A Dacca, des chauffeurs de cyclopousse ont pris le risque de transporter des clients avant de se faire tabasser par la police. Au Kenya, les forces de l’ordre ont dû recourir aux gaz lacrymogènes pour contraindre les habitants à rester chez eux. Dans les pays pauvres et émergents, le confinement est difficile à faire respecter. Il ne prive pas seulement de la liberté ; il empêche ceux qui n’ont ni épargne, ni protection sociale, comme les employés domestiques, chauffeurs, ramasseurs de déchets, de vivre et de se nourrir.
Les travailleurs du secteur informel représentent entre 60 et 90 % de la population active selon les régions. Les trois quarts d’entre eux − soit 1,6 milliard de personnes − pourraient voir leurs revenus anéantis par la crise, prévient l’Organisation internationale du travail (OIT).
Le prix à payer pour rester chez soi, sans salaire ni aide sociale, est si lourd que sortir travailler est une question de survie. Les deux premières victimes de la pandémie de Covid-19 au Rwanda ne sont pas mortes du virus. Elles sont tombées sous les balles de la police pour avoir bravé le confinement. La crise économique semble tellement plus menaçante que le Covid-19, dont le nombre de cas enregistrés est bien inférieur dans les pays pauvres qu’en Europe et aux Etats-Unis. Au 5 mai, le continent africain n’a compté officiellement que 47 118 contaminations, soit 25 fois moins qu’aux Etats-Unis, dont 1 843 décès.
Pas de filet de sécurité
La crise économique a frappé les pays pauvres, avant même que le Covid-19 ne s’y répande. Kristalina Georgieva, la directrice du Fonds monétaire international (FMI) a prévenu que la pandémie aurait un « impact monumental » en Afrique, qui devrait connaître en 2020 sa première récession depuis vingt-cinq ans. Certains économistes se demandent même si le confinement dans ces régions ne va pas sacrifier davantage de vies qu’il va en sauver. Le think tank américain Center for Global Development a ainsi calculé que la baisse du PIB entraînée par la pandémie pourrait y provoquer la mort supplémentaire de 100 000 à 200 000 enfants. Difficile de dire combien d’emplois seront détruits tant les économies de ces pays sont informelles et échappent aux statistiques. Difficile d’évaluer aussi, l’impact sur la pauvreté, l’éducation, la santé, voire le taux de mortalité.
« Nous n’avons jamais vu autant de gouvernements venir en aide aux travailleurs de l’économie informelle » Laura Alfers, de l’ONG Wiego
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