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Tuff's, la plus vieille marque française de jeans renaît

Norbert, Jean-Pierre, Jean-Jacques et Julien Tuffery: le jeans reste une affaire de famille. Paul Carcenac/LE FIGARO

La production de l'entreprise familiale lozérienne, créée il y a 123 ans, était devenue confidentielle depuis les années 1980. Grâce à l'engouement suscité par le Made in France, les cadences redeviennent élevées.

À Florac (Lozère)

Julien Tuffery, un Lozérien de 29 ans, s'apprête à relever un grand défi: reprendre la marque de jeans de son père et de ses oncles. Un héritage lourd quand il s'agit de la plus vieille entreprise française du genre encore en activité, créée en 1892 par son arrière-grand-père, Célestin. «J'en parle avec des frissons», jure le jeune homme, baskets aux pieds, coiffure savamment négligée. Julien teste ce jour-là un nouveau modèle. Plus épuré. Une coupe, plus moderne. Un nouveau départ. «Aujourd'hui, c'est facile à raconter. Le jeans Made in France c'est génial, c'est hype, c'est hipster. Mais dans les années 90 et 2000, à l'atelier, les membres de ma famille étaient considérés comme des marginaux». A Florac, les cadences sont redevenues infernales. La production atteint 4000 exemplaires à l'année.

Grandeur et décadence

Les gestes sont les mêmes depuis des décennies. «Il y a eu une période très prospère, après-guerre. L'entreprise employait alors 40 ouvrières. On y confectionnait jusqu'à 600 jeans par jour». Puis, les années 80 ont sonné le glas de la production française. «Tout le monde a délocalisé», explique Julien. Le début des années noires. La production tombe à 500 jeans par an, mais ne s'arrête jamais complètement. Les habitués continuent de commander leur pantalon, souvent sur-mesure, aux trois frères.

Les étiquettes et le ciseau électrique. Paul Carcenac/LE FIGARO

Jusqu'en 2012, statu quo. À ce moment là les politiques investissent le terrain du Made in France et s'élèvent en défenseurs de l'achat militant. «Le tout premier c'était Bayrou. Aux dernières élections, il portait nos jeans lors de certains meetings. Montebourg aussi a reçu le sien, au moment de la fameuse couverture en marinière», confient Julien et son père. «Le consommateur réaffirme sa fierté à consommer intelligemment, à favoriser un atelier et un savoir-faire français». Julien n'est pas dupe. «Ça nous amène 8 clients sur 10».

Du sable dans la poche

Devant les cabines d'essayage, c'est le grand défilé. Mick, fringant retraité tourne sur lui-même, sous l'œil averti de Joce, son épouse, redoutable juge. Il vient d'enfiler l'un des pantalons de la marque. Elle s'extasie: «Qu'est-ce qu'il te va bien!». Elle poursuit: «On vient de Tours, exprès. Là-bas, il n'y a que des magasins avec des jeans fait à Tataouine. La qualité n'est jamais au rendez-vous». «Il y a du sable, dans la poche», remarque, Mick, surpris. «Le délavage n'est pas fait à l'acide, comme souvent, mais avec de la pierre ponce qui s'effrite naturellement», rassure Julien. Le couple se dirige alors vers la caisse. Pour l'instant, les prix ne dépassent pas 100 euros. Un tarif compétitif par rapport à la plupart de leurs concurrents américains, qui s'explique par l'absence d'intermédiaires.

Poches solides, rivets métalliques, coutures apparentes, coupes classiques et toile épaisse... La marque a toujours privilégié la sobriété, l'intemporel. Seulement deux modèles masculins sont proposés, le Célestin, l'authentique et l'Alphonse, plus moderne, qui se déclinent en plusieurs tons. «Les froufrous, les jeans déchirés, mon père m'a dit: “Moi vivant, jamais”». Jean-Jacques tempère: «On ne veut pas être ringards, même le modèle le plus basique évolue».

La découpe de la toile. Paul Carcenac/LE FIGARO

Aujourd'hui, pour répondre à la demande toujours plus forte, le jeune repreneur voit les choses en grand. Avant la fin de l'année 2016, il espère ouvrir un nouvel atelier, bien plus spacieux. La question de l'emploi devrait se poser rapidement. «1500 jeans achetés dans l'année équivaudront à une embauche. Pour 3000, c'est deux. Pour 6000 jeans, c'est quatre», détaille Julien. Le travail est contraignant. Mais pour l'instant, la qualité de vie est sans équivalent. «Pas de prise de tête, estime Jean-Jacques. La seule contrainte c'est la qualité. Si je veux aller cueillir des champignons dans la montagne le matin, je resterai plus tard à l'atelier après souper».

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