Pour le Défenseur des droits, les discriminations en France ont bien un caractère systémique

« Les discriminations ne sont pas le résultat de logiques individuelles », mais « c’est tout le système qui est en cause », affirme Jacques Toubon dans un rapport publié ce lundi.

Dans son rapport publié ce lundi, le Défenseur des droits dénonce « l’insuffisance des politiques publiques ».

Dans son rapport publié ce lundi, le Défenseur des droits dénonce « l’insuffisance des politiques publiques ». CHRISTOPHE ARCHAMBAULT/AFP

C’est une prise de position inédite. Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, critique ce lundi 22 juin « l’insuffisance des politiques publiques » sur la question de discriminations à l’emploi, au logement, à l’éducation ou aux contrôles policiers et réclame la création d’un « observatoire des discriminations ».

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Dans un rapport intitulé « Discriminations et origines : l’urgence d’agir » [PDF], il affirme que « les discriminations ne sont pas le résultat de logiques individuelles, de quelques DRH qui refusent d’embaucher des personnes noires ou arabes » mais « c’est tout le système qui est en cause ».

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« Les personnes d’origine étrangère ou perçues comme telles sont désavantagées dans l’accès à l’emploi ou au logement et plus exposées au chômage, à la précarité, au mal-logement, aux contrôles policiers, à un état de santé dégradé et aux inégalités scolaires », affirme Jacques Toubon.

« Au lendemain des attentats de novembre, le patron m’a licencié »

Le Défenseur des droits souligne également la « dimension systémique » des discriminations en France, mettant en cause les « droits fondamentaux » de « millions » de personnes et la « cohésion sociale ».

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Le rapport met en lumière des centaines de témoignages d’individus qui sont confrontés aux discriminations au quotidien. C’est notamment le cas d’un ancien gendarme auxiliaire qui s’est vu refuser l’accès à une discothèque, malgré une réservation, car selon le gérant qui ne souhaitait pas « que l’on dise que c’est une boîte où il n’y a que de la racaille », « cinq Maghrébins de plus pour cette soirée ça faisait trop ».

« Au lendemain des attentats de novembre, le patron m’a dit qu’il voulait travailler avec des Français et m’a licencié. Pour info, je suis français », témoigne un homme de 41 ans, en recherche d’emploi.

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« Sinon vous comptez faire le Ramadan ? », « Vous portez le voile ? » : voici également le genre de questions qu’une femme en recherche d’emploi peut entendre régulièrement.

L’« insuffisance » des politiques publiques épinglées

D’ailleurs, ces discriminations augmentent, selon le rapport. En 2016, 11 % des personnes déclaraient avoir vécu une discrimination liée à l’origine ou la couleur de peau au cours des cinq dernières années alors qu’elles n’étaient que 6 % en 2008. Les discriminations liées à l’origine d’un individu représentent un tiers des saisines du Défenseur des droits : 35,5 % viennent du secteur privé, 24,40 % de la fonction publique ou encore 9,20 % concernent le logement.

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Le rapport pointe également du doigt « l’insuffisance des politiques publiques en la matière, effacées au profit de la promotion de la diversité ou des enjeux de sécurité, de laïcité et de lutte contre la haine ».

Le Défenseur regrette que la lutte contre les discriminations ne fasse « pas l’objet d’une politique coordonnée et spécifique » et souhaite que ce sujet devienne une « politique prioritaire ambitieuse » à l’image de l’égalité entre les femmes et les hommes.

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Un observatoire des discriminations demandé

Pour y remédier, l’ancien garde des Sceaux recommande de mettre en place un observatoire des discriminations et des campagnes nationales de testing « concernant notamment l’emploi, le logement », pour mieux documenter le sujet.

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Il souhaite également une révision des textes qui encadrent les contrôles d’identité « pour assurer leur traçabilité » et entend « faciliter la preuve de la discrimination en matière pénale » et « garantir des sanctions judiciaires proportionnées et réellement dissuasives contre les auteurs ».

L’objectif étant d’alléger la preuve exigée en matière pénale et permettre au juge civil d’accorder des dommages punitifs en cas de discrimination directe et de harcèlement.

Dans un rapport publié début juin, Jacques Toubon avait déjà mis en garde contre les inégalités sociales et les discriminations subies en particulier par les personnes d’origine étrangères « exacerbées » par le confinement.

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