Financement de la dépendance : vers une cinquième branche de la Sécurité Sociale

Dans un EHPAD proche de Montpellier le 28 mai 2020.  ©Maxppp - Guillaume Bonnefont
Dans un EHPAD proche de Montpellier le 28 mai 2020. ©Maxppp - Guillaume Bonnefont
Dans un EHPAD proche de Montpellier le 28 mai 2020. ©Maxppp - Guillaume Bonnefont
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Qui dit lundi de Pentecôte dit aussi journée de solidarité pour financer la dépendance. Cette question de la prise en charge des personnes âgées et handicapées va peut-être redevenir une priorité, en raison de la crise sanitaire.

La journée de solidarité est devenu un marronnier comme on dit dans le jargon journalistique, c’est à dire un sujet qui revient tous les ans à la même époque (même si depuis 2008 cette journée n’est plus nécessairement fixé le lundi de Pentecôte). Et c’est bien souvent une des rares occasions de parler de la perte d’autonomie et de sa prise en charge, sujet trop souvent oublié le reste du temps. 

Mais cette année, la pandémie de Covid-19 a remis en lumière les problèmes criants dans les EHPAD et le rôle crucial des structures d’accompagnement des personnes handicapées. Le sujet du financement de la dépendance est donc revenu  en haut de la pile. 

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Et la création d’une cinquième branche de la Sécurité Sociale, tant de fois annoncée, est peut-être en train de se concrétiser. Mercredi dernier en conseil des ministres, deux projets de loi sur la dette sociale et l’autonomie en ont ainsi acté le principe.  "Je pense que c'est un jour important pour l'Histoire de notre Sécurité Sociale en concrétisant enfin une nouvelle, une grande, une belle ambition sociale" a commenté le ministre de la santé Olivier Véran. 

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Que prévoient précisément ces textes ? 

Le gouvernement doit transmettre au Parlement un rapport précisant les conditions de création de cette cinquième branche (aux côtés de la famille, la maladie, les accidents du travail et les maladies professionnelles, ainsi que la retraite). Un rapport qui doit être remis d’ici au 30 septembre. Un délai court, mais qui doit permettre une concertation avec les parties prenantes. Ses préconisations pourront ensuite être traduites dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale discuté à l’automne. Donc pour l’instant, on en est à un stade très préliminaire : pas encore de détails sur le fonctionnement de cette nouvelle branche. 

Ces textes gravent également dans le marbre une nouvelle ressource pour la prise en charge la dépendance. Une fraction de la CSG (0,15 points) aujourd’hui destinée à la CADES, l’organisme qui finance la dette de la Sécurité Sociale, sera ainsi allouée au financement du grand âge, ce qui représente 2 milliards d'euros. Mais ce sera effectif à partir de 2024. 

En outre, cette somme ne sera pas suffisante. Il faudra donc trouver de nouvelles ressources avant et même après 2024, alors que les besoins se chiffrent en milliards d'euros. 

Selon les préconisations du rapport Libault publié en mars 2019, il faudrait ainsi accroître la dépense publique consacrée à la perte d’autonomie de plus de 6 milliards d’euros par an à compter de 2024 et de plus de 9 milliards à partir de 2030. 

Selon le rapport Libault remis le 28 mars à Agnès Buzyn, la ministre des Solidarités et de la Santé, le nombre de personnes âgées dépendantes pourrait atteindre 2,23 millions en 2050, contre 1,26 en 2015.
Selon le rapport Libault remis le 28 mars à Agnès Buzyn, la ministre des Solidarités et de la Santé, le nombre de personnes âgées dépendantes pourrait atteindre 2,23 millions en 2050, contre 1,26 en 2015.
© Visactu

Il est toujours intéressant de regarder dans le passé. En septembre 2019, Olivier Véran, alors rapporteur du budget de la Sécurité sociale, proposait de flécher une partie de la CSG affectée à la CADES au financement de la dépendance. La CADES devait alors s’éteindre en 2025 !

La crise sanitaire est passée par là et aujourd’hui son extinction est prévue en 2033, avec un transfert de dette de 136 milliards d’euros ! C'est à ce prix que le gouvernement a pu dégager 2 milliards d'euros. 

Une “manipulation comptable” souligne sur son blog l’ancien ministre du budget Christian Eckert. “Il n’y a pas là non plus de miracle, pas d’argent "frais", mais de l’argent rendu facile par un endettement augmenté considérablement et rallongé” analyse t-il.  

Les solutions pour trouver de nouvelles recettes 

Déjà évoquée par le passé, l’idée d’une deuxième journée de solidarité pourrait revenir dans le débat (de quoi rapporter environ 3 milliards d’euros). Il y a deux ans, Emmanuel Macron l’avait qualifié de “piste intéressante”.  

Mais un an plus tard, la ministre de la santé de l’époque Agnès Buzyn avait semblé l’enterrer, tirant les leçons de la crise des gilets jaunes. “Il ressort du grand débat que les Français ne veulent pas que l'on crée de nouveaux prélèvements obligatoires", reconnaissait-elle le 28 mars 2019 devant l'AJIS, l'Association des journalistes d'information sociale. 

Agnès Buzyn avait alors estimé qu’il n’y avait pas d’autres choix que de travailler plus longtemps, pour financer la dépendance. Mais  c’était avant la contestation autour de la réforme des retraites.

Récemment, Laurent Berger de la CFDT a apporté sa contribution au débat, proposant de taxer les successions dès le premier euro.  Une idée énoncée dans une tribune publiée dans les Echos avec le président de la Mutualité française, Thierry Beaudet.

La boîte à idées est donc ouverte mais cette question du financement de la dépendance ne doit pas occulter un chantier au moins tout aussi important : la formation des personnels et la revalorisation des métiers liés à la prise en charge des personnes âgées et handicapées.

Des métiers mal payés, plus sujets que la moyenne aux accidents du travail, et de ce fait peu attractifs : en 6 ans, les candidatures aux concours d’aide-soignant et d’accompagnant éducatif et social ont baissé de 25%, selon le rapport El Khomri publié en octobre dernier.  

C’est donc tout un projet de société qu’il faut bâtir. On a tous les rapports en main, donc les constats et des propositions. Place maintenant à l’action, à la décision, pour un sujet qui nous concerne tous.  

Sur 10 personnes qui décèdent en France, 4 ont connu la perte d’autonomie, dont 2 de façon sévère, et 3 ont vécu leurs derniers jours en établissement, peut-on lire dans le rapport Libault.  Voilà qui montre bien l'ampleur du problème. D’autant que que le nombre de personnes en perte d’autonomie est amené à s'accroître, avec l’entrée dans le grand âge de la génération du baby boom, à partir de 2030.  

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