Chômage partiel : un «palier» atteint, la chasse aux fraudes lancée

La ministre du Travail a confirmé ce mercredi une réduction progressive de la prise en charge à partir de juin, à laquelle s’oppose le Medef. Par ailleurs, les contrôles seront renforcés pour détecter les fraudes et erreurs.

 Cette baisse de la prise en charge devra, selon la ministre, être entamée à partir de juin.
Cette baisse de la prise en charge devra, selon la ministre, être entamée à partir de juin. LP/Fred Dugit

    Il s'agit à présent d'« accompagner la décrue », avec une réduction progressive de la prise en charge par l'Etat, a prévenu ce mercredi matin Muriel Pénicaud. Selon la ministre du Travail, les demandes de chômage partiel ont en effet atteint cette semaine « un palier », avec 12,4 millions de salariés concernés. Et Bercy de préciser dans l'après-midi que les contrôles seraient renforcés pour détecter les éventuelles fraude, tant le dispositif ne peut être financièrement pérenne. Des contrôles accrus qui seront supervisés par le ministère du Travail.

    A l'heure du déconfinement, cette mesure exceptionnelle, qui coûte à l'Etat, devra doucement disparaître pour revenir à un seuil d'avant Covid-19. Et cette baisse de la prise en charge devra, selon Muriel Pénicaud, être entamée à partir de juin. Ce à quoi le Medef, syndicat des patrons, s'oppose.

    « Ça commence à sentir la reprise »

    Selon la Dares (le service statistiques du ministère), au 11 mai, un million d'entreprises avaient déposé des demandes d'activité partielle pour 12,4 millions de salariés, soit 300 000 salariés de plus en une semaine. Une hausse qui se ralentit toutefois nettement par rapport aux semaines précédentes.

    « On a atteint le palier », a ainsi estimé sur France 2 Muriel Pénicaud, pour qui « ça commence un tout petit peu à sentir la reprise ».

    Cela ne signifie pas que tous ces salariés seront effectivement mis en chômage partiel. L'employeur demande d'abord une autorisation large pour un certain volume de salariés, et ultérieurement une demande d'indemnisation pour les heures réellement chômées. Pour le mois de mars, seuls 48 % des salariés couverts par une demande d'autorisation ont ainsi pour l'instant été placés en activité partielle ce mois-là.

    Réouverture de 400 000 commerces

    La Dares souligne que toutes les demandes d'indemnisation pour mars n'ont toutefois pas encore été déposées, les entreprises ayant un an pour le faire.

    Selon la ministre, 400 000 commerces rouvrent cette semaine, 50 % des chantiers ont repris et l'industrie tourne à 60 %. « On est sur la voie de la reprise, il faut l'encourager et l'accélérer », a-t-elle jugé.

    Baisser la part de remboursement aux entreprises

    Afin « d'encourager le système à repartir », elle a confirmé que d'ici « la fin de la semaine » le gouvernement déciderait de faire « évoluer de façon progressive » le dispositif de chômage partiel à partir de juin en « baissant un peu » la part de remboursement aux entreprises.

    Les salariés du privé mis au chômage partiel par leur entreprise bénéficient actuellement d'une garantie de 84 % du salaire net (100 % au niveau du Smic), que l'Etat et l'assurance chômage remboursent intégralement aux employeurs dans la limite de 4,5 Smic.

    Contre-productif ?

    Selon des économistes, ce remboursement intégral aux employeurs pourrait freiner la reprise en incitant ceux-ci à ne pas reprendre leur activité tant que celle-ci ne serait pas jugée assez rentable.

    Le Medef juge pour sa part la modification du dispositif prématurée. « Commencer à diminuer le niveau de prise en charge le 1er juin serait une erreur majeure parce que, dans une quinzaine de jours, les entreprises tourneront encore à un rythme faible. Il faut maintenir en l'état le dispositif de chômage partiel jusqu'à l'été », estime auprès du Monde son président, Geoffroy Roux de Bézieux. « Car si on arrête le chômage partiel, le risque, c'est le chômage tout court », prévient-il.

    Des contrôles renforcés

    En début de soirée, le ministère a par ailleurs communiqué sur un renforcement du contrôle sur les demandes de chômage partiel pour détecter les fraudes ou les erreurs « compte tenu de l'importance du soutien financier apporté par les pouvoirs publics » aux entreprises, a-t-il fait savoir.

    « La mise en activité partielle de salariés auxquels il est demandé parallèlement de (télé)travailler, ou des demandes de remboursement intentionnellement majorées par rapport au montant des salaires effectivement payés, figurent parmi les principales fraudes identifiées par l'administration », souligne le ministère.

    Une instruction a été adressé aux Direccte (directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi) « afin de leur présenter les objectifs du plan de contrôle qu'elles auront à mettre en oeuvre dans leurs territoires et leur rappeler les outils juridiques dont elles disposent ». Et les Direccte devront « distinguer entre les entreprises qui, de bonne foi, ont fait des erreurs lorsqu'elles ont renseigné leurs demandes d'indemnisation, et celles qui ont fraudé ».

    Des fraudes mais aussi des erreurs

    Dans le premier cas, il est demandé « d'engager un dialogue avec l'entreprise en vue d'une régularisation à l'amiable » et « la situation financière de l'entreprise sera prise en compte dans les modalités de remboursement ».

    « Dans les cas de fraudes, pour lesquelles l'élément intentionnel constitutif de l'infraction devra être constaté, des sanctions pénales (jusqu'à 2 ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amendes) et administratives (remboursement des aides et exclusion du bénéfice des aides jusqu'à 5 ans) pourront être prononcées à l'encontre de l'entreprise et/ou du responsable », rappelle le ministère.