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«J'ai perdu 270 euros d'APL en janvier, je ne comprends pas»

Après un article de «CheckNews» consacré à la baisse des APL dénoncée (à tort) comme un effet de la réforme des aides au logement par certains internautes, un lecteur nous fait part de son cas et de son incompréhension.
par Service Checknews
publié le 8 février 2020 à 8h14

Bonjour,

Jeudi, CheckNews publiait un article à propos des nombreux internautes se plaignant de la baisse de leur aide personnalisée au logement en janvier, et l'imputant pour certains à la réforme annoncée des APL, qui prévoit de calculer le montant de l'aide en fonction des revenus du trimestre précédent, et non comme aujourd'hui en fonction des revenus de l'année N-2.

La réforme n'est pas en cause, écrivions-nous dans notre réponse. Tout simplement parce que sa mise en place a été décalée au 1er avril. Les modes de calcul n'ont donc pas (encore) changé. Le niveau d'allocation se calcule donc toujours, de manière générale, en fonction des revenus de l'année N-2. Après la réforme, il le sera effectivement en fonction des revenus du trimestre précédent.

Mais plusieurs lecteurs n’ont pas été convaincus par notre réponse, objectant que le montant de leur allocation a bien été modifié par rapport à des évolutions récentes de leur situation, et suspectant donc une application anticipée de la réforme, voire un bug.

C'est le cas de Pierre (le prénom a été modifié), qui nous a écrit pour nous détailler sa situation. «J'ai été étudiant de septembre 2014 à Août 2019 en école d'ingénieur, aucun revenu pendant cette période mis à part des stages ou job d'été (insuffisants pour dépasser les plafonds). J'ai été embauché en CDI en août 2019 (annuel brut de 31 500) et ne reçois donc un salaire que depuis cette date. Je suis bénéficiaire des APL depuis le début de mes études. Lorsque j'ai transmis à la CAF mon nouveau statut de salarié en août, mes APL ont été recalculées à 270 euros par mois, que j'ai touchés jusqu'à fin décembre. Début janvier, j'ai reçu un courrier de la CAF me signifiant qu'après consultation de mon salaire je n'avais plus droit aux prestations.»

Effets d’aubaine

Comment expliquer la prise en compte d’une modification récente, si le mode de calcul est censé s’appuyer sur l’année 2018, interroge Pierre, qui suspecte un bug lié à la réforme à venir, ou une anticipation de cette dernière.

En fait, cela n'a rien à voir avec la réforme, qui n'est pas en cause, pour les raisons déjà évoquées. Le cas de Pierre s'explique par un mécanisme dérogatoire, qui existe depuis de nombreuses années (mais que nous n'évoquions pas dans notre première réponse). Certaines personnes, qui avaient de faibles revenus, et qui voient leur situation financière évoluer de manière significative, se voient appliquer une «évaluation forfaitaire», qui sert pour le calcul de leur allocation dès l'année suivante. L'idée est d'éviter les effets d'aubaine de personnes percevant depuis peu un salaire, en même temps qu'une aide calculée sur la base d'une période où l'intéressé(e) n'avait pas de revenus.

Voici ce qu'explique la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), contactée par CheckNews : «Lorsque les ressources de l'année de référence sont inférieures à un certain montant (1015 x le smic horaire brut au 31 décembre de ladite année) alors que le bénéficiaire exerce une activité professionnelle le mois précédant l'ouverture de droits ou le renouvellement des droits (en janvier), une "évaluation forfaitaire" est pratiquée pour tenir compte de la situation actuelle. C'est-à-dire que le montant des revenus annuels est reconstitué de manière fictive à partir du bulletin de salaire du mois précédant l'ouverture de droit ou du mois de novembre lors des renouvellements. Ce montant évalué (12 x le montant du salaire mensuel) vient alors se substituer aux ressources réelles de l'année de référence.»

Dispositif régulièrement contesté

Dans le cas de Pierre, qui ne touchait pas d’argent en 2018, la Cnaf a pris en compte le changement de statut et de rémunération intervenue en août, effectué une reconstitution «théorique» de son revenu sur l’année (en multipliant son nouveau salaire mensuel par douze). Et a calculé son APL par rapport à ce nouveau revenu, et non pas ceux de 2018. Ce revenu étant au-dessus du plafond, l’APL a donc été supprimée.

Ce dispositif, ajoute la Cnaf, existe depuis 1978. Il est régulièrement contesté par des allocataires. Dans un arrêt du 18 juin 2018, le Conseil d’Etat précisait que l’évaluation forfaitaire ne pouvait pas s’appliquer en cas de revenus faibles et épisodiques. La plus haute autorité administrative avait été saisie du cas d’une artiste peintre qui, en 2014, ne percevait aucune ressource et en 2015, avait bénéficié d’un excédent issu de son activité à hauteur de 2 712 euros. La CAF, en dépit du fait que les revenus de la personne concernée étaient irréguliers, avait procédé à l’évaluation forfaitaire pour suspendre ses droits à l’APL. Une décision qui avait été annulée.

Cordialement

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