Que se passe-t-il derrière les portes des foyers de la protection de l’enfance ? Viols entre enfants, passages à tabac par des éducateurs dépassés… Plusieurs scandales ont éclaté, ces dernières années, jetant le discrédit sur ces maisons sociales à caractère social (Mecs). Aussi, lors de l’examen en première lecture du projet de loi « protection des enfants », jeudi 8 juillet, les députés ont voté plusieurs mesures pour accroître les contrôles : vérification systématique des antécédents judiciaires des professionnels, adoption par chaque établissement d’une « politique de prévention », mais aussi création d’un poste de référent que l’enfant pourra saisir en cas de problème, droit de visite impromptue accordé aux élus, etc.

Cela suffira-t-il à faire baisser la pression ? Ces mesures sont, en tout cas, « à la base de tout », estime Marie-Laure de Guardia-Piquemal présidente du Gepso, qui représente les gestionnaires de foyers. Elles sont d’autant plus nécessaires que, malgré son nom, la protection de l’enfance est, en réalité, une activité intrinsèquement violente.

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« Il est toujours compliqué de séparer un enfant de ses parents. Parfois, cette décision n’est pas comprise du tout. Nous accueillons donc des jeunes très en colère, et qui, pour certains, ont toujours vécu dans un contexte violent et n’ont pas de repères », détaille-t-elle.

« Des jeunes forgés dans un climat de violence »

Ce constat est partagé par un récent rapport de l’Institut national d’études démographiques (Ined). Lors d’une vaste enquête menée auprès d’anciens enfants placés, « près d’un tiers des personnes interrogées ont spontanément évoqué avoir été elles-mêmes victimes de violence quand elles étaient placées, explique Isabelle Lacroix, coordinatrice de l’étude. Certaines n’étaient pas conscientes de la gravité des faits à l’époque, parce qu’elles s’étaient souvent forgées, dès le plus jeune âge, dans un climat de violence. »

Redonner des repères clairs aux enfants placés en foyer est au cœur d’un accueil non-violent, estime aussi Marie-Laure de Guardia-Piquemal. Dans le foyer qu’elle dirige, à Perpignan, elle a mené une réflexion de fond avec ses équipes qui a débouché « sur une baisse très nette du niveau de violence », explique-t-elle. Rédaction du règlement entre les éducateurs et les jeunes, travaux d’intérêts général à l’échelle du foyer en cas de non-respect, mais aussi groupes de parole…

Comprendre les mécanismes

« Pour autant, les conditions de travail faites aux équipes et la qualité de leur formation est essentielle. Il est impératif de préciser un taux d’encadrement raisonnable, et d’embaucher du personnel qualifié », explique encore la directrice. Autant de mesures qui ne figurent pas dans le projet de loi actuel, mais doivent être précisées dans un prochain décret.

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Afin de permettre aux jeunes de mieux comprendre leurs droits et leurs devoirs, l’association SOS Villages d’enfants met aussi en place, depuis deux ans, un vaste projet éducatif autour des droits de l’enfant. « Pour l’instant, seuls les éducateurs ont été formés, mais cela change déjà la donne. Par exemple, quand l’un d’eux est mis en cause, on n’est plus seulement dans une mise à l’écart disciplinaire pure et simple, mais on mène une réflexion transversale pour comprendre comment il a pu en arriver là », explique Sylvie Delcroix, référente « Protection de l’enfance ». Les enfants seront aussi formés prochainement et amenés à réfléchir à ce qu’ils peuvent faire ou pas.