommes. En 2019, la baisse de l’indice global touchait les deux sexes. La qualité du relationnel (60,3) est le seul indicateur égal pour les deux sexes en 2020. L’image de soi s’effondre chez les femmes avec un indice de 46,7 (-18,9% depuis 2017), contre un indice de 50,7 pour les hommes (-13,8% depuis 2017).
  • Selon les tranches d’âge
Les 40/59 ans restent la tranche d’âge avec le plus faible indice de bien-être et de confiance : 55 (-8,3% depuis 2017). Pour les moins de 40 ans, l’indice global est de 55,4 (-6,3% depuis 2017). Les plus de 60 ans ont l’indice le plus élevé : 56,3 mais enregistrent une baisse de 9,6% depuis 2017.
 
Eclairage Michel Wieviorka 
« On est tombé très bas, si on compare avec 2017. Sur six dimensions envisagées dans les indices synthétiques, cinq rendent compte d’une chute, mais un indice est positif : le rapport à la société.
Les femmes souffrent plus que les hommes. Les différences sont considérables. Les femmes expriment une perception plus vive des injustices, problèmes, inégalités que les hommes. Elles se disent plus inquiètes, pour elles, pour leurs enfants, pour leurs proches, elles trouvent plus que les hommes que tout se détériore pour elles. Elles se vivent comme plus discriminées, elles sont en butte à des inégalités. Elles se disent plus stressées que les hommes. C’est étonnant, car on pouvait penser que les mouvements féministes, #metoo, la lutte contre les violences conjugales redonnaient sens à l’action des femmes et les mettaient en meilleure position. Les femmes sont beaucoup plus sensibles que les hommes aux inégalités de genre, ce qui n’est pas surprenant. »
 

Un rapport au travail chamboulé par la crise sanitaire
La perte de sens du travail était l’une des principales préoccupations en 2019. En un an, cet indicateur est passé de 54,3% à 57,6%.
La sphère du travail semble mieux vécue par les Français avec des indicateurs en augmentation sur un an. 44,2% des Français estiment que la cadence de travail est vraiment élevée contre 47% en 2019. 36,3% ressentent un fort stress aux études/au travail, contre 40,5% en 2019 et 47,8% des Français considèrent que leur travail ou leurs études leur procurent une réelle source de bien-être contre 43,3% en 2019. Ils sont plus nombreux à se sentir 65,9% appréciés ou reconnus par les gens avec lesquels ils travaillent ou étudient, contre 63,5% en 2019. 35,5% des Français estiment avoir des possibilités de promotion contre 30,4% en 2019.
Néanmoins, le sentiment de compétition progresse toujours plus dans la société : 32,2% estiment être en compétition avec leurs collègues ou camarades contre 29,8% en 2019. Mais 60,3% ont le sentiment de pouvoir compter sur leurs collègues en cas de souci, contre 56,2% en 2019.
Faut-il voir l’émergence du télétravail ? L’équilibre vie privée/vie professionnelle continue sa baisse en un an : 60,7% des Français réussissent à concilier les deux contre 63% en 2019. Et 56,8% des Français estiment n’avoir pas suffisamment de temps pour leur vie personnelle en dehors du travail contre 49,8% en 2019.
 
Eclairage Michel Wieviorka
« Sur le travail, là aussi, des évolutions positives s’observent. On se plaint de moins en moins des cadences, près de 20 points en 5 ans, c’est spectaculaire. On se plaint moins du stress au travail ou dans les études, il y a une remontée de l’épanouissement au travail. Le sens du travail remonte un peu avec le sentiment que l’on a de réelles possibilités de promotion au travail. Hausse aussi de l’idée que la hiérarchie manifeste de la considération pour le personnel.
Le travail est moins connoté négativement depuis deux ans. Ces données suggèrent que la sortie de l’ère industrielle classique, du taylorisme et du fordisme s’accélère, et que c’est vécu comme un mieux.
La qualité de la vie hors travail est perçue également à la hausse, après le décrochage des deux années précédentes : là aussi, tout n’est pas négatif. »

 
Rapport à la société
37,1% des Français pensent que la démocratie fonctionne vraiment très bien en France, contre 34,2% l’année passée. Mais 43,5% indiquent que le monde politique a encore les moyens de faire bouger les choses (45,8% en 2019).
21,1% des Français ont confiance dans leurs gouvernants politiques pour tenter d’améliorer leur qualité de vie, 20,4% pour les gouvernants politiques européens, 16,2% pour les partis politiques, 26,7% pour les syndicats et 42,1% pour les mutuelles.
30,2 % des Français ont le sentiment que les institutions religieuses (représentants des églises, mosquées, synagogues…) agissent pour améliorer leur qualité de vie ; 29,2% pour la presse et les journalistes ; 28,4% pour les grandes entreprises et 22% pour les grandes banques et compagnies d’assurance.
65,8 % des Français estiment avoir vraiment accès à de l’information de qualité (par internet, par les médias classiques – journaux, télévision, radio) sur ce qui se passe au niveau économique, social, politique et culturel contre 58% en 2019.
 
Eclairage Michel Wieviorka
« Dans une société de communication, d’image aussi, le stress est grandissant s’il s’agit de l’image de soi. Surtout pour les jeunes, les moins diplômés, et ceux qui sont en difficultés financières. La confiance envers les politiques demeure basse, même s’il y a un peu moins de défiance pour les dirigeants européens. Les jeunes sont un peu moins défiants, et il n’y a pas de retour en grâce de la société civile et de ses acteurs, associations, syndicats. La peur de vieillir s’est élevée et la confiance dans la science continue de faiblir : le tableau d’ensemble est pour l’instant plutôt sombre. Mais en période de crise - sanitaire et économique - beaucoup sont en attente de sécurité et en quête de sens. La religion, qui donne du sens, est à la hausse, plus nettement encore chez les jeunes. Les grandes entreprises et les banques sont aussi une marque de stabilité, surtout chez les jeunes et les sans diplômes. »
 
La qualité du relationnel
Faut-il y voir les effets du confinement et de la crise sanitaire ? Les chiffres dans la sphère du privé s’effondrent en 2020. 63,2 % des Français sont satisfaits de leur vie amoureuse ou sentimentale (-7 points en un an), dont 68% des femmes et 58% des hommes. 21,2 % des Français ont peur d’être quittés par leur conjoint (+9 points en 5 ans).
27,7 % des Français ont déjà été confrontés à des problèmes de violence dans leur entourage proche/famille, dont 31% des femmes et 24% des hommes (+7 points en 1 an). 68,5 % des Français ont des vrais amis sur lesquels s’appuyer (-14 points en 3 ans). Enfin, 62,3 % des Français ont de bonnes relations de voisinage (-6 points en 1 an).

 
Eclairage Michel Wieviorka
« La famille est moins valorisée qu’il y a cinq ans. Elle l’est davantage dans les milieux peu diplômés que chez les diplômés : être du bon côté des inégalités dans l’existence, semble rendre la famille moins importante.
Le couple, dont l’image prend un coup surtout chez les femmes et les ruraux. Conséquence due à la crise sanitaire et au confinement (les violences conjugales sont très à la hausse ces derniers temps).
Il en va de même pour la sexualité, elle n’est pas la réponse à la crise. Et l’on constate une peur croissante de la solitude, liée à la hantise ou à la réalité des difficultés financières. »
 
Mobilité et environnement
Pour 39% des Français, le coût de leurs déplacements est un problème pour leur budget (+10 points par rapport à 2018, pire année enregistrée pour cet item).
71,9% des Français ne sont pas satisfaits de leurs moyens de transport (+6 points). 77,3 % jugent leur logement vraiment confortable (-5 points en 1 an).
74,4% des Français sont très inquiets de la dégradation de l’environnement (-2 points en 1 an).
 
Eclairage Michel Wieviorka
« L’inquiétude sur l’environnement et le climat est à la baisse depuis 2016, ce qui pourrait vouloir dire qu’on est sensible aux efforts fournis par le pouvoir, ce qui peut paraître étonnant : là aussi ces appréciations doivent être mises en regard avec les critiques qui lui sont faites - départ de Nicolas Hulot du gouvernement, glyphosate, etc. »

 
Une vision ambivalente du système de santé
Sur le report de soins, 23,9% des Français ont renoncé à aller chez un médecin généraliste pour raisons financières (+5,3 points en 1 an) ; 71,1% trouvent le délai d’attente pour un spécialiste trop long. Et 67,9% des Français estiment que leur médecin généraliste contribue à améliorer leur vie (- 13 points en 2 ans).
Concernant l’accès aux soins, 55,2% des Français jugent le délai d’attente trop long pour être admis à l’hôpital (hors urgences et maternité). 61% indiquent qu’il y a suffisamment de structures hospitalières dans leurs régions (+2 points sur 1 an) et 46,4% des Français considèrent qu’il y a suffisamment de professionnels de santé dans leur région (stable sur 1 an).
Le rapport aux organismes de santé évolue : 57% des Français croient que la Sécurité sociale est utile pour améliorer leur quotidien (+7 points en 1 an) et 42,1% pour les mutuelles (stable sur 1 an).
Malgré tout, 68,3% jugent le système de santé français d’excellente qualité (+7 points sur 1 an).
L’inquiétude face au coût des médicaments et leur pénurie s’installe. 23,5% ont renoncé à l’achat de médicaments prescrits pour raisons financières au cours des 12 derniers mois (+17 points sur 5 ans). Et 24,2% des Français ont dû renoncer à des médicaments en raison de leur indisponibilité.
Au niveau de leur santé mentale, 20,3 % indiquent ressentir une dépression sévère à modérée et 18,8% des Français se disent souvent et très souvent anxieux.
La perception de notre système de santé est fortement corrélée avec l’âge des individus : les – de 40 ans sont 71% à considérer le système de santé comme étant de qualité (+18 points en 1 an) ; les 40-59 ans sont les plus sévères avec 60% d’opinions favorables (-5 points en 1 an) et les + de 60 ans : 75% (+7 points en 1 an).
 
Eclairage Michel Wieviorka

« On note qu’il y a plus de reports pour les soins, surtout chez les jeunes, que l’on renonce à des soins dentaires ou en ophtalmo. On renonce aussi, pour des raisons financières, aux soins psy, à la médecine générale, aux médicaments (étonnant car en France ils sont remboursés). On se plaint un peu plus de l’accès aux spécialistes, surtout chez les ruraux. On se plaint plus de l’accès aux activités sportives, avec là aussi de fortes disparités hommes femmes. Malgré tout, les Français interrogés notent une amélioration de la confiance envers la Sécurité Sociale, qui par ailleurs a peut-être aussi bien fonctionnée. »
 
Focus sur le moral des enseignants
Le moral des enseignants semble plus constant sur 4 ans à l’inverse des Français. En effet, l’indice général s’élevait à 55,6 en 2017 et 55,8 en 2020, soit une hausse de 0,4%.
Concernant leurs conditions objectives de vie, l’indice s’établit à 60,4. Presque stable sur 4 ans avec -0,5%. La qualité du relationnel chute de -0,8% sur 4 ans avec 61,2. Le rapport à la société est l’indice qui évolue le plus défavorablement pour s’établir à 25,7 (-6,2% sur 4 ans). L’image de soi enregistre la plus forte augmentation sur 1 an (+8,2%) passant de 44,1 à 47,7. La santé physique (67,3) est supérieure à celle des Français et a augmenté de 2,7% en 4 ans. La santé psychique des enseignants semble stable sur 4 ans (58,5) mais les chiffres sont inférieurs à la moyenne des Français (62,1) toutes années confondues.
 
Conclusion – éclairage global Michel Wieviorka
« Optimisme pour 2021 !
Les enfants, c’est l’avenir, et l’optimisme serait un peu de retour pour 2021. On affirme parvenir un peu mieux à réaliser ses projets. On est moins inquiets pour l’avenir des enfants qu’avant, et pas plus qu’avant inquiets pour la santé des proches, malgré la pandémie.
I/5 des personnes interrogées se dit convaincu par le système économique et financier, ce qui est stable par rapport à 2019, mais on est un peu plus favorable à la mondialisation depuis 2019 ; on pense moins qu’elle renforce les inégalités. »
 
Comparaison avec les résultats belges (Wallonie et Bruxelles)
Lors du lancement en France de ce baromètre (2016), l’écart général de confiance et de bien-être entre les Belges et les Français était seulement de 0,2 (56,3 pour la Belgique et 56,5 pour la France). Les années suivantes ont été marquées par des écarts de 5,7 en 2017 (grande embellie française due à l’élection présidentielle), 5,1 en 2018 et 3,9 en 2019.
En 2020, l’indice s’établit désormais à 55,5 en France et 53,7 en Belgique, soit un écart de 1,8. On observe un rapprochement progressif des résultats entre les deux pays. Nouveauté cette année aussi, un sous-indice belge (la qualité du relationnel) est plus haut qu’en France, qui d’habitude se situait systématiquement et partout, au-dessus. Les conditions de vie sont presque identiques entre les deux pays et l’estime de soi est strictement au même niveau. La santé physique reste toujours fortement en défaveur des Belges francophones.
 
 
Méthodologie : étude réalisée par l’Institut OpinionWay auprès de 1 008 personnes interrogées par téléphone et via Internet, en septembre 2020.


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