Repousser le plus possible le moment du départ en maison de retraite, surtout dans un Ehpad-mouroir, et vivre de manière autonome en conservant de riches relations sociales sans peser sur ses enfants, tous les plus de 60 ans y réfléchissent. « Avec deux couples d’amis, à l’approche de la retraite et nos enfants étant installés dans la vie, nous avons envie de vieillir ensemble, profiter de ce que nous sommes encore en pleine forme pour créer un habitat collectif où nous pourrons partager des moments mais aussi des moyens et des charges », explique Philippe Jacquier, galeriste à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Les résidences avec services pour seniors, trop commerciales et standardisées, ce n’est pas pour eux, ces baby-boomeurs qui ont parfois, dans leur jeunesse, vécu en communauté et en conservent un bon souvenir.
Christian Bidaud, 60 ans, enseignant, a publié sur le site écologiste Terra eco une annonce pour partager sa grande maison de 130 mètres carrés, avec jardin, située près de Montpellier et où il vit seul : « Pendant la crise du Covid, j’ai vu que le lieu se prêtait bien à la cohabitation. J’ai eu une douzaine de réponses à mon annonce, dont la plupart de seniors. Il y a une demande… Je réfléchis, en outre, avec un ami, à un projet d’éco-lieu pour seniors proposant beaucoup d’animations et d’activités culturelles. »
Sans réponse
« J’habiterais en Allemagne ou aux Pays-Bas, j’aurais tout de suite trouvé une colocation pour seniors, car ce mode d’habitat collectif y est beaucoup plus développé, mais là où je cherche, en Normandie, je me rends compte que c’est très difficile », regrette Andréane, Parisienne de 76 ans, dont les annonces sur le même site restent sans réponse.
Richard Horbette est le fondateur de Locservice, plate-forme de mise en relation de candidats colocataires. Il constate que « 6 % des demandes émanent de retraités d’en moyenne 66 ans et 1 611 euros par mois de revenu. Leur motivation première est certes de réduire le budget logement mais l’aspect social est très important, ils veulent rencontrer de nouvelles personnes et ne pas vivre seuls ».
« La génération qui dépasse 60 ans et a été elle-même confrontée à la grande vieillesse de ses parents, veut anticiper la sienne » – Jacqueline Decultis, fondatrice des Maisons Marguerite
« La génération qui, aujourd’hui, dépasse 60 ans et a été elle-même confrontée à la grande vieillesse de ses parents, veut anticiper la sienne », analyse Jacqueline Decultis, ancienne infirmière et directrice d’une société de services à domicile. Elle a fondé, en 2015, les Maisons Marguerite, de grandes et belles bâtisses, anciennes cures, hôtels ou maisons de maîtres, avec jardin, situées dans des bourgs ruraux. Il en existe déjà sept, bientôt dix, qui accueillent des colocations de huit à neuf seniors d’en moyenne 87 ans, soutenus et aidés par trois salariés à demeure. « J’ai constaté que, dès qu’ils arrivent ici, après une période d’adaptation, ils vont mieux, assure Mme Decultis. La clé, c’est une bonne maîtresse de maison qui aplanit les difficultés, les petits agacements quotidiens, car, bien sûr, il y en a, et surtout est bonne cuisinière, sachant, avec l’aide des habitants, leur concocter leurs plats préférés, avec les fruits et légumes du potager », confie-t-elle.
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