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Le climat à l'heure du coronavirus en quatre questions

Quel sera l'impact du coronavirus sur le climat ? Baisse à court terme des émissions de gaz à effet de serre, impact incertain sur les politiques publiques… Le point par CQFD, le format pédagogique des « Echos ».

La pandémie de coronavirus a enfermé à domicile près de trois milliards de personnes dans une cinquantaine de pays.
La pandémie de coronavirus a enfermé à domicile près de trois milliards de personnes dans une cinquantaine de pays. (Naoki Maeda/AP/SIPA)

Par Hélène Gully, Hortense Goulard

Publié le 27 avr. 2020 à 13:37Mis à jour le 28 avr. 2020 à 15:37

La pandémie de coronavirus a déjà tué plus de 200.000 personnes dans le monde. Cette catastrophe sanitaire peut-elle contribuer à ralentir le réchauffement climatique ? Depuis la mise en quarantaine de la moitié de la population mondiale, les émissions de gaz à effet de serre ont fortement baissé.

La pandémie a conduit à l'arrêt d'usines ou de centrales électriques polluantes, notamment en Chine, où le charbon est la principale source de production d'électricité. Mais aussi l'interruption des vols aériens, responsables de 2,4 % des émissions mondiales de CO2, et d'une grande partie de la circulation automobile. Bonne ou mauvaise nouvelle pour le climat ? CQFD fait le point.

1. La pandémie a-t-elle ralenti le réchauffement climatique ?

Des usines silencieuses, des routes désertées, des avions alignés dans les hangars… La pandémie de coronavirus a enfermé à domicile près de trois milliards de personnes dans une cinquantaine de pays. Et donc mis brutalement à l'arrêt le système productif mondial. De quoi donner à la planète un instant de répit.

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Rien qu'en France, depuis le début de la quarantaine, les émissions de CO2 ont reculé de 30 %. Ce qui pourrait se traduire par un recul de 5 à 15 % sur l'ensemble de 2020, selon le Haut Conseil pour le climat dans un rapport publié mercredi dernier. Mieux encore, en Chine, l'un des plus gros pollueurs mondiaux, les émissions de gaz à effet de serre se sont effondrées d'au moins un quart entre le 3 février et le 1er mars, selon une estimation du Centre de recherche sur l'énergie et la qualité de l'air. Autrement dit : 200 millions de tonnes de CO2 dans l'atmosphère en moins.

Outre-Atlantique aussi, la crise du coronavirus fait reculer les émissions de gaz à effet de serre. Aux Etats-Unis, les émissions de dioxyde de carbone devraient chuter de 7,5 % cette année, selon une récente estimation du gouvernement. Mais pour l'instant, cette pandémie n'a que diminué le niveau de pollution. « On est encore loin d'inverser la courbe […] Ce n'est pas quelques jours ou mois de pause qui changeront le phénomène », confirme le climatologue Hervé Le Treut à Reporterre.

En Chine, l'épidémie de coronavirus a sauvé plus de personnes qu'elle n'en a tuées

Selon Marshall Burke, chercheur à l'université de Stanford en Californie, l'épidémie de coronavirus a impliqué une amélioration drastique de la qualité de l'air sauvant la vie de 4.000 enfants de moins de cinq ans et de 73.000 personnes âgées.

« La réduction de la pollution en Chine a probablement sauvé vingt fois plus de vies que celles qui ont été perdues en raison du virus », explique-t-il sur le site web G-Feed. En Chine, 1,1 million de personnes en moyenne meurent chaque année victimes de la pollution.

2. Ces effets ne sont-ils qu'à court terme ?

Cette réduction temporaire des émissions de gaz à effet de serre n'est pas suffisante pour mettre un véritable coup de frein au réchauffement climatique. Pire, la pandémie de coronavirus pourrait même aggraver la situation. « A long terme, cette crise sera une catastrophe pour le climat », affirme François Gemenne, chercheur à l'université de Liège et membre du Giec, dans une tribune publiée dans le quotidien belge Le Soir.

Pessimiste, le scientifique craint un scénario semblable à celui qui a succédé à la crise financière de 2008. A l'époque, les pays étaient obsédés par une relance économique rapide. Sans s'encombrer de considérations climatiques. Les dépenses pour la relance ont donc stimulé l'utilisation des combustibles fossiles. Résultat : les émissions de carbone avaient augmenté de 5 % l'année suivant le krach boursier.

Le patron de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), Fatih Birol, a lui aussi partagé ses inquiétudes, dans un entretien au Guardian, sur les « conséquences de la récession sur les investissements écologiques ». « La crise pourrait compromettre la transition vers des énergies propres », avertit-il. Le patron craint notamment que des milliards de dollars d'investissements dans l'énergie propre ne soient abolis par la crise sanitaire.

Et ses craintes semblent fondées : Pékin a approuvé les trois premières semaines de mars autant d'usines à charbon que sur toute l'année 2019, selon les données de Global Energy Monitor.

3. Les politiques climatiques vont-elles être poursuivies ?

Dans le monde entier, les gouvernements font donc face à un choix. Faut-il continuer à investir dans la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique, à un moment où les économies sont particulièrement fragilisées par le coronavirus ? Ou l'ordre des priorités en sortira-t-il chamboulé ?

Sans surprise, la réponse varie fortement d'un pays à un autre. En Europe, certains gouvernements comme la Pologne ou la République tchèque ont utilisé la crise du coronavirus pour demander un report des ambitions climatiques. Pour l'instant, les efforts de la Commission européenne pour mettre en place un Green deal se poursuivent, même s'ils apparaissent fragilisés par la crise.

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La crise du coronavirus pourrait notamment retarder les négociations autour de la « loi climat » présentée par la Commission européenne début mars. L'exécutif européen étudie en ce moment l'impact économique de nouveaux objectifs 2030, plus rigoureux, de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Malgré les difficultés liées au coronavirus, il vise encore une publication de cette étude en septembre.

La transition écologique dépend des gouvernements

Selon l'AIE, 70 % des investissements mondiaux dans l'énergie propre viennent des exécutifs - via des financements publics directs ou via des subventions ou des taxes.

En France, le patronat a demandé dans un courrier un « moratoire sur la préparation de nouvelles dispositions énergétiques et environnementales », qui n'a pas suscité l'adhésion du gouvernement. Ce dernier a publié jeudi dernier sa stratégie énergie et climat , inchangée malgré la crise.

Aux Etats-Unis, au contraire, le président Donald Trump a promis sur Twitter de sauver l'industrie du gaz et du pétrole, menacée par la chute vertigineuse des prix liée au coronavirus.

4. Quel plan de relance après la crise ? 

Après la fin de la crise sanitaire, les plans de relance économique des Etats se chiffreront en centaines, voire en milliers de milliards d'euros. Quelles entreprises, quelles industries sauver ? A quelles conditions ? De la réponse à ces questions dépendra la possibilité de limiter la hausse des températures mondiales, et donc d'éviter les effets les plus catastrophiques du changement climatiques.

En France, le Haut Conseil pour le climat recommande de « conditionner l'octroi de mesures budgétaires ou d'incitations fiscales à des acteurs privés ou des collectivités à l'adoption explicite de plans d'investissement, avec mesures de vérification, et de perspectives compatibles avec la trajectoire bas carbone ». Une recommandation qui n'a pour l'instant pas été suivie par le gouvernement.

Pour aider les entreprises à faire face à la crise du coronavirus, le gouvernement français a en effet prévu un plan de relance à hauteur de 20 milliards d'euros. Ce dernier n'est pour l'instant pas soumis à des conditions climatiques strictes, contrairement à ce que réclamaient certains députés, dont l'ancien député LREM Matthieu Orphelin.

A Bruxelles, les chefs d'Etat et de gouvernement ont adopté une feuille de route pour la relance économique qui mentionne l'enjeu climatique, mais reste pour l'instant très vague. La Commission européenne présentera des propositions plus précises le mois prochain.

Même débat en Allemagne, où 180 organisations - entreprises, organisations représentant des branches de l'économie et associations - ont adressé une lettre à Angela Merkel réclamant un plan de relance respectueux des objectifs climatiques. Un message entendu par le ministre des Finances Olaf Scholz qui veut « créer les conditions pour une économie climatiquement neutre en 2050 ». Sans donner davantage de précisions pour l'instant.

La Chine, première touchée par le coronavirus, n'a pas encore présenté de plan de relance . Après la crise financière de 2009, elle avait investi quatre mille milliards de yuans, soit plus de 500 milliards d'euros, pour redémarrer son économie.

Hélène Gully et Hortense Goulard

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