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Réforme des retraites : dialogue de sourds entre les avocats et le gouvernement

La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a demandé  samedi aux avocats de suspendre leur mouvement, en insistant sur les gestes consentis par le gouvernement. Les dernières propositions de l'exécutif ont été rejetées à l'unanimité par les professionnels en assemblée générale vendredi.

Les avocats continuent à s'opposer à la mise en place d'un système universel de retraite.
Les avocats continuent à s'opposer à la mise en place d'un système universel de retraite. (PHILIPPE DESMAZES/AFP)

Par Solveig Godeluck

Publié le 8 févr. 2020 à 08:16Mis à jour le 9 févr. 2020 à 11:29

Une nouvelle semaine difficile s'annonce dans les tribunaux un peu partout en France. Les négociations entre le gouvernement et les représentants des avocats n'ont toujours pas permis de débloquer la situation et la grève est partie pour durer. Les robes noires réunies en assemblée générale vendredi soir ont voté la poursuite de leur mouvement contre la réforme des retraites , à l'unanimité. Une poursuite de la mobilisation qui la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a dit, samedi, dans un communiqué assez sec, «regretter», en insistant sur les nouveaux gestes consentis dans la semaine par le gouvernement. 

La garde des Sceaux a demandé «maintenant une suspension du mouvement». Sa poursuite «contribue à dégrader le fonctionnement du service public de la justice au détriment des justiciables et à tendre les relations entre les avocats, d'une part, et les magistrats et les greffiers, d'autre part», a-t-elle pointé, en appelant «à la responsabilité de chaque avocat au sein de son barreau (...)»

Appel à la responsabilité

Nicole Belloubet a rappelé les «trois engagements du gouvernement»: «pas de baisse des pensions»; «pas de doublement des cotisations, ni même d'augmentation brutale»; «maintien de la caisse de retraite des avocats qui restera l'interlocuteur unique de la profession». 

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Pas sûr que cela suffise à convaincre les avocats très inquiets pour leur avenir et très remontés contre l'exécutif. Vendredi, les avocats ont toutefois accepté de continuer à discuter d'éventuels scénarios d'intégration dans le régime universel de retraite.

Parmi les sujets de fâcherie évoqués en assemblée générale, le fait que « le gouvernement continue à communiquer sur les hausses de pensions », alors que ce sont les hausses de cotisations qui inquiètent ; « l'insécurité financière du système proposé » ; « les cas types choisis, plutôt qu'un vrai simulateur de situations individuelles », explique une source proche du Conseil national des barreaux (CNB).

Le projet de loi Asap critiqué

Le sort de la CNBF, la caisse de retraite des avocats, est aussi un sujet de préoccupation majeure. Le gouvernement a garanti aux avocats qu'ils pourraient la conserver, avec la responsabilité pleine et entière des générations nées avant 1975, une délégation de gestion pour les affiliés au régime universel, et des responsabilités en termes de solidarité. « Mais nous n'avons aucune garantie sur la capacité de la CNBF à payer les pensions des assurés nés avant 1975 », explique la source proche du CNB. En effet, comme toutes les caisses de retraite, la CNBF aura besoin des transferts financiers de la caisse universelle pour verser les prestations.

Malgré leur colère, les avocats ont accepté l'invitation du gouvernement à ouvrir des discussions sur l'évolution du métier, avec des questions telles que les droits de plaidoirie, l'exécution provisoire des décisions de taxation d'honoraires, ou l'aide juridictionnelle. Toutefois, ils ont posé un préalable : le gouvernement devra retirer l'article 45 du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap), qui lève l'interdiction faite aux assureurs d'intervenir entre leurs clients et les avocats de ces derniers. « Cela a été vu comme une provocation en pleine grève, un manquement de la chancellerie. On jette de l'huile sur le feu », explique la source proche du CNB.

Deux propositions pour les salaires les moins élevés

Les avocats demeurent opposés au principe même du système de retraite universel, et à la disparition progressive de leur régime autonome. La principale difficulté rencontrée tient au taux de cotisation pour la retraite des avocats qui gagnent moins de 3.400 euros par mois, qui va beaucoup augmenter. Il doit doubler d'ici à 2040, à 28,1 %. La moitié de cette hausse de 14 points va cependant être annulée via un calcul plus favorable de l'assiette de la CSG. Restera une hausse de 7,5 %. Soit l'équivalent des hausses de cotisations déjà programmées par la CNBF (+2,1 % jusqu'en 2029), plus l'alignement au niveau du système universel (+5,4 % pendant les dix années suivantes).

Deux solutions ont donc été proposées par le gouvernement pour amortir le choc. La première consiste à étaler les hausses dans le temps, de 2020 jusqu'en 2054, soit 34 ans, contre 20 ans pour les autres professions libérales. Mais cela ne fait que reporter à plus tard les difficultés, et nécessiterait de puiser entre 450 et 500 millions d'euros dans les réserves constituées par la caisse des avocats, autrement dit, siphonner un quart de leur bas de laine.

La deuxième option est plus conforme à l'esprit solidaire du régime des avocats, qui offre à tous un forfait de 17.000 euros de pension annuelle de base. Le surcroît de cotisation des avocats à bas revenus serait entièrement pris en charge par les avocats les plus aisés (plus de 6.700 euros par mois). Leur cotisation, censée baisser dans le système universel, serait en fait maintenue au profit des bas revenus. Cela pourrait passer par un mécanisme de taux d'appel supérieur à 100 % pour les uns, et inférieur pour les autres. Toutefois, aucune de ces pistes n'a pour l'instant été adoubée par les avocats.

Solveig Godeluck 

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