A priori, la critique peut sembler incongrue. Au terme d’une année bouleversée par le Covid-19, la Cour des comptes reproche à l’Etat « des écarts importants entre prévision et exécution » dans la gestion budgétaire de la crise sanitaire. C’est ce qui ressort du rapport sur le budget de l’Etat en 2020, publié mardi 13 avril.
En réalité, la Cour souligne surtout l’écart entre les crédits ouverts par Bercy – et votés par le Parlement – au fil des quatre lois de finances rectificatives (LFR) rédigées entre mars et novembre 2020, et les montants réellement dépensés. Le déficit 2020 de l’Etat – à différencier du déficit public, en ce qu’il ne prend pas en compte le solde des administrations de la Sécurité sociale et des collectivités – s’est finalement établi à 178 milliards d’euros. Un niveau inférieur de 20 % à la prévision du dernier budget rectificatif de novembre 2020, notamment parce que 31,6 milliards d’euros n’ont pas été dépensés. Ils ont été reportés presque en totalité sur 2021, sans être rediscutés par le Parlement, et pas toujours sur les programmes pour lesquels ils avaient été votés. Ainsi, des montants initialement dévolus au chômage partiel ou à la compensation d’exonération de cotisations ont été réaffectés au fonds de solidarité.
« Un manque de réalisme »
« La sous-consommation des crédits en fin d’année reflète, au-delà des incertitudes liées à la crise sanitaire, un manque de réalisme des prévisions budgétaires », écrit la Cour des comptes. Même décalage côté recettes fiscales, où l’exécutif a beaucoup chargé la barque du manque à gagner potentiel lors du troisième budget rectificatif, à l’été, pour engranger en fin d’année un montant de recettes plus important que prévu.
Là encore, souligne la Cour, « ces aléas dans les prévisions (…) renforcent l’intérêt d’une expertise complémentaire de celle du gouvernement, qui permette un examen ex-ante du réalisme des prévisions de recettes et de dépenses ». Le budget ne saurait se comparer à une enveloppe globale, où le gouvernement puise comme il le souhaite, alignant d’une main les milliards au nom du « quoi qu’il en coûte » pour ensuite se targuer d’avoir vu large et les reprendre ou les redistribuer, soulignent en substance les magistrats financiers.
Au total, la Cour a chiffré à 92,7 milliards d’euros l’incidence de la crise sur le budget 2020 de l’Etat, à part à peu près égale entre les dépenses supplémentaires (mesures d’urgence, prises de participations dans Air France, la SNCF ou EDF, aide exceptionnelle de solidarité) et les moindres recettes, notamment fiscales. Par ailleurs, 4,3 milliards d’euros du plan de relance, officiellement lancé en septembre, ont été décaissés par l’Etat en 2020 (4,8 milliards en tenant compte de dépenses de Sécurité sociale).
Il vous reste 37.64% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.