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Retraites : bataille de communication entre les avocats et le gouvernement

Le Premier ministre reçoit ce mardi soir les avocats, qui sont toujours en grève contre la réforme des retraites. Le gouvernement demande à la Chambre nationale des professions libérales de retirer son simulateur de pensions, qu'il juge « incomplet et biaisé ».

Les avocats sont en grève depuis janvier pour préserver leur régime autonome de retraite.
Les avocats sont en grève depuis janvier pour préserver leur régime autonome de retraite. (SEVGI/SIPA)

Par Solveig Godeluck

Publié le 4 févr. 2020 à 18:02Mis à jour le 4 févr. 2020 à 18:03

A la guerre comme à la guerre. D'un côté, un gouvernement qui pousse son projet de système universel de retraite . De l'autre, des avocats qui défendent un régime autonome original et redistributif, et multiplient les actions depuis début janvier, du jeté de robes noires aux « défenses massives » d'accusés. Dans cet affrontement très médiatisé, le nerf de la guerre, ce sont les données chiffrées, que chacun est tenté d'accommoder à sa façon.

Un audit commandé par le Conseil national des barreaux (CNB) au cabinet Ernst & Young a montré en janvier que contrairement à ce que répétaient les professionnels, les projections de pension et de cotisations du gouvernement étaient plutôt réalistes.

Dernier rebondissement en date, le secrétaire d'Etat aux Retraites, Laurent Pietraszewski, a écrit lundi à la Chambre nationale des professions libérales (CNPL), qui réunit 35 syndicats représentatifs, pour lui intimer de suspendre la mise en ligne de son simulateur de retraites d'avocats, un outil mettant en évidence une forte hausse des cotisations et une baisse des pensions, jugé « grossièrement erroné ».

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Mise au point

« Je crois devoir appeler votre attention sur la responsabilité que prend ainsi la CNPL tant au plan du droit qu'à celui du devoir, que nous partageons tous, de contribuer loyalement au débat démocratique », écrit le secrétaire d'Etat dans ce courrier dont « Les Echos » ont eu connaissance.

Un rappel à l'ordre très ferme, alors qu'une nouvelle réunion doit se tenir mardi soir à Matignon avec les représentants des avocats pour tenter de trouver une sortie de crise. Une première rencontre la semaine dernière avec le Premier ministre s'était soldée par un échec , les avocats continuant de demander le maintien de leur régime autonome.

Des « omissions » qui enjolivent le régime actuel

Premier grief, le simulateur qui provoque l'émoi des avocats ne tient pas compte de l'abattement de 30 % de l'assiette de cotisation, présenté l'année dernière dans les concertations et détaillé dans l'étude d'impact annexée au projet de loi de réforme des retraites. Il permet pourtant de limiter fortement la hausse de charges tout en améliorant les pensions.

Le simulateur ne tient pas compte non plus des hausses de cotisations programmées par la caisse professionnelle (CNBF) jusqu'en 2040 afin d'assurer la viabilité d'un régime autonome dont la démographie est en train de devenir moins favorable. Il ignore également que pour faire des économies, les avocats ont décidé de dégrader la valeur de service du point par rapport à la valeur d'achat, chaque année.

Une photographie tirée du rapport Delevoye

Pointant le choix du CNBF d'offrir un rendement élevé au moment de la liquidation, tout en ralentissant la revalorisation des retraites, Laurent Pietraszewski souligne que la pension de base forfaitaire de 17.000 euros par an est condamnée à décroître. « Par ailleurs, selon les propres projections actuarielles de la CNBF, à partir de 2059, le régime de base ne disposera plus de réserves et sera en déficit », souligne-t-il.

Daniel-Julien Noël, avocat de profession et président de la CNPL, est outré de la teneur de ce courrier gouvernemental et ne compte pas retirer son simulateur : « On ne se laissera pas humilier », explique-t-il aux « Echos ». Ce logiciel a été construit en septembre sur la base du rapport Delevoye de juillet, encore imprécis, rappelle-t-il.

La Chambre a essayé de « faire au mieux » pour pallier l'absence d'outil gouvernemental, se défend-il, accusant les cas-types fournis dans l'étude d'impact d'être « bizarrement toujours favorables ». « On s'est contentés de faire une photographie du système actuel et du système futur, parce que pour faire un simulateur dynamique, il faudrait une ingénierie informatique telle que même le gouvernement n'y parvient pas », se justifie-t-il.

Le CNB prend ses distances

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Quant au CNB, qui mène la fronde des avocats depuis le début du débat sur la réforme des retraites, il a pris ses distances avec l'initiative de la CNPL, et n'a pas relayé le simulateur, ni sur son site, ni sur les réseaux sociaux. « Nous essayons surtout de comprendre comment le gouvernement fait ses calculs », indique-t-on au Conseil.

Après quatre semaines d'une grève qui a conduit au report de nombreuses audiences, le CNB doit se réunir vendredi en assemblée générale pour décider des suites du mouvement. Sa poursuite dépendra en grande partie de l'issue des discussions à Matignon ce mardi soir.

Solveig Godeluck et Ingrid Feuerstein

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