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Coronavirus : tout ce qui change pour les millions de salariés en chômage partiel
GARO / Phanie / Phanie via AFP

Coronavirus : tout ce qui change pour les millions de salariés en chômage partiel

Air bag anti-licenciements

Par , Grand reporter social

Publié le

Plus de 11,7 millions de salariés ont été placés en chômage partiel (ou activité partielle) par leurs employeurs, a indiqué ce 4 mai la ministre du Travail sur France Info. Du jamais vu ! Du coup, depuis le 1er mai, puis au 1er juin, le gouvernement ajuste les paramètres de ce dispositif social, l'un des plus généreux en Europe.

C'est l'air bag déclenché par le gouvernement pour dissuader les entreprises, stoppées net dans leur activité par le confinement, de licencier massivement leurs employés. Invitée ce 4 mai de France Info, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a indiqué que 11,7 millions de salariés tricolores sont désormais placés en "activité partielle" ou chômage partiel à la demande de leurs employeurs. Du jamais vu ! Et ce n'est pas fini. Depuis le 1er mai, ils ont été rejoints dans ce dispositif par deux millions de salariés supplémentaires : des parents d'enfants de moins de 16 ans qui n'ont pas de solution de garde pour leur progéniture, des salariés vulnérables et leurs aidants, qui jusqu'ici avaient été placés en arrêt de maladie. Les travailleurs indépendants, les travailleurs non-salariés agricoles, les artistes-auteurs, stagiaires de la formation professionnelle et dirigeants de société relevant du régime général devront renouveler le cas échéant leur demande de congé maladie.

Invitée ce 4 mai de France Info, la ministre du Travail a par ailleurs assuré que le chômage partiel ne s’arrêtera pas à la fin du mois de mai : « Il va accompagner la reprise et le niveau d’indemnisation des salariés ne changera pas ». Toutefois, comme l'Etat et la caisse de chômage de l'Unedic redoutent le coût faramineux de ce dispositif - parmi les plus généreux d'Europe : près de 26 milliards d'euros pourraient avoir été dépensés sur deux mois de confinement-, le gouvernement se prépare à en ajuster les paramètres à la baisse dès le 1 juin. Le point sur ce que l'on sait. Et les pistes de réflexion...

Quel est le montant de votre indemnisation ?

Au chômage partiel, votre employeur doit à minima vous verser 70% de votre salaire brut jusqu'à 4,5 Smic, soit 84% du salaire net. Attention cependant, cette indemnisation est calculée sur la base de 35 heures par semaine, sauf si la convention de votre métier, ou le contrat de votre entreprise en dispose autrement ; ce qui est le cas notamment pour l'hôtellerie, la restauration, le service à la personne. En revanche, si vous touchez le Smic, vous le percevrez en intégralité. Dans le même esprit, la rémunération des apprentis et salariés en contrat de professionnalisation inférieure au Smic, est également préservée.

Votre employeur complète-t-il votre rémunération ?

Votre employeur sera remboursé par l'Etat à hauteur de 70% de votre salaire brut. Sur ses deniers, votre entreprise peut aussi compléter votre rémunération à 100% afin de maintenir votre pouvoir d'achat. Certains le font de leur propre chef, la plupart négocient des contreparties avec vos représentants syndicaux.

L'indemnisation au chômage partiel ne porte pas de droit à retraite.

Las, l'allocation que vous percevez au titre du chômage partiel n'ouvre pas de droits à la retraite. Ce qui, dans la durée, pourrait vous empêcher de valider quatre trimestres de cotisations dans l'année. Il faut en effet justifier de 600 heures payées au Smic pour valider une année pleine. Un seuil plus facile à atteindre lorsque l'on travaille à temps plein avec un bon salaire, qu'au smic à temps partiel...

Comment contrôler les déclarations de votre employeur ?

Lorsque vous êtes placé en activité partielle, votre bulletin de paye doit en principe indiquer le nombre d'heures chômées indemnisées au titre de l'activité partielle, le taux appliqué pour le calcul de l'indemnité et le montant correspondant qui vous est versé. Si ces heures ne reflètent pas la réalité de votre travail, cherchez à comprendre d'où vient l'erreur. Pour mémoire, un employeur qui demande à être indemnisé par l'Etat pour des heures de chômage partiel pendant lesquelles ses salariés en réalité travaillaient ou jouissaient de congés payés ou de RTT, peut être condamné à rembourser ces sommes, être privé pendant 5 ans d'aides publiques et sanctionné pénalement.

Le chômage partiel peut être individualisé par l'employeur au sein d'un atelier ou d'un service.

Pour permettre une reprise en souplesse, votre direction peut vous maintenir en chômage partiel alors que vos collègues de service ou d'atelier reprennent leur poste. Et inversement. Du moins si votre CSE, le Comité social et économique a émis un avis favorable aux demandes de votre employeur, ou si un accord collectif a été signé. "Cette individualisation du chômage partiel pensé à l'origine pour protéger le collectif posera des problèmes si elle perdure sur plusieurs mois", affirme Jean-François Foucart (CFE-CGC). Le dirigeant syndical redoute en effet que les chômeurs qui seront individuellement placés en activité partielle, ne soient plus jugés comme indispensables à moyen terme au fonctionnement de leurs entreprises. Et soient, à terme, licenciés à mesure que leurs employeurs réorganiseront leurs procès de production pour vivre avec le Covid-19.

Ce qui va changer dès le 1er juin :

Première annonce, les parents d'enfants de moins de 16 ans qui voudront rester en activité partielle devront présenter une attestation de l'école de leur enfant, indiquant que leurs fils et filles ne peuvent être accueillis dans leur établissement scolaire. Dans le cas contraire, ils perdront leur droit à indemnisation au titre du chômage partiel.

Premières pistes de réflexion

Pour réduire le coût du chômage partiel pour les finances publiques, et limiter les effets d'aubaine qui pénaliseraient la reprise, le gouvernement veut que les entreprises assument un reste à charge croissant de l'aide déployée. Progressivement, dans les secteurs d'activité qui récupèrent, l'Etat devrait donc rembourser les entreprises qui placent leurs employés en chômage partiel à moins de 70% de leur rémunération. "En revanche, à ce stade, il n'envisage pas de réduire son soutien au chômage partiel des secteurs les plus pénalisés par la crise sanitaire, tels les restaurants, les bars, les activités culturelles ou événementielles", confie Yves Veyrier, le secrétaire général de Force Ouvrière.

Mais les débats entre économistes font déjà rage. Dans une tribune publiée parle Monde, Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo martèlent ainsi que les revenus liés au chômage partiel doivent être, ramenés à des niveaux comparables à ceux pratiqués en Allemagne. "Dès le mois de juin, le plafond des rémunérations couvertes doit être abaissé à deux fois le Smic et une partie du coût du dispositif doit être supportée par les entreprises, même si on peut imaginer qu’elles n’en seraient redevables que l’année prochaine, en 2021", écrivent-ils. Une discussion qui va monter en puissance très rapidement.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne