Les Restos du cœur lancent, mardi 24 novembre, leur 36e campagne d’hiver dans un contexte inédit, marquée par la crise économique apparue dans le sillage de l’épidémie de Covid-19. L’année dernière, l’association avait accueilli 875 000 personnes et distribué 136,5 millions de repas. « Je pense que cette année on dépassera le million de personnes », estime Patrice Blanc, son président.
Nés d’une idée de Coluche en 1985, Les Restos du cœur accueillent chaque année les personnes démunies pour la saison hivernale. En fonction de leurs ressources et de la composition de leur famille, elles se voient attribuer des points qui leur donnent droit à des denrées alimentaires.
Pour l’heure, l’association chiffre la hausse des inscriptions pour la campagne d’hiver à + 10 %, les situations étant « variables selon les départements », avec une explosion de la demande en Seine-Saint-Denis (+ 45 %) et à Paris (30 %), selon Patrice Blanc.
« Le premier pas est le plus difficile »
La crise sanitaire et ses conséquences économiques et sociales ont amené des nouveaux bénéficiaires : « Depuis le confinement, on a vu venir les gens qui n’ont plus rien parce qu’ils ont perdu leurs petits boulots », décrit Josiane Le Blond, responsable du centre d’Argenteuil, qui a accueilli 1 500 familles l’année dernière et a enregistré 400 nouvelles inscriptions.
Parmi eux, Farida, 40 ans, marquée par un divorce en juin et la difficulté à trouver un travail dans la restauration. « Le premier pas est le plus difficile », confie la femme, chariot à la main, venue s’inscrire à la campagne d’hiver sur conseil de son assistante sociale.
« La crise financière de 2008 s’était traduite par une augmentation en deux ans de 25 % de personnes en plus ayant recours à l’aide alimentaire. Nous devons nous préparer à la montée d’une vague d’une ampleur au moins équivalente », alerte le président de l’association. Pour Les Restos du cœur, « l’enjeu majeur de cette 36e campagne est de continuer à faire face. Dans l’urgence, mais aussi sur le long terme ».
L’association alerte notamment sur la situation des jeunes, de plus en plus nombreux à frapper à la porte : avec la disparition des petits boulots qui a plongé des étudiants dans la précarité, ils représentent « une source d’inquiétude encore plus particulière » pour Patrice Blanc. Les moins de 25 ans représentent déjà près de la moitié des bénéficiaires, les mineurs, 40 %.
Un million de nouveaux pauvres
Parmi les bénéficiaires de plus de 16 ans, 36 % sont en recherche d’emploi, 12 % perçoivent une retraite, 6 % ont un emploi et 6 % sont étudiants.
Avant la crise du Covid, à la fin de 2019, quelque 9,3 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté en France, selon l’Insee, et près de 5 millions avaient recours à l’aide alimentaire. Pour certaines associations, la crise va plonger un million de personnes supplémentaires dans la pauvreté.
Crise sanitaire oblige, Les Restos du cœur vont également devoir changer l’organisation de leurs centres. La distribution accompagnée (les bénéficiaires entrent dans le centre et sont accompagnés par des bénévoles) a laissé place à un système de « drive », où les bénévoles apportent les denrées alimentaires à l’entrée du centre où les bénéficiaires attendent en file.
« La plupart de nos locaux ne sont pas adaptés pour respecter les consignes de distanciation », explique M. Blanc. L’arrivée de l’hiver et la dégradation des conditions climatiques interrogent sur la pérennité de ce système. Exit également le « coin café » qui offrait un moment de convivialité.
Synthèse. Un million de nouveaux pauvres fin 2020 en raison de la crise économique.
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