Un artiste maquillé participe à une manifestation en faveur des intermittents du spectacle, le 20 juin 2014, à Marseille

Très attendu par les intermittents du spectacle, le décret sur l''année blanche" promise par Emmanuel Macron devrait paraître début août 2020.

afp.com/Boris Horvat

Ils peuvent souffler, pour l'heure du moins. Grâce à "l'année blanche" promise le 6 mai par Emmanuel Macron, et dont le décret devrait paraître la première quinzaine d'août, tous les artistes et techniciens du spectacle et de l'audiovisuel qui touchaient une allocation de Pôle emploi le 1er mars 2020 continueront à la percevoir jusqu'au 31 août 2021. Un véritable soulagement pour la profession. Au total, 100 000 personnes devraient bénéficier de cette mesure dont le coût pourrait atteindre 950 millions d'euros, selon le gouvernement.

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"C'est une bonne chose pour la majeure partie des intermittents, notamment tous ceux qui devaient travailler sur les festivals d'été", se félicite Denis Gravouil, de la CGT Spectacles. Aucun chiffre officiel n'est disponible, mais dans un monde où les engagements se font souvent sans contrat préalable, avec des employeurs multiples, peu d'entre eux ont pu bénéficier du filet du chômage partiel. Et si l'activité reprend tout doucement, une grande partie des comédiens, chanteurs, musiciens, ouvriers, machinistes, ingénieurs du son, etc., n'ont toujours pas de contrats.

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Francofolies, festival des Vieilles Charrues... Olivier Simenhaus devait accompagner le chanteur Alain Souchon jusqu'à l'été. Son job ? Rigger ou technicien d'accroche. La tournée avait commencé dans les zéniths de France en début d'année, elle s'est stoppée net. "Depuis mars, on est tous à la maison. Comme on se produit dans des grandes salles (plus de 5000 places), on a été les premiers arrêtés et on va être les derniers à reprendre", regrette-t-il. Faute de cachets, ses revenus ont fondu de moitié. L'idée de repartir sur les routes lui "fait hérisser le poil", mais il le dit lui-même : il n'est pas le plus à plaindre. "Dans le haut du panier", son intermittence lui permet tout de même de vivre "confortablement" en Bretagne. Ce n'est pas le cas de tous.

Faute d'avoir réussi à faire leurs heures avant le 1er mars, certains se sont retrouvés sur le carreau

Souvent décrié pour sa "générosité", le régime masque des écarts considérables. L'allocation moyenne était de 1100 euros mensuels au dernier trimestre 2019, mais un tiers des 100 000 indemnisés touchent moins de 800 euros (voir l'infographie). Sur toute la France, en juin 2019, vingt intermittents seulement ont touché une allocation mensuelle de plus de 2500 euros bruts. "Le régime n'est plus ce qu'il était, dit ce monteur césarisé. Aujourd'hui, quand je ne travaille pas, avec les carences, je touche 15% de mon salaire."

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Conséquence de la crise sanitaire, pour beaucoup, cette allocation de Pôle emploi, qui était jusqu'alors un complément de revenu, est depuis mars leur seule ressource. Difficile parfois de joindre les deux bouts quand on doit payer un loyer en région parisienne, qui concentre pourtant le gros des troupes, selon une étude de Pôle emploi. "C'est de la survie", souligne Rémi Vander-Heym, secrétaire général du Synptac, syndicat du spectacle vivant, également inquiet pour tous les primo-entrants. Soit 10 000 jeunes tout juste sortis d'école, qui n'ont pas réussi à ouvrir de droits et ne sont couverts par aucun dispositif, car n'ayant pas encore 25 ans, l'âge minimum pour bénéficier du RSA.

Faute d'avoir réussi à faire leurs heures avant le 1er mars, certains se sont aussi retrouvés sur le carreau. C'est le cas de Nathalie, qui espérait "rattraper son statut", perdu en 2019. Une création pour le festival Jazz à Vienne devait remettre à flot la saxophoniste qui, un temps, a tourné avec Gaëtan Roussel. La crise sanitaire a mis un coup d'arrêt à son projet. "Tout s'est stoppé en mars 2020. Je me suis retrouvée le bec dans l'eau", souffle-t-elle. Mère isolée, elle vit aujourd'hui du RSA et envisage de jeter l'éponge et de se reconvertir : "Je ne vois pas vraiment qui peut remplir prochainement l'Olympia. Et s'il y a une deuxième vague, ça va être compliqué..."

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"L'année blanche part du principe que tout redémarre en septembre"

Si certains tournages reprennent doucement, l'étau sanitaire est toujours serré sur le monde du spectacle vivant. Des tournées remplies grâce à des têtes d'affiche ont été reportées à l'automne, mais elles pourraient être annulées. Difficile de se projeter avec une telle incertitude. "L'année blanche part du principe que tout redémarre en septembre, mais si les salles restent fermées, un grand pan de la profession va rester sans activité. Sans parler des producteurs qui n'ont plus de trésorerie, relève avec inquiétude Rémi Vander-Heym. Si tout est décalé, les artistes n'auront pas vraiment un an pour atteindre les 507 heures nécessaires."

Régisseur-son dans les musiques actuelles, Baptiste Chevalier Duflot a, lui, retrouvé le sourire. Après avoir vu tous ses spectacles annulés (Jazz in Marciac...), il a reçu la confirmation mi-juillet qu'il va débuter les répétitions au théâtre du Châtelet fin août pour le spectacle d'Abderrahmane Sissako et Damon Albarn, Le Vol du Boli, prévu début octobre. Une lueur, enfin, au bout du tunnel.

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