INTERVIEWPour Cédric O, « l’intérêt sanitaire » de TousAntiCovid est « validé »

TousAntiCovid : « Entre 500 et 1.000 personnes sont notifiées cas contacts chaque jour », annonce le secrétaire d’Etat au Numérique

INTERVIEWCédric O, le secrétaire d’Etat au Numérique, revient sur la nouvelle version de l’application « TousAntiCovid » et aborde également la lutte contre la haine en ligne après l’assassinat de Samuel Paty
Propos recueillis par Hakima Bounemoura & Hélène Sergent

Propos recueillis par Hakima Bounemoura & Hélène Sergent

L'essentiel

  • Selon les données recueillies par le gouvernement, plus de huit millions de personnes ont téléchargé et activé l’application française destinée à lutter contre le coronavirus depuis le 2 juin dernier.
  • Ce vendredi, l’interface de l’application « TousAntiCovid » va évoluer et les chiffres de l’épidémie à l’échelle départementale seront ajoutés.
  • Dans un entretien accordé à 20 Minutes, , selon Cédric O, le secrétaire d’Etat au Numérique, revient sur ces évolutions et, mobilisé sur la lutte contre la haine en ligne, annonce que certaines dispositions prévues à l’échelle européenne et présentées le 2 décembre prochain seront ajoutées par amendements dans le projet de loi sur les « séparatismes ».

Après des débuts laborieux, l’application de traçage destinée à lutter contre l’épidémie de coronavirus du gouvernement a-t-elle trouvé son public ? Avec 8,4 millions de téléchargements et d’activations comptabilisées depuis le 2 juin, le secrétaire d’Etat au Numérique, Cédric O, salue une « progression », amorcée le 22 octobre dernier avec le lancement d’une version améliorée de cet outil, rebaptisé « TousAntiCovid ».

Si la France se place loin derrière le nombre d’utilisateurs enregistrés en Allemagne ou au Royaume-Uni, l’exécutif s’est toutefois fixé un objectif de 15 millions d’activations à atteindre au début du mois de décembre. Un objectif « ambitieux », concède Cédric O à 20 Minutes mais « loin d’être inatteignable ». Pour y parvenir, le secrétaire d’Etat souhaite que l’application s’impose comme un « outil individuel de gestion quotidienne de l’épidémie pour faciliter la vie des gens » et annonce la mise en place de nouvelles fonctionnalités dès ce vendredi.

Trois semaines après son lancement, quel bilan faites-vous de la nouvelle application de traçage « TousAntiCovid » ?

Il y a une bonne adhésion des Français à la nouvelle version de l’application. Aujourd’hui, on compte plus de 8,4 millions de téléchargements et d’activations. C’est une très bonne chose. Au-delà du nombre d’activations, entre 500 et 1.000 personnes sont notifiées comme étant cas contacts chaque jour et peuvent donc s’isoler et se faire tester. On a également dépassé le seuil des 40.000 personnes qui se sont déclarées positives sur l’application.

Ça valide son intérêt sanitaire et c’est pour cette raison qu’on s’est fixé l’objectif d’être au minimum à 15 millions de téléchargements début décembre. Aujourd’hui, statistiquement, nous avons une personne notifiée cas contact pour deux personnes déclarées positives sur l’appli. C’est encore relativement faible, mais avant la relance de l’application, ce ratio était d’un cas contact notifié pour seize cas positifs déclarés sur l’appli. Donc on progresse.

Pourquoi vous êtes vous fixé cet objectif de 15 millions d’activations à atteindre d’ici un mois ? Est-il réellement atteignable ?

Dans ses modélisations, l’Inserm estime qu’à partir de 20 % d’utilisateurs parmi la population, l’impact de l’application sur la propagation de l’épidémie devient extrêmement significatif. C’est un objectif ambitieux, mais quand on voit que les Britanniques sont à 20 millions de téléchargements et les Allemands à 22 millions de téléchargements, on se dit que c’est tout à fait possible.

Si on a en moyenne 200.000 à 300.000 téléchargements par jour pendant 21 jours, c’est réalisable. Ce n’est pas inatteignable, mais ça nécessite qu’on maintienne la pression et qu’on se mobilise tous. Quand le Premier ministre ou le ministre de la Santé Olivier Véran en parlent, on voit clairement une accélération du nombre de téléchargements. Et quand le président de la République a évoqué l’application le jour de l’annonce du reconfinement, on a presque atteint un million de téléchargements sur trois jours.

Cédric O, le secrétaire d'Etat chargé de la transition numérique et des communications électroniques, le 9 novembre à Bercy.
Cédric O, le secrétaire d'Etat chargé de la transition numérique et des communications électroniques, le 9 novembre à Bercy.  - Isabelle Harsin/SIPA pour 20 Minutes

Des nouveautés vont être ajoutées ce vendredi à l’application. Lesquelles ?

L’interface va changer. Nous allons mettre en avant l’attestation dérogatoire de déplacement. Trop peu de personnes savent qu’elle est désormais accessible de façon préremplie sur l’application. Vous n’avez plus besoin de renseigner vos coordonnées à chaque sortie, elles sont préenregistrées. On va également donner les chiffres départementaux de l’évolution de l’épidémie à partir de demain. Vous pourrez voir combien de nouveaux cas se sont déclarés localement. On va aussi mettre en avant des conseils personnalisés en cas de diagnostic positif et vous pourrez connaître en temps réel le temps d’attente pour obtenir vos résultats dans les laboratoires.

À plus long terme, nous travaillons à la mise en place d’une solution technologique comme alternative aux cahiers de rappel pour les restaurateurs. Avant le reconfinement, les clients devaient laisser leurs coordonnées – nom et téléphone – aux restaurateurs. Les gens ne le faisaient pas vraiment, ou peu, et ce n’était pas très pratique. En Angleterre, lorsque vous rentrez dans un restaurant, vous flashez un QR code avec votre téléphone et vous pouvez ensuite être prévenu automatiquement si quelqu’un a été testé positif parmi les clients qui se trouvaient dans ce restaurant ce jour-là. On cherche à développer une fonctionnalité similaire à travers l’application.

C’est une solution anonyme et cela permet d’éviter les démarchages. La mise en place de cette technologie pourrait utilement accompagner la réouverture de ces établissements sous réserve évidemment que l’on y travaille en concertation avec les professionnels du secteur. On veut vraiment faire de cette application un outil individuel de gestion quotidienne de l’épidémie pour faciliter la vie des gens.

Des fonctionnalités basées sur la géolocalisation des utilisateurs sont-elles à l’étude ?

Non, absolument pas. Nous avons réfléchi à intégrer la cartographie des laboratoires dans l’application. Comme cela nécessitait de se géolocaliser, nous avons préféré ne pas le faire pour ne pas induire de doute dans l’esprit des utilisateurs.

Sur les réseaux sociaux, des utilisateurs ont rapidement fait état de dysfonctionnements : absence de notification de contact avec un cas Covid alors qu’ils vivent avec une personne testée positive et déclarée sur l’application, difficultés à obtenir son QR code avec le laboratoire, etc. Ces problèmes sont-ils résolus ?

Sur la question des personnes qui n’ont pas été notifiées, je vais prendre le cas d’un journaliste qui avait indiqué ne pas avoir été prévenu par l’app et que nous avons étudié de près. Je l’ai appelé, et je lui ai demandé si son téléphone avait été à moins d’un mètre de celui de son épouse, pendant au moins 15 minutes et sur les 48 heures précédant les symptômes. Ce n’était pas le cas.

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Il peut y avoir des moments où l’application ne fonctionne pas car le cadre d’utilisation est assez restrictif. Et on n’a jamais prétendu que l’appli était l’ultime solution à elle toute seule. Elle vient en complément de tout ce qui existe déjà. Il peut arriver que l’application manque un cas contact, mais on estime qu’ils sont remontés à 80 %.

Sur la question des QR codes, il nous a en effet été remonté que certaines personnes ne les recevaient pas dans les temps pour pouvoir se déclarer ensuite positif sur l’appli. Plusieurs raisons peuvent expliquer cela. Pour recevoir ce code, il faut que le laboratoire auprès duquel vous avez fait votre test ait bien renseigné votre e-mail et votre numéro de téléphone. Deux fois sur trois, ça se passe bien et les utilisateurs reçoivent normalement leur QR code. Pour tous ceux qui n’ont pas reçu le leur dans les douze heures qui suivent leurs résultats, ils peuvent appeler leur médecin traitant ou le laboratoire qui a fait le test, et celui-ci pourra le leur délivrer. On sait que pour un tiers des utilisateurs, il y a des problèmes parce que les informations récoltées ne sont pas les bonnes, ou qu’il y a des erreurs de saisie. Nous sommes en train de travailler pour améliorer cela.

Plusieurs études ont pointé une augmentation des messages haineux et discriminatoires sur les réseaux sociaux pendant le premier confinement. L’assassinat de Samuel Paty le 16 octobre dernier a aussi relancé le débat sur la lutte contre ces contenus en France. Un volet numérique pourrait intégrer le projet de loi sur les « séparatismes », qui doit être présenté en décembre. Que contiendra-t-il ?

Nous attendons la présentation d’un projet de texte européen, le Digital Services Act, prévue le 2 décembre prochain. Les dispositions seront ajoutées à la loi sur les « séparatismes » préparée par Gérald Darmanin, en bonne coordination avec la Commission européenne. Le processus législatif européen est long et le texte pourrait ne pas être adopté avant plusieurs mois – même si nous allons tout faire pour qu’il aboutisse d’ici à la présidence française de l’Union européenne début 2022. Il est donc indispensable d’agir dans l’intervalle pour responsabiliser davantage les plateformes.

Que prévoit le projet européen à ce sujet ?

Dans le cadre de cette nouvelle législation européenne, la France promeut une obligation de moyens sur la modération des contenus pour les plateformes et une plus grande transparence de leurs algorithmes. Nous estimons que si un réseau rassemble un nombre important de citoyens français, elle doit avoir un nombre suffisant de modérateurs et doit se doter des moyens nécessaires en interne, sous la supervision des pouvoirs publics, pour agir sur ces contenus.

« « Ce que nous souhaitons ajouter dans le projet de loi, c’est l’obligation de moyens pour les plateformes en matière de modération des contenus haineux » »

Les plateformes ne peuvent pas s’absoudre de leur responsabilité, notamment en ce qui concerne les contenus les plus viraux et les plus violents. Aujourd’hui, nous ne savons pas combien de modérateurs en langue française officient chez Twitter. Et nous sommes incapables de vérifier les chiffres qui nous sont donnés par les autres réseaux sociaux. Ce n’est pas normal. Si cette modération est jugée insuffisante, il faut pouvoir obliger la plateforme à se doter des moyens nécessaires. Et si elle ne le fait pas, il faut la sanctionner financièrement à hauteur d’un certain pourcentage de leur chiffre d’affaires. Ce dispositif était initialement prévu dans la loi Avia.

Cédric O, le secrétaire d'Etat chargé de la transition numérique et des communications électroniques, le 9 novembre à Bercy.
Cédric O, le secrétaire d'Etat chargé de la transition numérique et des communications électroniques, le 9 novembre à Bercy. - Isabelle Harsin/SIPA pour 20 Minutes

Mais cette loi Avia a en grande partie été censurée par le Conseil constitutionnel en juin dernier. Pourquoi tenez-vous à intégrer certaines mesures à ce projet de loi sur les « séparatismes » ?

Une grande partie de la loi Avia a été censurée par voie de conséquence. La censure de l’article 1 qui stipulait qu’on devait retirer les contenus haineux en moins de 24 heures a fait tomber tout le reste du texte qui, sur le fond, n’a pas été censuré.

C’est ce reste de la loi, notamment les dispositions relatives aux obligations de moyens à la charge des plateformes, que nous continuons à pousser au niveau européen et sur lesquelles nous travaillons dans le cadre du projet de loi sur les séparatismes. Si j’en crois les échanges que j’ai eus avec Thierry Breton, le commissaire européen chargé de cette directive, et Margrethe Vestager, la vice-présidente de la commission européenne, nous avons bon espoir de voir ces dispositions intégrer le Digital Services Act.

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